16/02/2014
Tout le monde il est toc toc
Quand j'étais enfant, un dessin animé connaissait un succès incroyable, malgré un titre effrayant : Le collège fou fou fou. Nous n'avons pas su apprendre de cet éloge de la folie quelques siècles après Erasme. En fiction oui, mais dans la vraie vie, nous continuons à être tétanisée par cette différence mentale. Nous avons fermé la majorité des asiles pour cause de contraintes financières, avons médicalisé à outrance la société et voudrions ne pas les voir. Pire, dans quelques temps, nous allons aligner la psychiatrie sur le reste de la tarification sanitaire, et tarifer à l'acte. Camisole, piqûre, sevrage, médicaments... On boucle ainsi la boucle en traitant de façon folle la folie. Ce n'est pas nouveau, le livre de Patrick Coupechoux nous enseigne que depuis des siècles nous avons un problème énorme avec cette différence et que l'époque actuelle est plutôt pire que d'autres.
"L'industrie de la santé ne guérit pas, sinon elle périrait", rappelle le psychiatre Edouard Zaférian dans le livre. Et elle va bien, puisque le chiffre d'affaires des labos pharmaceutiques pour les seuls médicaments relatifs aux maladies mentales est de 15 milliards d'euros. D'ailleurs, en refermant le livre on est excédé et écoeuré par cette politique de santé mentale à 200 vitesses : la clinique privée d'un docteur proche de Douste et Sarko a ses 44 pensionnaires à l'année qui sont très bien traités, ne vient pas qui veut et discrétion assurée, vs des établissements publics où 10% des postes ne sont pas pourvus (médecins comme soignants) pour cause de conditions trop difficiles et salaires trop faibles... Lorsqu'on songe que le handicap mental a été pleinement reconnu par la loi du 11 février 2005, on se dit que les moyens afférents n'ont pas suivi.
Outre l'inégalité de moyens, le fait saillant du livre est l'inégalité de traitement. On ne veut pas voir les "fous "quand ils sont partout, on les imagine dangereux et criminels à cause de quelques faits divers quand ils sont avant tout des dangers pour eux mêmes... Cela me fait penser que l'ABCD de l'égalité, qui vise à déconstruire les stéréotypes, devrait s'attaquer à la question de la maladie mentale. La chanson de Johnny aurait-elle connu un tel succès si on l'avait intitulé Requiem pour un psychotique ? Qu'il soit permis d'en douter.
Vendredi soir je suis allé dîner chez ma soeur. Elle même avait une maladie mentale un peu honteuse, elle découpait les articles de Télérama et photocopiait les fiches des films avec les noms d'acteurs, réalisateurs, maquilleurs et autres. Alors qu'elle fit cette confidence à la tablée, une autre commensale déclara avoir été atteinte du même TOC. Elles n'étaient plus malades, puisqu'elles se comprenaient. Et nous mêmes étions bien tentés de nous dire que ce n'était pas si grave, sinon elles n'auraient pas été plusieurs à partager cette tare. Ainsi commence la dédramatisation de la folie.
11:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
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