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22/10/2012

La crise qui vient

La_crise_qui_vient_Laurent_Davezies_Seuil_2012.jpgVraiment peu de titres à jeter dans cette collection de la République des Idées. Rosenvallon est bien plus détonnant, surprenant et incisif dans ses choix d'éditeur que dans ses prises de positions tièdes -même si fort bien défendues - en tant qu'auteur. Le dernier né porte un titre aussi prophétique qu'intriguant : la crise qui vient. L'auteur, Laurent Davezies, est d'après sa biographie et d'autres recherches internet un récidiviste de la prospective osée. Personnellement, je n'en avais jamais entendu parler, mais après avoir refermé son dernier opus, j'ai incontestablement envie de lire les autres.

Que nous dit-il avec la concision en vigueur dans la collection (109 pages) ? Que la France a connu un certain nombre de crises plus ou moins fortes et que la prochaine à venir (puisque c'est malheureusement une sale habitude prise par les puissances occidentales depuis 40 ans) se singularisera par son extrême inégalité territoriale. Dans la partie analytique du livre, l'auteur découpe la France en 4. Une France des métropoles extrêmement dynamiques et protégée des impacts de la mondialisation; une France de l'ouest et autres qui vit bien, profite de mouvements migratoires internes et de subsides publics ; une France à la peine et au risque de décrochage économique et enfin une France sous oxygène public. 

Or, les nouvelles dynamiques à l'oeuvre depuis 2008-09 nous mettent face à un choix territorial qui pourrait être fort douloureux. Nous semblons arriver au coeur de ce que la mondialisation peut toucher directement d'emplois peu qualifiés délocalisables (ce qui a pour conséquence interpellante d'avoir 92% des emplois supprimés depuis 2008 étant masculins avec 350 000 contre "seulement" 30 000 destructions d'emplois féminins) et la raréfaction de finances publics va nous mettre au pied du mur. On apprend également que contrairement aux idées reçues, la redistribution joue déjà : pas au niveau infra-régional (les Hauts de Seine ne redonnent pas à la Seine St Denis) mais au niveau national. Un Umberto Bossi français pourrait réclamer la sécession de l'Ile de France qui contribue largement au refinancement des autres régions. Ce d'autant que cela ne lui est pas payé en retour puisque nombre de travailleurs franciliens vont s'établir ailleurs pour leurs retraites et consommer là-bas, où leur pouvoir d'achat explose. L'Ile de France concentre de nombreuses interrogations du livre également à ce titre, elle est de très loin la première région productrice de richesses, mais pas la première en termes de santé économique. C'est de façon surprenante le Limousin, modeste 19ème sur 22 en termes de PIB, qui remporte ce classement. Or (bis), ce n'est sans doute pas le Limousin qui assumera la croissance de la France de demain. Davezies pense la croissance ; faut-il être décroissant, altercroissant ? ; pour la forme mais globalement semble convaincu qu'il nous faut continuer. Et il avance un choix pour la France de 2020 (et après) : soit une grande redistribution territoriale au risque de décrocher en termes de compétitivité car cela sera très onéreux (notamment pour assumer la facture énergétique et la remise à flot des bassins d'emplois sinistrés) soit un choix à l'anglo-saxonne de "clusters" territoriaux qui concentrent l'essentiel de la richesse. J'ai appris à cette occasion que le dilemme se pose en ces termes : jobs to people ou people to jobs. Pour les anglo-saxons, les territoires ne sont que des instruments et lorsque ces derniers sont défaillants, il faut s'arranger pour les vider et faire migrer (on voit ce que cela implique) vers des zones plus concentrées et plus performantes. 

Je ne sais ce qu'il adviendra dans les années à venir, mais si c'est la seconde option qui est retenue, je dois bien reconnaître qu'il ne faudrait pas me secouer car je serai plein de larmes. Parisien depuis bientôt 33 ans (bientôt...) l'idée que notre très beau pays (à de rares exceptions que je ne citerai pas, j'ai sillonné un bon bout de l'hexagone pour loisir ou boulot avec un émerveillement sans cesse renouvelé) puisse devenir un vaste désert parsemé d'oasis me navre au-delà de toute expression...

Commentaires

...et alors, te dirait un libéral pur jus, la main invisible du marché te conduirait vers un de ces territoires désertés pour faire rayonner ton pouvoir d'achat (quoi de plus beau?)
Bientôt, qui sait, nous aurons aussi ce choix : alter-croissant ou pain au chocolat.

Écrit par : secondflore | 23/10/2012

Bravo pour votre super article, plus ou moins complet et limpides, interminable vie à votre blogging.

Écrit par : match france honduras coupe du monde | 15/06/2014

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