19/09/2012
Boulevard le Pen...
Nouveauté pour moi en cette rentrée scolaire, je dois donner des cours de rhétorique politique. Nouveauté bis, ce ne sera pas seul, mais en bi voir trinôme avec des cerveaux bien formés et aux opinions très éloignées de miennes. Attendu que mes comparses sont des amoureux du politique et goûtent modérément les petites phrases, tout se passe bien. Nous abordons donc nos travaux pour aider nos étudiants à comprendre comment les politiques s'agitent en invoquant des mots clés comme autant de codes les renvoyant ou les excommuniant de certains partis.
Pour des raisons absconces "travail" est de droite "partage" de gauche et "République" pour tout le monde... Mais ces derniers temps et Sarkozy l'avait fortement bien intuité en 2007, les clivages classiques sont transcendés par les questions identitaires et de ce point de vue, je redoute que Marine le Pen ne soit en train de marquer des points... Bien sûr, les questions économiques seront très présents pendant le quinquennat eu égard à la gravité de la crise actuelle. Bien sûr aussi, un certain nombre d'enjeux sociétaux vont émailler les 5 années à venir : droit de vote des étrangers, mariage homosexuel ou encore euthanasie. Mais les questions identitaires amorcées plus que maladroitement (et sans doute volontairement maladroitement) par le précédent gouvernement vont revenir : la fracture entre vainqueur et perdants de la mondialisation se creuse et Marine le Pen guigne sans honte les bataillons des perdants, fort nombreux. Si elle les rallie tous, elle l'emportera.
Elle ne peut à l'évidence le faire sur les seuls thèmes économiques. Le Front de Gauche fera barrage et est historiquement mieux outillé pour contenir les travailleurs prolétaires, quand bien même les instituts de sondage disent le contraire. Contrairement aux idées reçues sur la campagne, Mélenchon a fini assez haut et le Pen n'a pas fait les 24% qu'elle atteignait un an avant, du temps où DSK était le champion putatif de la gauche. La faute a une orientation de campagne. Le Pen a eu les yeux plus gros que le ventre : elle a voulu tout tout de suite. Mais sa rengaine anti élite européenne et ses solutions économiques n'ont pas pris, elle patinait et commençait à décliner. Son retour aux fondamentaux de son parti, phrases chocs sur l'immigration, "mais des centaines de Mohamed Merah arrivent chaque jour par avion" fit mouche. Elle le sait et elle se pourlèche de voir qu'une irrépressible montée voir accession au pouvoir sur ces seuls thèmes est désormais possible. Un premier signe de ce virage à droite (c'est malheureusement possible) eu lieu lundi matin sur RTL, Marine le Pen était invitée par Apathie qui pensait sincèrement la coincer en lui demandant son avis sur la manif' de l'ambassade américaine en lui faisant confesser que Valls était assez sévère. On peut l'écouter en entier là : http://www.rtl.fr/actualites/politique/article/sur-rtl-ma...
Avouez que dans la série petite phrases, "je préfère un régime totalitaire laïc à un régime totalitaire musulman", dame le Pen fait fort. Surtout quand elle anticipe la réponse d'Apathie et le met KO en disant "oh je sais bien qu'on ne peut dire ça, mais les français pensent comme moi" et à voir les chiffres de vente et d'audimat des nouveaux beaufs et fachos médiatiques, elle marque un point. Et elle risque d'en marquer d'autres de marteler la même stratégie pendant un moment. Dans cette nouvelle guerre froide idéologique opposant occidentalisme et islam, le punch itératif de le Pen fonctionne. Elle n'a qu'à attendre que des faits divers tragiques surviennent partout dans le monde et parfois en France pour relancer ses piques en commentant l'immobilisme des dirigeants politiques.
Entre une UMP courant après le FN sans succès en singeant la dureté sur le foulard ou les expulsions et un PS mal à l'aise à l'idée de dénoncer les obscurantismes, le Pen peut se frotter les mains. Ce n'est pas demain la veille que nos gouvernants vont changer de discours en essayant de pousser l'ascension de rôle models dans les quartiers et surtout de relancer massivement l'emploi dans ces quartiers. Quand on bosse et qu'on est bien dans ses baskets, on perd moins de temps à regarder les conneries de films qui circulent sur Internet. Eu égard aux derniers chiffres de consommations des médias, télévision au global et audience des sites Internet, m'est avis que le Pen ne va pas trop souffrir pour trouver des arguments pendant 5 ans...
07:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
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