11/01/2014
Shall we worry of trying to be happy ?
Ce matin, la revue de presse radiophonique se réjouit de la nouvelle venue en kiosque d'un magazine consacré au bonheur "Happinez". La découverte du site du média a de quoi vous ôter les bras, "le premier mindstyle. Plus vous partagez votre bonheur, plus il grandit". Inutile de parcourir trop longtemps le site, en un clin d'oeil, vous retrouvez tout le champ lexical écervelé du "développement personnel", cette religion totalitaire et encombrante. Elle est partout, l'injonction à être heureux.
Dans les kiosques, les librairies, les programmes et le monde des idées. On a pensé, voici quelques années, à remplacer le défaillant PIB par un BIB (bonheur intérieur brut). Quand on voit ce qui se passe dans le pays qui a érigé le bonheur en dogme national -le Boutan - il y a de quoi flipper. D'apparence consensuelle -qui voudrait être malheureux ?- la quête du bonheur en tant que projet politique est insidieuse et néfaste pour ne pas dire qu'elle relève de l'arnaque. Certains plus malins que d'autres l'ont compris, comme le fondateur de la Fabrique Spinoza (pauvre Baruch...) think tank dédié, ouvrez bien vos esgourdes "aux réflexions sur le bonheur citoyen". Pour bien faire, les fondateurs vous convient à des dîners de l'happy culture (qu'est-ce qu'on se marre) à 350 balles le couvert... A ce prix là, j'ai d'autres idées pour être heureux, chers organisateurs. Passons.
Dans "Histoire du bonheur en France depuis 1945", l'historien Rémy Pawin passe en revue les oscillations du bonheur hexagonal et met en parallèle les initiatives éditoriales pour recenser le bonheur et politiques pour accompagner l'expansion du bonheur. J'y ai appris que l'ineffable VGE avait crée en 1974 un ministère de "la qualité de la vie". Celui-ci a disparu et jamais relancé depuis. On imagine mal, dans une période de crise, la résurrection de ce genre de colifichets, sous le même vocable ou pire un Ministère du bonheur. En gros, Pawin nous apprend qu'en1945 la France était très malheureuse (tu parles) et savais alors se concentrer sur l'essentiel. Dans une France ou 2% des logements sont "tous conforts" (toilettes et salle de bains) la santé vient en tête et suffit au bonheur. Dès lors, la presse et l'édition vont s'intéresser au bonheur, sondages à l'appui. On y apprend que les femmes sont plus heureuses que les hommes, car elles placent la réussite familiale et la santé en tête quand les hommes veulent "réussir". On y apprend aussi qu'on est bien plus heureux au sud de la France qu'au nord ("sans doute le climat a t'il un impact" ose s'aventurer l'audacieux historien...) et que les riches ne sont pas toujours plus heureux que les pauvres, mais quand même souvent. Plus que ces généralités que l'on peut deviner sans avoir fouillé dans les méandres de nos archives, l'ouvrage vaut pour sa découpe historique. En gros, depuis 1945, la France a connu 13 années de bonheur total : 1962-1975. C'est à dire quand on en a fini avec la plaie algérienne, qui angoissait les familles et taraudait les consciences, que l'on était en pleine expansion économique et plein emploi et qu'en plus, on a connu un épisode de révolution des moeurs. Autrement dit it's not tomorrow the day before que ça reviendra. Et ça, c'est moyennement emballant. Cette évidence devrait pousser à l'évidence vers d'autres modes de pensée, où l'on voit que les pionniers de la consommation collaborative, de l'abondance frugale et autres formes de partage, c'est à dire ceux qui entament une révolution des mentalités consuméristes, sont plus heureux que les autres. Et pourtant, on nous revend comme "rêve français" un truc issu du XIXème siècle, avec des patrons paternalistes et des usines repeintes en vert.
Dans les années 80, France Télécom avait eu l'intuition géniale de résumer le besoin croissant de lien en "le bonheur c'est simple comme un coup de fil" (détourné en "comme un coup de pine" par les Nuls) et ça n'a pas été tant que cela suivi dans les faits. Pawin nous dit que les croyants sont plutôt moins malheureux que les autres, justement pour des raisons qui tiennent à l'étymologie (religare, relier les uns aux autres quoi). Ceux qui cherchent le bonheur (Chico le trouvait manifestement dans les partouzes, la samba et le football) peuvent donc aller à l'église, aux soldes pour un bonheur fugace (Pawin s'appui sur les choses meilleur illustration du caractère très éphémère du bonheur matériel) ou au bistrot. J'ai choisi...
09:53 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bonjour cher Castor,
Merci pour cette critique aussi sévère soit-elle ! Pour situer l'objet de la Fabrique Spinoza, notre objet est de remettre la notion de "bonheur" au cœur des débat. Vous y contribuez énergiquement ! Les dîners Happy-Culture s'adressent avant tout aux entreprises et aux dirigeants, ils ne sont qu'une petite facette de nos activités. Nos publications sont en accès libre, nos groupes de travail sont ouverts à tous et nous organisons régulièrement des événements auquel chacun est libre de participer gratuitement. Nous serions heureux de vous y accueillir. Au plaisir d'une discussion, riche à n'en pas douter !
Écrit par : La Fabrique Spinoza | 14/02/2014
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