Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/11/2013

Mathieu Larnaudie, une plume française

acharnement-1045942-616x0.jpgDisons le d'emblée tant il est aujourd'hui délicat d'émettre des critiques sur une oeuvre sans être caricaturé et que l'on vous accuse d'avoir tout rejeté en bloc : Mathieu Larnaudie écrit très bien. Il y a chez cet écrivain une aisance évidente, mais aussi une recherche d'une phrase. Qu'il a trouvé ; il a une phrase comme Enard en a une. Longue, obséquieuse, mais précise car travaillée à l'excès. Voilà, de même que bien manger c'est le début du bonheur, bien écrire c'est le début de la vie d'écrivain.

Mais ce qui m'interpelle, c'est cette passion française pour le véhicule du roman. Ca ne va pas à tout le monde, le roman. Comme le motif prince de Galles ou le violet épiscopal pour les costumes. Sur certains c'est chic, sur d'autres, ridicule. On peut être un écrivain à nouvelles et avoir le Nobel (hello Alice Munro) un politique écrivain et nous emporter dans des récits (Churchill, Bruno le Maire) ou plus classiquement, un diariste. Il semblerait que ce soit tombé en désuétude, mais le journal de Jules Renard est un monument littéraire. Alors que son roman L'écornifleur, bah... (il y aussi Poil de carotte, mais c'est plutôt l'exception qui confirme la règle, à mon sens). Au pire, l'autofiction peut être un bon compromis pour les écrivains sans imagination, mais en quête d'un format de texte long.

Mais aucune de ces formes pourtant nobles d'objets littéraires ne semble trouver grâce aux yeux de Larnaudie qui continue à faire du roman en dépit du bon sens. J'avais lu Strangulation où l'auteur prouvait qu'il savait tout intégrer du vocabulaire animalier pour en tirer un récit aux phrases ourlées dont pas un adjectif ne manquait. Mais d'où pas une émotion ne ressortait, non plus. Je ne pourrai en dire plus aujourd'hui, car justement il ne m'en est rien resté. Je m'attarderai plus sur Acharnement, que je viens d'achever. On m'avait recommandé ce roman pour le sujet : une ex plume de ministre se retire dans un phalanstère champêtre en essayant d'écrire le discours parfait, mais voit son oeuvre perturbée par d'étranges suicides dans son jardin. Tadam ! 

Le premier chapitre vous prend, bien trop hélas. Larnaudie a lu ses classiques et sait reproduire un incipit, camper deux personnages avec des détails vestimentaires et quelques tics (le jardinier fume des cigarettes roulées, le héros boit de la chartreuse). Hélas, on en sort jamais, les tics tournent à l'infini comme seul preuve de la vitalité des personnages et l'intrigue ne bouge que de façon artificielle (j'éviterai le spoiler mais la fin est révélatrice à ce propos : l'auteur se débarrasse de ses sujets pour terminer  un propos qu'il ne maîtrise pas). Difficile d'écrire un roman quand on aime pas ces personnages, quand on ne les façonne pas pour être autre chose qu'un prétexte. Sinon le roman parle d'un sujet casse gueule dans un roman : la politique. Stendhal disait que c'est comme un coup de pistolet dans une église. Ici, c'est une fusillade. Le cynisme en politique, c'est à manier avec précaution car revu. Larnaudie n'en tire rien : beaucoup rêve de grandeurs, de grands discours et font de petites manoeuvres. Bon. Ces idées neuves ne sont pas justes et ses idées justes ne sont pas neuves... S'il tient une chronique de l'époque, je la lirai volontiers, mais je ne me ferai plus prendre à la prochaine fiction...

24/11/2013

Copéiné pour la droite

UMP_regional_elections_Paris_2010-01-21_n2_(cropped).jpgSur un réseau social bien connu, un lien m'indiquait une vidéo de JF Copé sur le thème du progrès. Pas d'intervieweurs, plan fixe, 12 minutes devant soi : l'occasion rêvée de déployer une vision. Je ne fus pas déçu. Si votre week-end vous laisse le loisir de ce temps libre, vous pouvez la voir vous aussi, ici.

J'ai commencé par rire beaucoup, par me réjouir aussi. Après tout, avec un chef aussi consternant que ça, comment la droite pourrait-elle jamais revenir au pouvoir ? Et puis, j'ai pris quelques secondes pour me demander s'il était bien raisonnable de laisser à la tête du premier parti d'opposition du pays, un imbécile pareil. J'ai cessé de rire. Regardez moi cette tête avec un regard d'aigle, perçant l'horizon. Une photo volée, facilité de l'époque ? Même pas, je l'ai chopé sur son Wikipédia officiel : ça correspond à l'idée que cet Homais du XXIè égaré en politique se fait de lui même. Plus j'écoute Copé moins je comprends la droite. Comment ce technocrate incarnant la médiocrité à l'état pur a t'il pu se hisser à la tête de leur parti, être plusieurs fois ministre et avoir l'oreille de l'ancien Président, celui là même qui le traitait jadis de "minable" ? Ne nous y trompons pas, si Sarkozy devait l'emporter (je ne dis pas "revenir", cela semble -hors décision de justice- acquis) Copé jouerait un rôle central dans le futur pouvoir en place. Et ça a de quoi navrer... 

Si vous n'avez pas écouter l'aigle meldois donner sa vision du progrès (je vous comprends), il donne dans l'idéologie la plus primitive. Il faut écouter les arguments de l'adversaire, chercher à le comprendre. Cette antienne je la répète à tous mes étudiants prompts à dénigrer les responsables socialistes sans les écouter. Mais là... Il avance benoîtement une énormité comme "le problème c'est qu'on a accolé les thèmes de "progrès" et social" au XIXème siècle ce ce qui nous renvoi à la lutte des classes, laquelle nous a mené là où nous sommes". Franchement, lui qui se pique d'aimer l'histoire, comment peut-on oser contester la logique de lutte des classes au XIXème siècle ? Comment remettre en cause la notion de progrès social en ce qui concerne l'esclavage, le travail des enfants, l'interdiction des métiers trop dangereux puis les congés payés... Il ne se borne pas aux 35h mais remet en cause toute l'idéologie du progrès social ! Et il enchaîne une minute après sur le progrès sociétal. Là encore, plutôt que de se borner à une remise en cause de la PMA, de la GPA, il fait remonter les maux au XIXème siècle... Déduisons donc qu'il est contre le droit de vote aux femmes, au fait que les bougresses ait le droit d'avoir un compte en banque, à l'avortement, la peine de mort...

Pour finir, deux phrases sublimes qui m'ont marqué et me font dire que si jamais ce nain politique était aux manettes, il y aurait de quoi se barrer (mais pour ou ? Pas la réponse) : 

"L'idéologie de la gauche, c'est l'égalitarisme absolu. Ils veulent guillotiner méticuleusement les têtes qui dépassent et les jeter à la vindicte populaire". Si faible qu'on ne commentera pas, mais rajoutons en une seconde en clôture : "Le rôle de l'Etat c'est de gérer les glissières des autoroutes". Voilà la conception de celui qui se fend de tribunes sur "La Grandeur du politique". Puisqu'il aime l'argent, il semblerait qu'un poste à hautes responsabilités s'offre à lui chez Vinci...

22/11/2013

Le premier pas, ça va, c'est le deuxième qui compte

CMS-LPPr2.pngCommencer la semaine avec Sardou en tête, la finir avec Claude-Michel Schönberg. Je crains qu'une telle pensée en escalier musical ne me mène directement à la cave de la mélomanie, là où nulle morceau décent ne survit. Bref. Schönberg nous apprend qu'il aimerait qu'elle fasse le premier pas car lui n'ose pas. Si vous réécoutez les 4,30 minutes où notre ami brame (note pour plus tard, Sagan a écrit Aimez vous Brahms ? penser à écrire Aimer vous ceux qui brament ?) vous serez touché par la naïveté confondante de l'interprète pour qui, une fois ce premier pas franchi, tout est dans la poche. 

Bah voilà, un pas et l'histoire d'amour roule. Plus à se prendre la tête, une fois qu'on s'est pris la main ou embrasser, c'est parti. Emballé, c'est pesé. Le mythe initial a la peau dure et ne concerne pas que les marivaudages. Ne parle t'on pas avec emphase 45 ans après du premier pas sur la lune ? Si et pourtant, c'est une litote de dire que les progrès en près d'un demi-siècle sont faibles... 

Je note que la méfiance profonde de l'époque sacralise encore plus les premiers pas. Car les autres sont systématiquement déçus. Dans un champ que je connais un petit peu, il est aisé de réussir une première pour un forum, un événement ou un colloque. Pour toute première, vous trouverez des interlocuteurs enthousiastes, des partenaires et même des médias prêts à venir dégainer pour surtout, happer la nouveauté. Il est assez amusant de se rendre aux secondes éditions, là c'est autre chose... L'obsolescence non programmée, mais quasi systématique des "concepts" c'est la maladie infantile du consumérisme étendue au champ des idées. Regardez Bayrou et Borloo, ils ont tout donné pour annoncer avec trompettes et fanfares leur union, mais depuis. Je ne sais plus quelle marque avait comme signature publicitaire "les vrais réussites sont celles qui durent", mais dieu que c'est vrai...

D'après Wikipédia, Claude Michel Schönberg approche les 70 ans et sa dernière production est une comédie musicale intitulée Cléopatra. La sagesse rentre, on peut parler là d'une référence qui a duré au-delà du premier pas... Je ne sais où me mèneront désormais ces déambulations philosophico-mélomanes après une soirée à massacrer Dylan, les Eagles, Brassens, Ferré, et évidemment Johnny... Philosophe en chef de nos brameurs français.