20/08/2012
Le Hmong errant, après le touriste
Quelle richesse, quelle diversité de paysages au Vietnam. Après les plages, les villes, les sites archéologiques, nous voici dans les montagnes de Sapa. Là, nous arrivons dès potron minet (dont l'amoureuse m'apprend que l'on disait originellement "potron jacquet" en référence aux écureuils qui s'agitaitent à ces heures avant d'être remplacés par des chats d'où l'appellation actuelle) sur les hauts plateaux et voyons aux côtés des vietnamiens et des touristes, des centaines de filles et de femmes vêtues de noirs avec des sortes de guêtres aux pieds et d'étrangers paniers au dos. Les fameux Hmong.
Peuple des montagnes très pourchassé dans l'histoire, notamment par les Chinois, ils sont l'objet d'une vindicte encore farouche de la part des vietnamiens qui leur tienne rigueur d'avoir servir les français puis les américains. Dis comme cela, on les prendraient pour des traîtres à la patrie. Mais outre qu'ils ne sont pas vietnamiens (et ne le parle pas forcément) c'est avant tout un peuple vivant dans un dénument extrême qui s'est contenté d'aider ceux qui pouvaient les nourrir.
Aujourd'hui que les tensions politiques sont moins vives, les Hmong ont quelques terres où ils ont le droit de résider, même s'ils ne sont pas les bienvenus. Nous avons vu la police les rudoyer avec une vigueur qui effraierait les types de la BAC quand ils font une descente dans les quartiers. En tant que touristes, nous représentons la seule source de revenus des Hmong et ils nous sautent littéralement dessus quand il nous voient passer. Nous étions accompagnés d'un guide, Red Dzao (une autre minorité), mais contrairement à l'écrasante majorité des peuples montagnards, elle a appris l'anglais et en a fait son job comme guide de montagne. Dans le village, une dizaine de femmes plus ou moins jeunes (les hommes proposent des tours à moto aux touristes pour les meilleurs, les pires passant leur temps à boire) nous approchent et ne nous quitterons pas avant le déjeuner soit plus de 3h à marcher à nos côtés dans des montagnes boueuses et glissantes (surtout pour nous, elles sont d'une agilité prodigieuse). Là, au déjeuner c'est un concert de jérémiades pour que nous acceptions leur produits artisanaux dont à vrai dire, nous n'avons pas grand chose à foutre... L'amoureuse me jete un regard noir : elles nous ont suivi pendant 3h, parfois aider à franchir les rivières (pas moi, je suis têtu comme un buffle. Encore que, on a croisé un vrai buffle et je l'ai laissé passé le premier, pas uniquement par politesse) et nous les laisserions partir sans une obole ? Va pour un superbe petit sac multicolor...
Sur la route du retour, notre guide nous montre des écoles primaires, fréquentées également par les Hmong, mais pas les collèges. Les parents Hmong trouvent que c'est une perte de temps et qu'il vaut mieux essayer de vendre des bracelets ou aider à la récolte du riz. Elle nous narre également ces pratiques d'un autre temps, mais malheureusement actuelles comme le kidnapping des filles par des jeunes hommes qui vaut mariage car quand bien même elles récuseraient le mariage, les autres hommes Hmong, la jugeant déjà mariée, ne la prendrait pas...
Il y a sans doute une part de responsabilité de ces quelques millions d'habitants qui refusent d'évoluer et notamment de s'en sortir par l'éducation. Néanmoins, à voir ce à quoi la modernité les réduit, errer après les touristes, on en vient à penser aux peuples qui ont le plus souffert dans l'histoire. Dans nos manuels scolaires, on nous parle beaucoup (et à raison) des juifs, plus récemment des arméniens et des palestiniens. Il n'y a jamais une ligne pour ces millions de pauvres hères qui souffrent depuis des millénaires et n'ont jamais obtenu leur tant désiré Kurdistan. Mais il n'y a pas une virgule non plus sur l'absence de Hmongistan. Aussi, aujourd'hui comme hier, les femmes vêtues de noir poussent leur rocher comme Sysyphe, mais contrairement à Camus, je ne vois pas quel renversement philosophique permet d'imaginer les Hmong heureux.
Demain, nous marcherons encore longuement, la croisière sur la baie d'Halong se mérite...
12:23 | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
bel article retranscrivant bien la réalité même si dans ma version (à paraitre) j'ai pris un autre angle ou une autre question : est ce que le tourisme a créé cette situation ?
Écrit par : ice | 20/08/2012
ICe : ton blog est illisible depuis le Vietnam... Ces choses là arrivent, de retour en France, te dirais ce que j'en pense. Je crois pour ma part que le tourisme plus la géopolitique les ont acculé, mais j'attends ton billet.
Écrit par : Castor | 20/08/2012
http://icezine.wordpress.com/2012/08/21/visiter-sapa/ pour le billet. Essaye avec un autre DNS que celui proposé sur les PC ou bien des services comme lisp4 etc...
Écrit par : Iceman | 22/08/2012
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