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03/08/2014

Ce vilain mythe de la connexion permanente

cerveau-web-deconnexion-film.jpgL'été, les inégalités sont plus fortes et moins visibles. Parce que les journalistes sont en vacances, couvrent des faits divers ou des conflits lointains qui les intéresse moins l'automne revenu quand les palpitants bruits de couloirs de l'Assemblée Nationale reviennent. Pourtant, c'est bien l'été qu'on peut voir de façon criante la France qui part et celle qui ne part pas. Des quartiers déserts où les restos et commerces ferment en même temps que les habitants, des quartiers attentifs à l'opulence touristique et des quartiers remplis de gens qui ne partent pas. Faute d'argent, faute de relations aussi.

Dans les bons quartiers, vous pouvez être fauchés, mais aller en cours avec des copains aux résidences secondaires qui vous invitent. Vous pouvez être fauchés mais avoir des grands parents qui vous accueillent en Sologne, en Bretagne ou dans le Cantal. Mais quand vos grands parents sont à Alger, à Dakar ou à Ankara, vous n'y retournez pas tous les étés. Une part croissante des Français restent à quai l'été, c'est une conséquence douloureuse de la crise. 

Ceci, et le précédent de 2003 avec la canicule expliquée et dédramatisée en polo Lacoste par le professeur/ministre Mattei justifient que les politiques ne prennent plus de vacances. Ils "effectuent une pause", mais "restent joignables", "mobilisables" "à moins de deux heures de Paris". Franchement, est-ce bien raisonnable ? N'est-ce pas là un exemple supplémentaire de cet insupportable discours infantilisant ? "N'ayez pas peur enfants électeurs, les grands sont là. Pas loin". Deux conséquences fâcheuses. Premièrement, cela entretient le mythe stupide du Surhomme. Mais de même que le Professeur Mattei n'aurait pas pu empêcher la canicule tout seul, Michel Sapin ne pourrait endiguer une crise économique ou Ségolène Royal arrêter une marée noire (encore que...). Continuer à faire croire cela, c'est empêcher une révolution des pratiques, de diffusion des responsabilités, de démocratisation de la pratique. Un mal vieux comme le pays, donc peu probable que cela change.

Deuxième hiatus induit par ce déni de vacances : ça déteint socialement. C'est une chose que de conserver une certaine pudeur face à ceux qui ne peuvent s'offrir le luxe de partir. Ne pas se répandre devant les caméras pour un reportage plongé dans la piscine de Ziad Tiakedine. C'en est une autre que de dire qu'on peut se passer de vacances. La pratique des responsabilités politique appelle sang froid, fraîcheur d'esprit, capacité à avoir une vision d'ensemble et détecter des idées neuves. Autant de qualités qui ne peuvent se développer que l'esprit reposé. Nier cela, c'est montrer le mauvais exemple. Autour de moi, j'ai vu nombre de personnes me dire "je serai en congés du tant au tant, mais je regarde mes mails. Si urgence, on peut s'appeler". Voilà comment cela déteint... Nous devenons tous urgentistes, tous pompiers... Jusqu'à preuve du contraire, les pompiers sont volontaires. Je les applaudis, mais passe mon tour. Sur ce, je vais sortir de la ronde des surhommes qui ne coupent jamais et puisque j'ai cette chance, m'offrir quelques semaines de coupure. 

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