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20/10/2012

La lente mort par asphyxie libérale du sport en France

asphyxie2.gifVieille comme l'antiquité, cette fable du pain et des jeux n'a jamais semblé autant d'actualité. Partout, les sportifs sont placardisés, idolâtrés, quasi momifiés vivants. Modèle d'émancipation pour la jeunesse des quartiers populaires, fantasme absolu des patrons et autres dominants, référence obligée pour le politique, la réussite sportive est notre eldorado commun.

Pour autant, c'est un colosse en trompe l'oeil que nous encensons : le sport en France est moribond pour ne pas dire mourant. Pas nécessairement la pratique sportive individuelle, mais le sport en tant que projet de société. Léo Lagrange ne sort pas de tombe, tu y retournerais en triple flip arrière si tu voyais ce qu'ils ont fait de ton idéal. La médiatisation galopante du sport sature écrans, ondes et colonnes, jusqu'à envahir les talks shows ou même les émissions de société. Les sportophobes doivent parfois se sentir bien malheureux tant le flot d'information sportive dégouline et se répand, y compris dans des endroits non prévus à cet effet... L'argent investi est plus important chaque année et dans un marché de l'emploi patraque, ce petit mercato affiche une forme insolente : les équipementiers, les agents (quelle plus belle engeance que ces salopards ?) et autres consultants ou spécialistes d'événementiels ou encore les coachs individuels voient leurs émoluments croître plus fort que l'économie de Singapour. Tous sportifs en France ? Que nenni.

Dans le supplément du Monde de ce week-end, Eric Thomas, responsable d'une assoc fédérant de nombreux clubs amateurs rappelle une triste réalité, connue des amateurs et ignorée du grand public : chaque année, 3 ou 4 clubs disparaissent. Des ruraux, à chaque fois. Dans tous les districts, les footeux s'évaporent. Si ce n'était qu'eux, plus de cyclistes, pas plus de tennismen, d'athlètes... La France a toutes ses breloques aux JO ? Comme dans l'idéal libéral, on fait beaucoup plus avec moins. Moins d'entrées, beaucoup plus de sélection, on conserve les quelques meilleurs et tous les autres, ces braves quidams qui voudraient juste se sentir mieux en faisant du sport, exit. Pour arriver à ces résultats, bien sûr, on triche un peu : dopage, paris truqués, dessous de table pour les arbitres, transferts troubles... Tous travers dénoncés par le livre majeur d'Alain Erhenberg, le culte de la performance. Travers qui n'a pas de raison de s'arrêter : les subsides engrangés par l'économie du sport, cette petite bulle profite aux mêmes grands clubs et le ministère du sport comme les collectivités locales ne savent pas comment flécher une partie plus importante du magot vers les clubs de quartiers. Alors, on se venge sur les particuliers avec des licences qui ne cessent d'augmenter, ce qui en détourne un nombre croissant. Sic transit...

Il y a une semaine, une étude EPOD a montré que, pour la première fois, l'obésité freine sa croissance en France. Les plus favorisés ont délaissé les Prince de Lu pour des Spécial K. Dans les barres d'immeubles, les champs ou les pavillons délaissés, on trompe l'ennui en salivant devant Masterchef en dévorant de la junk food. Les chiffres sont cruels : la prise de poids dangereuse diminue dans les beaux quartiers et continue d'exploser chez les plus démunis. Le projet d'éducation par le sport était ne fonctionne plus : pas celui d'une société mussolinienne avec de beaux éphèbes glabres et sveltes (et huilés ? Ah l'esthétique gay honteuse chez nos potes en chemises brunes...) mais celui du même Lagrange, d'une société plus fraternelle avec une pratique collective du sport où l'on s'amuse et s'entre-aide tous, ou l'émulation ludique tire un maximum d'entre nous est enterrée. 

En 2012, on peut désormais détourner le slogan 68ard : "Cours camarade, le vieux monde est derrière toi; si ton coach privé t'entraîne au loin, tu t'en sortiras. Tu n'as personne pour t'aider ? Et bah crève..."

Commentaires

Et oui, les pauvres sont gros parce que les plats tout prêts à ED ou DIA coûtent moins cher que les légumes et les fruits bio. L'obésité comme marqueur social…
C'est en effet scandaleux que les plus démunis aient de moins en moins accès au sport, non seulement pour lutter contre le surpoids, mais aussi parce que la pratique d'un sport, la vie d'un club peuvent sûrement éviter de s'ennuyer au pied de sa barre ou à de ruminer quand on a pas de boulot

Écrit par : Yola | 20/10/2012

Je serai rassuré si t'étais recrutée au ministère des Sports !

Écrit par : Castor Junior | 23/10/2012

Les commentaires sont fermés.