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05/03/2014

Le supplice de la grille

Derri_re_les_grilles_Barbara_Cassin_.jpgAprès avoir lu le livre coordonné par Barbara Cassin, on est tenté de se dire que l'humanité a progressé. Nous sommes passés en quelques siècles du supplice du grill à celui de la grille, d'évaluation. Le second fait sans conteste moins de morts. Néanmoins, dans un monde largement pacifié (je lis les journaux, hein, je vois la Crimée et l'Ukraine, mais allez voir la rétrospective Goya, vomissez. Songez une seconde au XXème siècle, et relativisez Maidan) pourquoi s'infliger pareil non sens ?

De quelle atrocité sans nom le livre dirigé par Barbara Cassin parle-t-il ? De l'évaluation. Dit comme cela, on ne frémit même pas. On devrait. Le psychiatre Roland Gori qui co-signe la préface, aime à rappeler qu'en démocratie, ce qu'il y a de plus dictatorial, c'est la norme. Erigée de façon arbitraire et technocratique, non démocratique, elle s'impose à tous. Et l'évaluation est son bras armé.

Ceci n'est pas un livre pour spécialiste. Pas un manuel concernant ceux qui sont en contacts avec lesdites pratiques d'évaluation. Mais un livre pour tout ceux qui sont dotés d'un tant soit peu de consience citoyenne et qui se demande légitimement si les instruments avec lesquels on mesure leurs mérites, vérifie leur travail et soupèse leurs compétences ne sont pas un brin biaisés. La réponse est non. Pas un brin... Les auteurs réunis en collectif devaient craindre de ne pas être pris au sérieux, c'est pourquoi ils ont inséré dans l'ouvrage un certain nombre d'authentiques grilles d'évaluation, afin que le lecteur lambda puisse se forger son opinion. Et là, tout n'est qu'enfer, damnation et consternation. De la santé mentale aux diagnostics de violence sur enfants aux enfants potentiellement violents jusqu'aux professeurs, on se demande de quels cerveaux malades de misanthropie ces grilles sortent. Tout ce que je puis affirmer sans risque de me tromper c'est que les auteurs de ces monstres technocratiques n'ont jamais vu l'un des sujets dont ils parlent. 73 questions inopérantes dans la vie de tous les jours pour connaître les antécédents d'un gosse violent et chercher à comprendre s'il peut se muer en un délinquant et savoir par anticipation s'il récidivera (belle confiance affichée dans le travail de réinsertion)... Non mais, sans déconner...

Le New Public Management a ses raisons que la raison ignore. La raison humaine, à l'évidence, la raison sociale tant le fait d'affecter moins de moyens au service public ne peut déboucher systématiquement sur une augmentation de la qualité de service. Par ailleurs, puisqu'il convient souvent de parler aux banquiers comme à des banquiers, les auteurs montrent l'absurdité économique de cette emprise évaluatrice. Pour deux raisons. D'abord, pour celles évoquées précédemment : les indicateurs biaisés confortent une vision biaisé. En gros, comme dans la prophétie auto-réalisatrice, façonner vous même les questions permet d'aboutir aux conclusions que vous souhaitez, vous. Ensuite, le temps passé à se mirer peut atteindre parfois la moitié du temps de certains salariés. On se gausse encore de Narcisse, mais d'une certaine manière, cette obsession évaluatrice est du même ordre. Rappelons que l'ivre de lui même n'a guère bien fini. A bons lecteurs...

Commentaires

Et les tableaux comptables pour évaluer la culture et le bien être au travail....Et si tout cela était pensé pour occuper nos esprits et notre temps plutôt que d'oser nous laisser agir vraiment...Vous imaginez toutes les actions que l'on pourrait créer pendant ce temps que nous mettons à remplir ces grilles, qui en plus une fois remplies sont rarement lues et exploitées par les grandes instances décisionnaires...
Cher Castor continuez donc à construire vos barrages sans chercher à évaluer !!!!

Écrit par : marcelline roux | 05/03/2014

Merci du soutien, Marcelline !

Écrit par : Castor | 05/03/2014

Dans le monde du travail, une grille d'évaluation, remplie lors d'un entretien –du verbe entretenir, tenir dans le même état– sert à te faire croire qu'on t'écoute, histoire de faire passer ce qu'on t'impose et qui obéit à une logique managériale qu'à part peut-être (et encore, je n'en suis pas sûre) les managers, personne ne comprend.
Pour ce qui est des barrages, je suis d'accord avec Marcelline

Écrit par : Yola | 09/03/2014

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