19/01/2013
Omniprésente opinion, piège à con ?
Saoulé de questions par un Fabrice Luchini ravi de rencontrer son idole au point d'en oublier les principes élémentaires de la politesse, Roland Barthes eut la plus sage des réparties: "Fabrice, accordez moi le droit de ne pas avoir d'opinion". L'attitude de bon sens de notre grand sémiologue n'est malheureusement pas partagée par nos dirigeants d'aujourd'hui.
Ce serait un énième remix de ces questions de poules et d'oeuf que de chercher à définir à nouveau si la faute incombe aux journalistes qui posent des questions à torts et à travers, ou aux politiques eux mêmes, qui se prêtent joyeusement au jeu des snipers et des cibles. Si retrouver l'auteur du pêché originel est délicat, il est bien plus évident, en revanche, d'observer les conséquences de ce petit jeu de massacres entre amis : une désaffection record envers l'action publique.
Demain dimanche, les grands messes des émissions politiques ont beau se répartir en quelques grandes chapelles (Grand Jury, Chez Elkabach, France 5 ou Tous Politiques), le travers de l'opinionite infecte tout le monde. Partout les même règles éprouvées : cuisiner longuement l'invité sur son portefeuille ministériel s'il est au gouvernement (ou la vie de son parti et les idées dudit parti s'il est dans l'opposition) puis sur toutes les réformes en cours, toutes les sorties médiatiques de leurs petits camarades et enfin tous les faits divers... Je ne comprends pas qu'aucun rédacteur en chef d'une émission politique n'ait tiqué en regardant leurs sommaires. Ca ne tient pas debout. Pourtant, les émissions se démultiplient et toutes celles qui naissent ont les mêmes malformations de naissance contraignant nos dirigeants à se muer en Hercule de la réponse sur tout. Passe encore sur l'aspect Wikipédia avec demandes chiffrées sur tous les sujets, où Bourdin et autres s'amusent à tester la capacité de bachotage de nos gouvernants sur le ticket de métro, la production industrielle de l'Allemagne au 2ème trimestre 1987 ou le cours du Yen par rapport Yuan...
Mais cette universalité de réponse aux faits divers et aux dérapages des uns et des autres est un vrai poison facile à combattre: il suffit de le retirer. Ne pas demander 40 fois aux invités de lundi dernier "l'un des porte-parole a comparé François Hollande à Hilter, qu'en pensez-vous ? Najat Vallaud Belkacem a déclaré que le camp du progrès ne défilait pas et que les manifestants effectuaient leur chant du cygne ; un commentaire ?". Le départ de Depardieu en Russie, est-ce la fin de l'identité française ? L'assassinat en bas de la rue d'un jeune homme est-ce le signe de l'inexorable vague de violence qui gangrène la société française ? L'engouement pour les soldes, fin d'un système ou consommateur malin ? La consommation de croque tofu, alter mode ou rejet de l'agriculture française ? Les progrès du gazole; écolo quand même ?, Le retour des chemises à jabot, passion romantique ? Les meubles à monter soi même, passion bricolo ou complot anti écolo ? Les animaux de compagnie comme miroir de la solitude ou nouvelle empathie ?
L'inflation est inexorable avec tous ces nouveaux supports, ces nouveaux réceptacles de la grande centrifugeuse de l'info dans laquelle nos gouvernants se ruent joyeusement et acceptent sans barguigner de répondre à toutes leurs conneries. A ceux qui auront la décence de s'indigner de cela et refuseront de répondre, quelle que soit leur étiquette politique, je dis merci par avance. Personnellement, j'applique ce sage principe, quand mes étudiants me demandent pourquoi Psy fait 1 milliards de vues sur youtube j'admets que je n'en sais rien. Et que je m'en contrefous en plus...
Demain, nous nous préparerons comme chaque année pour les manifs oecuméniques du 21 janvier puisque c'est ce même jour (pas la même année) que sont morts Louis XVI et Lénine. Nous réviserons donc notre Sardou et notre Ferrat...
17:25 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Ben, j'ai rien à dire :)
Écrit par : Yola | 20/01/2013
Ha ha ha !
Écrit par : Castor Junior | 20/01/2013
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