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24/01/2012

Le sens du peuple est il soluble dans un parti censitaire ?

Unknown.jpegIl y a une certaine logique à publier "le sens du peuple" dans la collection Le Débat de Gallimard. Car il n'est pas tranché. Politiquement, (au sens de la vie politique française avec des partis, des représentants, les inévitables arrangements avec la réalité) Laurent Bouvet -c'est l'auteur- semble pris dans la contradiction du socialiste, résumée par Bénabar (pas cité dans le livre quand il fut un grand soutien de Ségolène Royal): "t'approuves mais tu regrettes c'est ton côté socialiste".

Si je commence par la conclusion, c'est qu'elle fut pour moi inattendue au terme d'un livre remarquable d'érudition, et de finesse d'analyse. Même s'il cite abondamment Rosenvallon et parfois François Furet, Bouvet n'est pas pour autant anticommuniste primaire. Bouvet aime le peuple, se méfie du parti socialiste dont il sait qu'à chaque fois qu'il eut le choix, il choisi l'élite, mais y retourne quand même. Syndrome de Stockholm ? Plus complexe...

Que nous dit Bouvet ? Qu'on a idéalisé le peuple au XIXème, qu'il a connu un bref âge d'or, mais que les socialistes s'en sont méfié, préférant le contourner et le mettre à part des leviers de décisions. Alors, lors du Congrès de Tours, tout le monde houspillait le socialiste Jaurès qui se réclamait du peuple alors qu'il était "ventru". De la gauche radicale à Péguy, tout le monde tombait sur les socialistes. La SFIO de 36 a un peu calmé tout ça, mais Bouvet rappelle, encore avec justesse que cela correspond à un "rattrapage logique". Plus forte car plus inattendue, son attaque des soixante-huitards qui reprend sans le citer le superbe mot de Jouhandeau aux révolutionnaires en goguette "rentrez chez vous, vous finirez notaires". Le trait est dur, pour ceux qui ont pris le Larzac comme pour ceux qui y croyaient vraiment. Mais quand on voit Kessler, Ewald, Cohn-Bendit ou encore Cambadélis, on se dit que l'ordre bourgeois n'a pas trop de raisons de trembler...

C'est pourquoi Bouvet rebondit sur 81 en parlant de gauche fantoche et d'éloignement des idéaux de la gauche : privatisation, équité, compassion pour les victimes et surtout, surtout, remplacement de la figure du prolétaire assimilé à Dupont Lajoie par celle de l'immigré. Le socialiste incarne depuis lors un politiquement correct, mais de droite... Qui l'a conduit, à chaque fois, à perdre ou à ne pas gagner dans la durée. Jusqu'à ce point, je ne changerai pas une virgule de l'opus. Chaque fois que la gauche a eu le choix entre le peuple et les people, le sens et le cens, elle choisi le second... D'où le silence à la question de Mélechon : entre le Front de Gauche et l'UMP, vous choisissez qui ? Le PS choisirait l'UMP et ça, c'est emmerdant... Le SPD a fait ainsi et les socialistes brésiliens aussi... A Solférino, on se mure dans le silence, mais la réponse est écrite et elle interroge lourdement.

Aussi, la conclusion me laisse plus que dubitatif. Il aborde les deux écueils à venir pour la gauche. L'écueil Terra Nova, car cela signifierait plonger encore plus dans la voie du progressisme libéral. 100% d'accord. Et l'écueil de la voie Mélenchon car elle conduit à une impasse... Là, pas d'accord, du tout. D'accord, traiter Marine le Pen de "semi démente" est une connerie. Soit. Mais sur le fond ? Cette analyse du PS par Rémi Lefebvre que partage Bouvet montre la véritable impasse : http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article449 . Bouvet le sait : le PS n'a plus de militants (moins de 100 000) c'est un parti d'élus et de représentants de la très haute fonction publique qui ne comprend pas les aspiration populaire car protégé sur l'emploi et le logement, les deux grandes angoisses du moment... 

La bio de l'auteur nous montre qu'il a eu de grosses responsabilités dans l'animation idéologique du PS. Amoureux déçu, mais pas rancunier, il est près à jouer les cocus joyeux en adoubant Hollande et en accueillant son "sens du peuple". Hollande ? Hollande n'a jamais travaillé hors de la politique de toute sa vie: il s'est entouré plus encore que Mitterrand d'énarques. Ou sont ces Bérégovoy ou ces Mauroy ? Hollande n'aime pas les riches, c'est bien, il ne connaît pas les gens de peu et ça c'est plus emmerdant... Aussi, certes il faut lui offrir le "Sens du Peuple", mais le député de Corrèze ferait bien de faire l'acquisition d'un autre excellent livre que j'achève, de Pierre Bayard, "Comment parler des lieux ou l'on a pas été?" (Minuit). Ca lui permettra de parler de l'entreprise (au lieu de sa proposition lénifiante de bêtise sur la notation sociale : y a t'il un expert du PS dans le privé ?) et des milieux populaires...

Commentaires

c'est mal connaitre le ps que de penser qu'il manque d'experts bossant dans le secteur privé...

Écrit par : romain blachier | 24/01/2012

Cher Romain, j'avoue avoir assisté à des discussions lénifiantes de bêtises sur le mode "yaka fokon" les contraigne... Aussi, si vous en êtes ou vous en connaissez dites leur d'envoyer leurs idées à François Hollande, au 59...
Ca pourrait ne pas avoir l'air mais ce commentaire est 100% premier degré, vraiment, dites leur d'écrire. Merci par avance...

Écrit par : Castor Junior | 24/01/2012

En confrère lyonnaise, je me permets moi aussi de répondre à Romain Blachier. Tu parles de ton expérience lyonnaise et tu as raison. Gérard Collomb (est-il vraiment socialiste ?) a su s'entourer très tôt de chefs d'entreprises et de conseillers ayant des responsabilités dans le privé. Le travail mené par la communauté d'agglomération du Grand Lyon notamment en matière d'innovation économique porte ses fruits puisque Rhône-Alpes fait partie des bassins d'emploi les plus dynamiques de France. Mais la question que soulève mon ami le Castor c'est au niveau national du parti socialiste qu'il la pose. Et là je signe derrière lui. Ce projet de notation sociale, auquel il fait référence, montre une fois de plus la méconnaissance crasse de Hollande et de son staff, en matière de responsabilité sociale mais plus largement concernant le fonctionnement des entreprises. Il fait plaisir à Nicole Notat, parfait. Il dope un peu l'activité de l'agence de notation sociale Vigeo, très bien. Mais la réalité c'est que les actionnaires n'ont rien à faire de comportements éthico-sociaux. La société civile et les ONGs, oui. Parce qu'il a peut-être regretté d'avoir eu la main lourde vis à vis du monde de la finance dans son discours du Bourget, il veut tempérer en introduisant une partie de notation sociale aux bilans des entreprises. Opération gagnant-gagnant (comme disait son ex) ? Mais qui seront les entreprises notées ? Celles qui sont côtées en bourse ? N'existe-t-il pas déjà une obligation de publication de rapport annuel de DD ? En quoi ce système de notation fera plus changer les comportements des entreprises en matière de responsabilité sociale, quand il existe déjà des normes et des outils législatifs importants en la matière (loi NRE 2001, ISO 26000, Grenelle2...) ? Enfin, n'y aurait-il pas d'autres propositions plus intéressantes que cet effet d'annonce (qui soit dit en passant est retombé comme un soufflé froid aujourd'hui) ? N'Ne devrait-on pas plutôt encourager innovation et performance des entreprises via un grand programme de formation des salariés tout au long de leur carrière et de transfert de compétences ? Cela éviterait déjà beaucoup de salariés sur le carreau à chaque vague de licenciement, comme on a pu le voir dernièrement dans les affaires Lejaby et Seafrance. Tout les rapports le montre, si les entreprises avaient su faire évoluer leurs salariés en les formant, les reclassement auraient pu être envisagés.

Écrit par : Cécile | 25/01/2012

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