23/01/2013
Plus de cran, moins d'écrans ?
La cohérence voudrais que j'écrive cette note à la main. Elle me vient, certes, suite à la lecture d'un journal papier (Le Monde), mais l'article lui même a sans doute été écrit sur un écran d'ordinateur. Damned, nous voilà cernés.
Blague à part, l'Académie des Sciences ne passe pas pour être le chef lieu de la sédition en France. On n'y développe pas toujours des points de vue à même d'horrifier Danton. C'est vraiment le genre d'instance dont on se dit que l'avis a été pondéré 1000 fois, surtout lorsqu'il s'agit de préconiser un recours mesuré à la technique. Ce que firent lesdits membres dans un avis récent : ils encouragent explicitement à limiter le recours aux écrans pour les plus jeunes et poussent les parents à pratiquer une autorégulation salutaire.
Les grosses têtes académiciennes découpent leurs préconisations par âge : avant 2 ans, n'espérez aucun apport de la technologie, sauf pour les tablettes qui développent certains réflexes. Dès 2 ans, ne déconnez pas: pas de console personnelle. Encadrez la pratique du gamin pour vérifier qu'il ne se livre pas de trop à l'onanisme numérique, mais qu'il socialise bien dans la vraie vie. Entre 6 et 10, là où il y a de fortes chances que le numérique soit pleinement rentré dans sa vie, c'est le moment de jouer son rôle de parent vigilant en encourageant l'autorégulation. Je ne sais si nos amis académiciens ont déjà vu d'authentiques bambins de cet âge parce que le "et maintenant Kevin, je te laisse ton Ipad, mais dans une demie heure tu arrêtes pour lire madame de Sévigné puis faire ton piano" ça marche peut être dans leurs cerveaux, mais pourrait gripper en vrai... Enfin, passé 12 ans (que se passe t'il entre 10 et 12 ? Mystère, l'histoire et l'académie ne le disent pas) il s'agirait d'encadrer les usages nocturnes abusifs. A chaque nous parlons bien d'usages ludiques avec consultations de jeux en ligne. Les usages nocturnes abusifs semblent faire consensus tant nombre de profs de collèges et de lycée se plaignent des gueules chiffonnées des ados qui abusent du redbull matinal pour compenser les méfaits de l'ordinateur.
Me revient alors, écrivant ceci, mes atroces matinées de lycée où mon professeur de français m'expliquait que je n'écrirais jamais une ligne dans une langue correcte et que pour faire des dissertations aussi pourries, il fallait que j'ai une sorte de trisomie cachée. Et bien ces matins là étaient d'autant plus atroces que je crevais d'envie de roupiller parce que j'avais souvent fort peu dormi. Ayant passé la nuit sur un seul et même jeu, attention l'antiquité, Kevin Keegan Manager. En gros vous étiez manager d'une équipe de foot et vous coachiez votre équipe avec transferts et autres et vous regardiez se dérouler des matchs sans pouvoir jouer vous même. Ce simple jeu pour contemplatif au graphisme plus que rudimentaire m'a happé des nuits entières. Je n'ose imaginer ce qu'il se passe avec les nouveaux jeux autrement plus emballants. Je ne pense pas que l'esquisse d'auto-analyse soit valable dans la mesure où les technologies ont trop évolué depuis.
J'ai eu ma première console de jeu à 7 ans (une Vectrex, la classe ultime) et ai joué sans discontinué en prenant un meilleur modèle jusqu'à la veille de mes 20 ans. J'ai alors revendu ma dernière console et n'ai plus jamais joué. Comme un alcoolique qui ne retouche pas une goutte. Les rares fois où une de ces saloperies m'est passée entre les mains, j'étais comme scotché. Et c'est ce dernier point qui me fait penser que la rupture existe avec les moyens de distractions précédents : le caractère addictif. Aujourd'hui, certaines cliniques se spécialisent dans l'addiction aux jeux vidéos ou aux écrans, personne ne vous soigne du fait de trop lire...L'autre souci induit par cette consultation d'écrans abusifs est évidemment la pratique d'activités simultanées avec des séquences très rapides. Mes étudiants, même à 25 ans jouent encore à des jeux qu'ils commentent de l'autre main sur un forum ou un réseau social tout en regardant une télé. J'exagère bien sûr, mais la pratique concomitante et le découpage d'activité très courtes n'est dangereuse que dans la mesure où obtenir leur concentration sur toute une heure devient de plus en plus difficile.
Or, sur ces excès numériques, il n'y aura pas de grand basculement en arrière. Seulement des encadrements personnels. Une amie qui, de son propre aveu, est assez screen addict a reconnu récemment les bienfaits de ses soirées offline. Comme elle n'est pas à une contradiction près, elle en fit un statut facebook pour voir si tout le monde la suivait sur cette voie. Hier, je me rendis à la BNF pour écouter un hommage au poète Léon Gontran Damas. Les textes étaient d'autant plus mélodieux que leur lecture ne fut pas perturbée de sonneries de portables, et pour cause : il y a des brouilleurs. Salutaire... Si l'on remonte encore d'un cran dans l'encadrement, de plus en plus d'entreprises encouragent la pratique du shabbat button. Un shabbat numérique, une pause digitiale où l'on prend le temps de couper. Toutes les boîtes qui le pratiquent soulignent la qualité des réunions sans parasite technologique... A bon entendeur ?
A vrai dire, je ne serai pas surpris que nous allions vers un déploiement massif de ce genre de pratiques résistantes au tout connecté. Tout excès entraîne des revirements puissants. Mais de même que le slow food reste une posture pour dandys et bobos éduqués contre l'emprise du fast food, l'usage modéré des écrans ne sera pas la norme avant un bail.
D'ici là, je vais chercher sur google les moyens les plus efficaces pour passer moins de temps sur le net... Et en attendant, comme disent avec justesse les Guignols, je peux éteindre et reprendre une activité normale.
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