16/11/2013
L'éducation, c'est plus que de l'éducation
Et au milieu des analyses coule une rivière de désespoir. Alors que l'impossibilité de la sieste m'est apparue avec évidence en raison de la proximité de gens riant sous mon toit, je cogitais. Notamment sur mon absence de volonté de les rejoindre en feignant le sommeil. Pas envie de rire. C'est rare chez moi. Mais l'actualité de la semaine a momentanément crispé mes zygomatiques.
La xénophobie se répand partout en Europe dans des proportions ubuesques. Au-delà des chiffres, du nombre de bulletins de vote et des nouveaux élus, c'est la nature même de leurs arguments qui me laisse pantois. La "Guenon Taubira", c'est Gringoire, c'est Je suis partout, c'est purement immonde et sans autre forme de commentaire que l'appel au procès. Or, il se trouve des cuistres pour vouloir commenter le possible procès. Je me souviens d'un imbécile de journaliste de la Croix (Laurent de Boissieu, pour ne pas le citer) nous expliquer que "la une de Minute est immonde MAIS (erreur camarade, il n'y a pas de mais) le discours sur la diversité nous a conduit là avec sa vision racialiste du monde". Bon, les bras vous en tombe. Et ce sont ces gens là qui veulent nous donner des leçons de morale...
En théorie, on nous raconte que l'éducation sauvera le monde. Je ne suis pas loin de penser que c'est vrai, d'où mon immense joie depuis cinq ans de pouvoir me livrer au plaisir de la transmission et de l'échange avec les étudiants. Mais tout de même, pourquoi ne pas revenir à une vérité élémentaire, crue, et s'interroger une seconde sur l'échec : dans la France de 1945, au lendemain des désastres que l'on sait, 3% d'une classe d'âge était bachelière, en 2011 nous étions à 71,6%. On peut écouter les récriminations de Finkielkraut et autres néo réacs sur le fait que "le niveau baisse" et que l'on ne pourrait comparer les détenteurs des baccalauréats d'hier et ceux d'aujourd'hui. Soit, mais avec une multiplication par 24 de ce nombre, nul ne peut contester que le niveau éducatif du pays a considérablement augmenté. La population étudiante a suivi, dans des proportions un peu plus faible, une hausse similaire.
Or, "l'explosion" de l'éducation n'a pas endigué la prolifération d'idées nauséabondes, la persistance de rumeurs folles, de théories du complot et autres débilités en tous genres, jusqu'à l'adhésion stupide à toutes formes d'églises et autres chapelles. La massification de l'éducation devrait, en théorie, favoriser une certaine diversité -jusqu'au risque de l'atomisation- de l'offre idéologique. Tous ceux qui ont pu bénéficier de plus de dix années d'apprentissage, ont du acquérir les bases d'une réflexion par elles mêmes. La pensée critique devrait dominer tout. La critique n'est pas le vomissement, mais le fait d'émettre des doutes, de contester, d'opposer et, in fine, de proposer. Rien de tout cela avec ce qui se passe actuellement. Jacqueries, mises à sac, rassemblements hétéroclites sans mot d'ordre autres que : y en marre, ras le bol, nique sa mère, retrait, annulation. Les deux derniers cris sont relativement intéressant : si l'on veut à tout prix retirer toutes les tentatives de changement, c'est donc qu'il y avait matière à se réjouir auparavant. Sophismes. Ce qui est à mon sens véritablement angoissant dans ce qui se passe, c'est le manque de perspectives de salut par l'individu.
Si l'on espérait que la lumière viendrait des salles de classe, force est de constater que l'éducation c'est plus que l'éducation nationale. L'atomisation sociale, la compétition permanente, l'accélération des changements technologiques, les mutations du marché de l'emploi, tous ces signes extérieurs de la modernité angoissent une part croissante de citoyens et les pousse à chercher des solutions aussi hâtives que stériles. L'époque est en panne de héros politiques au sens prométhéens et encense les prédicateurs en tous genres. Télévangélistes, gourous des régimes sans peine, de la pensée sans mal, du succès sans travail, le terrain était mur pour ce très vaste rassemblement contestataire, les benêts rouges : la politique sans politique. La haine et la bêtise comme seul programme avec comme unique promesse, se venger de la dureté du monde en châtiant plus faible que soi. "Ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre", Baruch encore et toujours. Désolé cher Spinoza, mais s'il m'est facile de ne pas rire, en revanche je n'arrive pas à comprendre non plus et c'est à en pleurer.
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