13/01/2014
Bio coule à pic
Hier, j'ai hésité avant d'aller voir YSL pour des raisons qui dépassent les critiques mi-figue mi-raisin que j'avais pu entendre. Au finish, l'idée que ça me ferait du bien de sortir, couplé au fait que j'étais certain de la qualité des prestations de Pierre Niney et Guillaume Gallienne l'emportait et j'allais voir le biopic. J'aurais pu m'en dispenser. Pas dramatique non plus, mais tant de talent et d'énergie pour si peu d'émotion, c'est désolant. Bien sûr, les duettistes du Français sont bluffants, les images superbes et la bande son de très bonne facture. Et après ? Une succession de scènes fortes, découpant la vie du couturier grossièrement et s'achevant de façon tout aussi schématique. Dommage.
Jamais on ne voit vivre le couple, partage ses doutes et ses joies. La caméra de Jalil Lespert ne s'attarde jamais hors du récit tout tracé et convenu. Au final, c'est un sans faute comme pour un gamin qui arrive au ciel de la marelle sans avoir sauté une case. L'autre point évidemment, est qu'on voit littéralement YSL pendant 1H45. Le mimétisme atteint par Niney est troublant. La voix, la posture, les expressions, c'est bluffant. Jespert le sait et le film sous tous les angles pour mieux montrer le miracle de la parfaite imitation en omettant un détail : ce n'est pas le but du cinéma. Jespert aligne sa collection de scènes symboles : YSL prenant de la coke et titubant pour la débauche, se faisant baiser dans une cage pour l'adultère. Hélas, on ne montre pas les affres et la douleur de la tromperie avec un corps étranger à côté de l'amant dans le lit.
Ce qui m'a chagriné dans le film, je l'ai déploré dans nombre de biopics, ce genre très en vogue pour des raisons de sûreté financière supposée. On trouve une vie un peu héroïque, le scénario quasi ficelé, un bon directeur de casting, une bande son qui crache et voilà le film. L'inflation du genre ces dernières années a quelque chose de pénible et en y réfléchissant je ne vois pas lesquels ont retenu mon attention précisément pour les mêmes raisons qui m'ont amené à soupirer devant les frasques des légendes de la haute couture. Certains biopics ont été sauvé par la vie du personnage en lui même : Mesrine se prête bien au grand écran, comme Mohamed Ali. Mais les réalisateurs ne s'arrêtaient pas à l'idée de montrer du muscle et du sang. On nous faisait vivre la face non pas sombre, mais méconnue de l'icône. Si Raging Bull est un chef d'oeuvre, c'est aussi parce que Robert de Niro incarne plus que Jack la Motta. Il dépasse le seul bombardier des rings pour jouer la folie, la jalousie, la haine et une forme de désespoir très touchant. Là, ça marche. Parfois, les biopics s'arrêtent un épisode, comme The Queen ou outre une Helen Mirren impériale (pour une reine, c'est une promo) Stephen Frears est allé chercher un noeud scénaristique fort. Or, dans YSL, point de noeud, il faut à tout prix cocher cette ridicule prétention à la fresque sur 20,30 ans ou plus. Je m'étais détourné du film consacré à Steve Jobs précisément pour ces raisons. Et j'avais subi les interminables 2h et quelques de La Môme où Marion Cotillard braille son "Marcel Marcel" si fort et si faux que certains lui ont filé des récompenses pour qu'elle arrête. D'accord, elle ressemblait à Piaf. OK, Dahan a du passer des heures à choisir sa bande-originale, mais en sortant on se demande à quoi cela servait ? C'est comme si le cinéma avait oublié son sens premier. Prisonniers de la tyrannie de la ressemblance, les cinéastes se font écraser par les écrivains qui choisissent d'écrire des romans avec des personnages historiques. On délaisse vite les aspects physiques pour aller vers l'émotion. Ce à quoi sert la fiction. Il faudrait dire aux auteurs de biopic qu'avec l'INA, on peut déjà tous voir leurs héros. Qu'ils retournent donc à nous donner à voir ce qui n'apparaît pas sur les écrans de notre mémoire commune.
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