31/12/2013
Suzanne cherche existence, désespérément
En France on n'a pas de pétrole, mais on a des films aux sujets bruts et noirs. J'avais entendu beaucoup de bien du deuxième film de Katell Quillévéré et à l'évidence en sortant je ne pourrais dire autre chose. Rien à redire.
Bien filmé, fort bien joué, belles éllipses au bon moment pour 1H28 presque à l'os. Tant qu'à aller dans l'épure, je crois que le film aurait gagné à s'éviter quelques épisodes façon ça continue en gore et en gore. Une noirceur de suie si opaque que le soleil semble bien loin (sauf sur la, trompeuse, affiche du film).
Ce disant, je m'en voudrais de déflorer le scénario. Disons juste que dès les premiers plans, on voit qu'elle est orpheline de mère que son père routier ne s'offre guère de distractions et qu'heureusement qu'on est dans le sud (Alès, puis Marseille) parce que s'il fallait ajouter la grisaille, on se fait les veines.
J'imagine que c'est ce que les critiques appellent du "cinéma social d'auteur". Pas riant, quoi. Pas de belles bouffes, de belles fringues, de dialogues riches et enlevés. Non, des bouffes fades avec du vin lourd, de la musique trop forte, des fringues criardes et des bagnoles défoncées. Pourtant Quillévéré n'en rajoute pas, tout sonne juste. Elle a juste décidé de filmer l'insignifiant, le plus banal et triste. Le seul procédé esthétique consiste à enlaidir considérablement et à enlever toute dimension charnelle à Sarah Forestier. Mais à part cela, rien n'est alourdi, grimé, truqué. La caméra de Killévéré s'attarde sur ce que le cinéma français ne filme plus, ce que Pierre Sansot appelle "les gens de peu". Pas de chômage, d'alcoolisme et autres. Non, des gens qui bossent dur, sans menace de plans sociaux, mais sans promesse illusoire de promotion non plus. Alors, au milieu de tout ça, quand l'amour frappe, tambourine, s'engouffre dans le film, on sent que les choses vont être délicates... Et c'est le cas. Pour le reste, je vous laisse juges, en tout cas la BO est particulièrement bien choisie. Plutôt que des films laids sur les belles vies, pourquoi ne pas finir l'année ou commencer la suivante avec un beau film sur des existences âpres ? Ca aide beaucoup à relativiser ses propres tracas.
Sur ce, bon excès et à l'année prochaine.
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