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27/11/2012

L'emprise de l'idéologie low cost...

economie-et-management-n-134-janvier-2010-gratuite-low-cost-nouveaux-modeles-economiques-revue-884683830_ML1-250x250.jpg"Ne soyez pas en retard, le monde n'attend pas". Cette phrase stupide, censée (selon son rédacteur publicitaire) résonner joyeusement dans la tête de quelques winners, était imprimée sur ma carte d'embarquement pour rentrer de Madrid. J'étais parti quelques jours avec mon plus vieil ami, un type organisé à l'extrême qui avait acheté nos billets il y a plus de deux mois. Aussi, nous voyagiions avec Easy Jet, qui sort toujours en premier des vols les moins chers.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas volé avec eux et si les choses se sont arrangées avec des places numérotées, leur gestion des passagers comme du bétail, elle, a empiré. Supplément pour tout type de bagages plus grand qu'une tête d'épingle, surcoût pour tout, stress horaire maximal pour les passagers comme l'équipage, bref, de la gestion à l'os. Arrivés dans la capitale espagnole, nous avons vu cette même gestion chirurgicale appliquée aux bars et restaurants, aux boutiques et à l'hôtellerie. Pourtant, contrairement aux images d'Epinal, Madrid n'est pas en crise, au contraire. Comme Barcelone, c'est le dernier endroit du pays où on trouve des jobs. Dans un bar à tapas où les fatals chupitos s'amoncelaient sur notre table, nous discutions avec des jeunes venues de Galice pour trouver du boulot à Madrid car chez eux il n'y a plus rien. Et dans cette Madrid qui vit bien donc, l'idéologie en place est une ode généralisée au low cost avec des affiches promotionnelles pour tout, dans toutes les vitrines et devantures de bars. Le plus fou que nous ayons vu était une promotion à 100 euros les 100 bières et 100 tapas dans un bar populaire proche de la Latina où tout Madrid, âges et classes sociales confondues, se bousculaient dans une noria ingurgitante déroutante. Promo ou invitation à gogo, pas besoin d'être grand clerc pour trancher...

Si cette vaste orgie peut être sympathique de prime abord, il faut bien avoir en tête l'aspect critique de la société de consommation contenu dans le film La Grande Bouffe pour voir ce qui se trame de malsain dans cette exhortation à la surenchère. Dans son essai plus qu'éclairant, Le Monstre doux, Rafaele Simone expliquait que le projet de gauche manquait de libido et avait perdu toute la bataille du soft power face au modèle du libéralisme économique. Or, le low cost est un projet politique, libéral des plus extrêmes en l'occurrence. A ce titre, le propos de Simone résonne d'autant plus : attaquer ou même condamner le low cost est devenu quasi impossible. Ce serait aller à l'encontre de l'espérance la plus communément partager : consommer le plus possible. Au-delà des avions, le low cost envahit tout, gangrène tout. Téléphone avec Free et ses auto-proclamées offres sociales à 2 euros qui n'ont de social que l'emballage publicitaire. Aucune démarche particulière auprès de populations plus modestes, aucun accompagnement pour les publics les plus fragiles qui tombent dans le piège grossier de la consommation à la minute. On a bien vu Montebourg tomber dans le piège lui qui louait Xavier Niel ce "libérateur du pouvoir d'achat" pendant la primaire socialiste avant de condamner le fossoyeur de l'emploi...

Car le problème est bien évidement là : dans l'économie low cost, cet aboutissement total de la pensée libérale, l'homme n'entre pas dans le business model. Pour Easy Jet l'absence de confort est modérément dommageable, mais lorsque le groupe Korian promeut des maisons de retraites dites low cost mais encore bien plus chères que les maisons associatives, les quelques euros gagnées se font en retirant 2 mètres carrés aux chambres des résidents... Les blogs sont des outils sympathiques, mais lorsque les groupes de presse peu consciencieux les promeuvent sur leurs homepages pour générer du trafic et en faire une alternative à l'information classique, il y a des gifles qui se perdent... Pire que tout, la santé low cost se propagent lorsque la sécu s'affaisse; dents remplacées à la va vite (je n'ose dire à l'arrache...), les yeux, le coeur et autres organes vitaux que l'on va faire réparer le moins cher possible sans les nécessaires garanties. Là encore, même problème que celui citée plus haut : oser s'insurger contre cette saloperie et vous passerez pour une ordure inhumaine. Comment, vous ne voulez pas permettre aux malheureux de pouvoir se soigner dignement ? Vous êtes un sale petit privilégié. Ainsi, insidieusement, on voit le triomphe de l'emprise libérale sur nos vies. La mise en abîme est parfaite car l'économie low cost s'applique elle même ses principes : le droit du travail, la représentativité syndicale, le partage des profits et autres répartitions de la richesse de l'entreprise chez nos amis low costiers est une vue de l'esprit...

On a réussi à imposer peu à peu que tout avait un prix, que tout pouvait se consommer et que le low cost constituait donc un progrès pour permettre à tous d'avoir plus. Si nous réfléchissions calmement deux secondes, nous verrions bien que jamais la santé ne peut se réduire à un produit de marchandise comme les autres, ou même un produit d'exception. Cette résignation coupable est une faute commune. Une fois cette boîte de Pandore ouverte, les conséquences dramatiques peuvent prospérer. A l'heure où Keynes fait un retour en grâce parmi la doxa, il serait bon également de raviver du marxisme les thèses sur la valeur travail et la production par l'homme. Remettre l'homme au coeur de l'économie et faire du l'utilité sociale une priorité, un projet moins bandant en apparence que le low cost glouton ; c'est pourtant cette bataille qu'il faudra emporter sous peine de sombrer dans une nouvelle barbarie.

22/11/2012

Gare à la droite qui vient

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Ne nous y trompons pas, même si les Dom-Tom nous sauve des serres de l'aigle meldois (et en attendant nous permettent de nous gondoler avec une pièce que Feydeau n'aurait pas osé, jugeant les rebondissements trop hénaurmes) le péril idéologique guette. Car enfin, soyons sérieux : 60% des militants tout juste sont allés voter et n'ont su se départager... L'étendue du désastre est colossale : c'est donc que 140 000 personnes, électeurs de droite engagés, ne se sont pas déplacés pour départager les deux impétrants. Que rien, dans la campagne et le discours de Copé ne les a choqué au point de se dire qu'ils sacrifieraient un bout de leur dimanche pour aller éconduire ce flibustier mal appris. Et parmi ceux qui ont voté, la moitié (un peu plus ou un peu moins, ce n'est un débat que pour eux) a approuvé les conneries sur les pains au chocolat, le racisme anti-blanc, la suppression de l'aide médicale d'état et autres joyeusetés...

Dans son numéro de septembre dernier, le Débat parlait de droitisation de la France et les derniers résultats ne peuvent que lui donner raison. A double titre, et c'est cela qui est le plus dangereux. D'abord, avec une gauche qui se droitise à tout berzingue (TVA sociale, compétitivité patronale, crédit d'impôt, suppression de postes dans la fonction publique et demain gaz de schiste) jusqu'à ne pas savoir faire respecter un principe d'égalité sur le mariage pour tous en parlant de "liberté de conscience" des maires... Ensuite, évidemment avec une droite qui se droitise à outrance. Car au-delà de la roulette russe entre les deux duettiste, la motion de fond arrivée en tête est la Droite Forte, de Guillaume Peltier ou Geoffroy Didier. Deux jeunes, là pour longtemps. Le premier est passé par le FN et Villiers, le second officiait auprès d'Hortefeux. Les commentateurs font bizarrement peu de cas de cette OPA aux relents d'OAS...

Or, une fois que la boîte de Pandore des digues républicaines est ouverte, on peut craindre le pire... Sarkozy a beaucoup parlé et n'a pas agi sur tout. Souvenons nous que dans sa campagne de 2007, il déclarait vouloir baisser les prélèvements obligatoires de 4 points en 5 ans, plus vite que Thatcher. Il n'en fit rien. Et s'il donna beaucoup de coups de menton devant les caméras au sujet des jeunes dans les halls d'immeuble, il n'a pas eu une politique sécuritaire plus dure que par le passé, juste plus absurdement médiatisée. Or, s'il est exclu qu'un Copé président applique le programme sécuritaire de Marine le Pen, on peut craindre en revanche qu'il passe vraiment aux choses tatchériennes sérieuses. D'abord sur les 35 heures. Là où Sarkozy a échoué aux yeux des militants de droite, Copé ne pourra se permettre à son tour de finasser et devra mettre un coup de guillotine à cette emblématique mesure. Le test grandeur nature de sa nature décomplexée auto-proclamé. Ensuite, la fascination de Copé pour les Etats-Unis pourrait le mener vers des décisions foutraques comme dézinguer vraiment l'hôpital public et l'éducation nationale en dérégulant franchement. Il en serait foutu. Supprimer le CDI et autres amabilités. Le péril n'est pas sur son opposition au mariage pour tous, dont il n'a en réalité que faire et qu'il ne modifiera jamais, mais bien sur les droits sociaux de tous...

Avec les pittbulls sans chaîne ni muselière, il n'y a pas 36 solutions : frapper le premier. Si la gauche continue de tenter d'amadouer ces nerveux en imitant le cri du MEDEF, ils vont se faire fracasser... 

20/11/2012

L'échec, l'autre gaz de schiste français ?

9782246790242.jpgAvec l'amoureuse, la plupart de nos livres sont encore en cartons, rendant délicat la trouvaille d'un moment de distraction au milieu de quelques déballages. Et voilà que le soir même de notre emménagement, une bonne fée amie m'offre quelques livres de la maison où elle travaille. Un nouveau roman de  Garcia Marquez, un vivifiant essai sur les relations entre USA et Chine et "grandeurs et misères des stars du net". Curieusement, c'est ce dernier qui retient mon attention. Vanné, je pense que ce sera une lecture récréative et paresseuse. Erreur.

C'est fort mal écrit, au point ou l'on pourrait prendre n'importe quel passage du livre et le faire passer à des étudiants en journalisme ou autre matière à "aspiration rédactionnelle" et leur poser comme exercice : "une vingtaine de clichés stylistiques se sont glissés dans ces deux pages, entourez-les en rouge et proposez un synonyme". Ce qu'on y trouve dans le fond, en revanche, est très amusant et je l'ai avalé d'une traite comme un mauvais Mc do... Du coup, c'est encore plus claqué que je me levais le lendemain matin. Alors,  en ouvrant de nouveaux cartons, je me demandais ce qui avait retenu mon attention dans cette galerie des glaces des stars du web. Ces six success stories exclusivement masculines (les auteurs, une journaliste et le fondateur de Meetic s'en explique : moins de femmes ayant tout sacrifié et les deux approchées ont décliné l'offre d'interview) ont toutes en commun de mettre en lumière un aspect peu éclairé d'ordinaire sur les CV de nos dirigeants : leurs échecs. Oui oui, leurs gamelles, leurs déroutes, leurs conneries...

C'est l'aspect sympathique du livre. Il montre que ces six capitaines d'industries se sont pas mal plantés et, contrairement à Alain Minc, se sont remis en questions pour changer leurs pratiques et repartir de l'avant pour arriver aux résultats d'aujourd'hui. En outre, il ressort du livre que dans la net économie, le diplôme ne joue aucun rôle, seuls 2 des 6 sont bien diplômés et cela ne les a guère aidé, les autres sont malins ou débrouillards. La conclusion est signée de Marc Simoncini, un monument de tartufferie : à le lire, pour que la France se redresse, il suffirait qu'elle reconnaisse le goût d'entreprendre, laisse plus le droit à l'échec et cesse d'avoir une fiscalité confiscatoire (c'est lui qui parle) à l'égard de nos entrepreneurs. Et les auteurs de citer la façon dont les Etats-Unis ont laissé Steve Jobs se planter dix fois et triompher à la onzième. Ha bon ? Ce serait aussi simple que ça ?

Impossible de nier que le logiciel culturel français a un problème avec l'échec. Depuis l'école où la sélection se fait par ledit échec et où la réussite voire l'excellence considérée comme une obligation (ce qui relègue un nombre infini de personnes méritantes hors des sentiers battus parce qu'ils n'avaient pas l'intelligence scolaire) à l'entreprise qui reproduit bon gré mal gré les clichés sociaux sur l'excellence et la nullité supposée des uns et des autres. Aussi, cette machine à trier française éconduit et sacrifie sur l'autel de l'interdiction d'échouer, des millions de personnes. Alors, quand on lit l'ode à la modernité contenue dans le livre on se met à vouloir les soutenir mordicus. Sauf que sauf que...

Le livre laisse un peu sur sa faim dans la mesure où il ressort que ce qui produit le plus de richesses aujourd'hui selon les indicateurs en vigueur à une utilité sociale discrète. Meetic met à jour le Chasseur Français. Fort bien. Seloger.com est une mise à jour technologique des journaux de petites annonces. Bien. En revanche, le reste... Venteprivee.com exploite la surproduction marchande tout en écoulant les stocks de fringues, de vins, de livres et autres. Priceminister.com exploite lui la surconsommation des occidentaux en les incitant à revendre plus pour racheter plus, tu parles d'un progrès... Enfin Free réduit les factures de téléphone portable des français, fort bien. On ne pleurera évidemment pas sur la troïka d'opérateurs présents qui avaient sans conteste des marges plus que confortables Néanmoins, attendus que ces derniers ne jouent pas le jeu, les conséquences sur l'emploi de l'arrivée de Free ne sont guère fameuses.

Pire, lorsque l'on lit les six trajectoires de ces tycoons de l'internet, il ressort qu'ils ont gagné des dizaines de millions d'euros et que leurs actionnaires ont également été très largement rémunéré, sans que les -rares- salariés aient bien gagné leurs vies. En effet, si Marx lisait les comptes annuels de ces entreprises, il s'étranglerait. La nouvelle économie nie complètement la valeur travail et encense les profits virtuels. Sans doute est-ce pour cela qu'elle laisse aussi facilement de la place à l'échec, ce sont ceux d'apprentis sorciers un brin irresponsables qui jouent pour gagner le jackpot et qui, si ça ne rigole pas, attendrons un peu avant de tout remiser sur le 21 rouge, impair et manque. Non décidément ma bonne dame, les jeux sont faits et rien ne va plus du tout...