11/02/2014
Libé est mort, à mort Libé
Nous allons vivre pendant quelques semaines un nouveau genre de télé-réalité, Libé Story. Les candidats sont les journalistes, qui narrent par le menu leur jour le jour de quotidien en crise. La voix off celle d'actionnaires exaspérés par les "ringards", les "nazes" qui constituent leurs équipes. Commençons par cela : je ne comprends pas pourquoi les nababs, investisseurs immobiliers, ne licencient pas cette piétaille gauchiste emmerdante qui refuse toute forme de modernité.
Ce conflit n'est pas une séparation à l'amiable, car il y a cohabitation forcée et changement de style de vie à l'horizon. Et sur ce point, les vues des deux parties semblent inconciliables. Le narratif de la presse décrit l'opposition comme une bataille entre cow boys et indiens, entre gentils et méchants ou modernes et passéistes.
Tout cela ne permet pas de comprendre ce qui se passe aujourd'hui, pour cela il faudrait avoir la franchise de se dire les choses en regardant avec honnêteté le titre dont on parle et dont le nom, "la marque", excède de très loin ce qu'il représente réellement.
Libé a infiniment plus subi le tournant d'Internet que le Monde, le Figaro, Le parisien ou la Croix. Les actionnaires sont ils à ce point supérieur à toute la piétaille qu'ils peuvent se permettre d'éluder ce genre de détails ? Evidemment non. La réalité est très crue, plus personne ne comprend l'intérêt de payer le prix d'un café pour un canard dans lequel on ne trouve rien. Ou presque. Des articles de potes et des tribunes à peine enflammées. On trouve tout cela gratuitement sur Internet. Sous Sarkozy on atteignait des sommets d'inanité journalistique; détester n'est pas jouer.
Pour moi, c'est un drame : je voudrais lire Libé ! Mais comme des dizaines de milliers d'électeurs de gauche, je me suis détourné de cette coquille vide il y a bien longtemps. En écoutant les revues de presse, la réaction est la même : quand cites-on Libération ? Jamais. Pour des unes racoleuses comme de la presse people. Pour un portrait de 4ème de couv' parfois, mais guère plus. Le contenu est d'une pauvreté affligeante, les pages internationales bâclées, preuve de l'absence de moyens (quelques dépêches AFP reboutées, seuls quelques reportages sur la Russie sortaient du lot) les pages économies sont leucémiques et les pages culture, qui ont fait la réputation du titre, sont devenues une caricature d'elles mêmes. Il faut chercher les spectacles ou les livres les plus conceptuels, choquer le bourgeois comme un mantra. Lamentable... L'arrivée de Demorand a largement contribué à renverser le cadavre journalistique.
A peine 100 000 ex par jour, ce titre qui prétend incarner le quotidien de gauche ne représente rien. 4 fois moins que le Figaro ou le Monde, mais 100 fois moins en influence. Ecrire une tribune mordante et vous ne rêvez plus de la placer là, vous préférerez sans doute un pure player Internet.
Les actionnaires refusent de voir cela, ils ne comprennent pas qu'ils auraient du remplumer la mariée avant de la faire tapiner. Il suffisait de demander à Dodo la Saumure qu'ils ont forcément salué dans quelques coteries où se rassemblent ceux qui aiment le socialisme de la "modernité" du "futur" celui de Blair, Valls ou DSK, où l'on se paye de mots mais où l'on défiscalise, où l'on invoque des concepts creux et où l'on trouve que tout ce qui rappel le social, au fond, ça fait vieillot. Et on veut racheter Libé parce que quand même ça envoi. Si c'est ça la reprise, alors à mort Libé. Et tant pis.
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