23/08/2013
Karine Tuil m'a tué...
Karine Tuil n'écrit pas que des conneries, elle en dit également à la radio. Ce matin, sur France Inter, la romancière était invitée pour la matinale. Il est suffisamment rare qu'un auteur soit convié à cette heure de grande écoute pour que le fait soit notable, on aurait aimé que cela fut pour un bon livre. Or, ce précieux temps fut accordé à l'un des pires 500 et des brouettes romans de la rentrée. Je n'en ai, pour l'heure, lu que quelques uns, mais je ne conçois pas comment nombre d'oeuvres pourraient être pires que ce navrant pavé. Car en prime, Tuil s'enfonce sur près de 500 pages d'inepties.
Le scénario a la force de La vie est un long fleuve tranquille. Deux mecs à l'adolescence aiment la même nana. L'un est juif et faible, se perd dans sa scolarité et se noie socialement. L'autre est arabe et fort, excelle dans les études (avocat) et rêve de conquête dans le grand monde. La femme choisit le faible, par compassion. Elle est belle et elle choisit le moche (qui est pauvre, faut suivre). Alors l'arabe, il va aux Etats-Unis et il devient une star du barreau parce qu'entre temps, il a changé son nom pour prendre l'identité de son pote et s'inventer une vie de juif (qui sont riches et puissants, j'espère que vous le saviez). En fait, l'arabe a d'abord été recruté en France par Pierre Levy à qui il a dit qu'il était juif. Parce qu'avec son super CV avant, il se cassait les dents. Les arabes ont pas de réseau, les juifs tout. Et plein d'argent aussi. La finesse du propos est étourdissante. Circonstance aggravante, ça ne tient pas debout une minute. Elle s'est perdue dans sa propre intrigue : outre que les clichés abondent, les invraisemblances et les contre vérités se disputent le monopole...
Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, l'ineptie du propos est aggravée par la nullité du style. Schiffrin, le fondateur de la Pleiade, se plaignait de "l'édition sans éditeur". Il avait dû lire Tuil par anticipation. La romancière a manifestement convaincu son éditeur que la relire était une activité superfétatoire. Car enfin, pourquoi nous infliger 200 pages de dialogues plats ? Des tombereaux d'adverbes inutiles ? Pourquoi avoir laissé, à l'intérieur du livre, une sorte de dictionnaire des clichés incorporé dans le récit. Tuil doit avoir peur que son lecteur n'entrave rien donc elle rabâche pour faire comprendre que les tenues sont luxueuses ou au contraire élimé.
L'indigence, la bêtise crasse de ce livre aurait mérité qu'on le passe sous silence, pour dépenser son énergie à relater les livres qui valent la peine d'être découverts. Mais le fait que France Inter ouvre ses grandes antennes à cette daube m'a hérissé le poil. Grande spécialiste des arabes et juifs, j'espère que Karine Tuil se rendra au mur des lamentations pour s'excuser d'avoir écrit une connerie pareille...
Voila, le livre coûte 20,90 euros, économisez les donc et découvrer au hasard Tristan Garcia, Emilie de Turkheim, Flore Vasseur ou Thomas Reverdy.
14:56 | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
Il est bien, le Flore Vasseur ? "Comment j'ai liquidé le siècle", malgré un pitch alléchant, était un peu décevant, pour parler gentiment...
Écrit par : r1 | 23/08/2013
J'aime beaucoup la manière dont vous saccagez ce que vous n'aimez pas. Et la manière dont vous dites pourquoi*.
C'est sans doute à cause de critiques comme vous que j'hésite tant à écrire (et publier) le grand roman qui dort en moi :-)
*
Écrit par : Stéphane | 23/08/2013
Pas encore lu "bande organisée", je trouvais juste que le pitch est alléchant aussi... Et je la connais un peu, elle est plus qu'intelligente. Mais je te concède que ça n'est pas un gage. Le papier lu dans l'Obs, hier, donne envie de lire Emilie de Turkheim en tout cas. Et je maintiens que le Chalandon, c'est puissant !
Écrit par : Castor | 23/08/2013
* = je précise que c'est du premier degré. Comme dirait un certain, je veux dire que j'aime vraiment beaucoup la manière dont... etcetera.
Écrit par : Stéphane | 23/08/2013
Stéphane : je crois que vous devriez au contraire le sortir de son sommeil ! Il y a un excellent roman de Jean-Marie Laclavetine, "premières lignes" sur la thérapie par l'écriture...
Par ailleurs, je ne saccage que ceux qui ont des ventes suffisantes pour se consoler. Pourquoi s'acharner sur des jeunes auteurs qui tentent de se réaliser ?
C'est du premier degré aussi : si vous voulez écrire, les critiques ne doivent pas vous inhiber !
Écrit par : Castor | 23/08/2013
Je n'ai pas lu le dernier d'Emilie mais cette gamine est un volcan. Je l'adore.
Écrit par : r1 | 23/08/2013
Bon, qu'est-ce qu'on fait si elle remporte le Goncourt ? :p
Écrit par : Alexander | 30/10/2013
@ Alexander : bonne question, mais comme souvent : on l'offre à une vieille tante qu'on aime pas !
Écrit par : Castor | 31/10/2013
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