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03/10/2014

Les journalistes politiques savent-ils lire ?

A-tous-ceux-qui-ne-se-résignent-pas-à-la-débâcle-qui-vient.jpgToujours étonnant, ce sur quoi s'arrête le ronron médiatique de l'actualité livresque. Les critiques littéraires se sont focalisés sur une poignée d'oeuvres de fiction parmi les 700 titres de la rentrée. Et encore, pour un certain nombre d'auteurs confirmés, ils recopiaient allègrement leurs critiques précédentes en mettant à jour leurs notes pour cadrer avec le nouveau sujet du roman en question, mais en conservant rigoureusement les mêmes adjectifs pour décrire le romancier. Ils s'excusent, on publie trop. Soit. Ou alors, peut être peut être qu'ils ne lisent pas assez pour faire ce boulot de fou...

Les critiques littéraires lisent sans doute beaucoup, mais ils sont noyés. Les journalistes politiques en revanche, savent-ils au moins lire ? Si oui, c'est inquiétant. Ou alors, ils ne lisent rien volontairement et ils auraient leurs raisons. La plupart des livres politiques sont ennuyeux, écrit avec les pieds et truffés d'anecdotes plus ou moins anonymes. Une insulte à l'artisanat de l'édition. Ceci constitue une piste pour ne pas lire, mais il y en a d'autres.

Une petite expérience passée et la fréquentation de quelques spécimens actuels me prouve que les pauvres journalistes politiques ont eux aussi une vie de fou. Il faut suivre sans cesse le ballet des prétendants, des aspirants, des soupirants, des courtisans et des artisans. Se rendre à d'ennuyeuses conférences de presse, assister à des petits déjeuner d'informations, des déjeuners de potins, des verres de l'amitié, des dîners de réflexion et plus si affinités. La vie du journaliste politique est une longue noria de mondanités où ils fréquentent sans discontinuer ceux qu'ils lynchent. Et le peu de temps libre qu'ils ont, ils écrivent des livres pour arrondir leurs fins de mois et assurer leur place dans le grand barnum de la promo. Quand voulez-vous qu'il reste du temps pour lire ceux des autres ? Une anecdote m'amuse à ce propos : pour renforcer l'image cultivée des journalistes politiques, on met en avant leur diplôme. Regardez Anna Cabana, ou Léa Salamé: elles ont fait sciences-po ! Elles sont donc cultivées, disent tous les portraits qui leur sont consacrés. D'ailleurs, Cabana met en exergue de son déplorable livre sur les relations Trierweiler/Royal, une référence à Corneille. On a le vernis qu'on peut... Derrière, le livre est une insulte au style et au journalisme, de surcroît. Pourtant, ce livre fut très commenté, pour son exergue ; preuve que les attrape-nigaud fonctionnent, demandez-vous pourquoi. 

Un autre livre qui a agité le mundillo est celui que j'ai placé en photo. Laurent Mauduit, fondateur de Mediapart. Nombre d'articles consacré à ce livre "qui raconte comment JC Cambadélis a falsifié ses diplômes" nous serine grosso modo la réclame autour de l'ouvrage. Ha. Une bonne fée m'a envoyé le livre. Première surprise, l'épaisseur de l'opus. Il doit donc rentrer dans le détail des notes avec un luxe infini... Surprise suivante, moins agréable, la police a été choisie pour un lectorat hypermétrope et de très nombreuses références sont puisées dans une actualité postérieure aux élections municipales 2014. Pour 410 pages, on mesure le degré de rapidité, pour ne pas dire de précipitation, dans lequel le livre a été écrit. Une expression choisie comme "tomber en pâmoison" se retrouvera au moins 5 fois en 10 pages et dans les vingt suivantes, une litanie d'expressions des plus relâchées. Ce livre n'a pas été relu ou corrigé... 

Les notes de Camba, donc. Ce sont les 30 ou 40 pages les plus pénibles du livre. Acharnement gratuit sur un premier secrétaire mal à l'aise à l'écrit, incapable d'écrire trois lignes lui-même, qui a falsifié ses diplômes obtenus il y a 40 ans. En lisant cela, j'étais mal à l'aise : on s'en fout, ça n'est pas le sujet, c'est gratuit, un peu vain et un peu mesquin. Soit. Mais quid des 370 pages restantes et dont les gazettes ont si peu parlé ? Un réquisitoire d'une implacable justesse ! Une frappe chirurgicale de 250 pages sur le renoncement idéologique, la trahison sans nom, du PS actuel. Des pages violentes sur Valls, qui n'a jamais rien fait d'autre qu'intriguer au PS, intriguer dans des agences de com', qui a passé 7 ans à la fac pour obtenir une licence d'histoire et n'a jamais travaillé ailleurs qu'en politique. Qui n'aurait pas du pouvoir se présenter à la primaire PS sans les parrainages alloués par Hollande qui cherchait un contrepoids à Montebourg. Ca, c'est violent, et pas une ligne dans la presse. Quid des pages sur Macron qui en pleine campagne 2012 montait un deal bien sale pour Nestlé dont il est ressorti avec plusieurs millions pour sa pomme ? Niet. Des pages sur le Siècle, Minc et autres ? Exit. Des analyses sur la TVA, qui montrent qu'elles pèsent deux fois plus sur les revenus des plus modestes que des plus privilégiés. Exit aussi. Incompréhensible.

Même sur les "affaires" les journalistes politiques n'ont retenu que Camba car il est dans l'actu, mais le fait qu'un cadre du PS comme Olivier Spithakis ait pu ressortir 17 millions d'une mutuelle étudiante et se pavaner en yacht mérite d'être autrement plus commenté. Rien non plus. 

En somme, ce livre a donné lieu à de nombreux clapotis pour 30 pages indignes et n'a pas eu d'écho pour 380 qui méritent vraiment la lecture. Cette incapacité à lire des journalistes politiques est relativement inquiétante pour la démocratie : si vous voulez avoir un vrai débat, il faut bien que certains le relaient honnêtement sans se focaliser sur leurs tocades personnelles...

Commentaires

Les médias se sont réduits à la polémique. Le polémiste est une punaise (insignifiante, elle n'existe que lorsqu'elle pue). Si par malheur il prend le vent, il devient doryphore (prédateur à reproduction phénoménale, vorace et insatiable, totalement nuisible ; tous les jardiniers vous le diront). Voir Zemmour, Ménargue....

Écrit par : Hayshida | 09/10/2014

Je garde l'allégorie punaisière, me semble fort pertinente

Écrit par : Castor | 09/10/2014

Après le coup de sang :
Quattrocento
Stephen Geenblatt
Flammarion

P 59
Historien clairvoyant, réfléchi et étonnamment impartial, Ammien Marcellin semblait pressentir l'imminence de la fin. Sa description d'un monde ployant sous le poids des impôts, de la paupérisation de vastes segments de la population et de la démoralisation croissante de l'armée met en lumière les conditions qui permirent aux Goths, vingt ans après sa mort, de piller Rome

P107
Vers la fin du IVe siècle, l'historien Ammien Marcellin déplorait que les romains aient abandonné toute pratique sérieuse de la lecture. Il ne parlait pas des raids barbares ni du fanatisme chrétien. Nul doute cependant qu'ils étaient là en toile de fond. Ce qu'il observait, alors que l'Empire se délitait lentement, c'était une perte d'ancrage culturel, une plongée dans une vulgarité fébrile. "À la place d'un philosophe, c'est un chanteur qu'on fait venir, au lieu d'un orateur, c'est maître ès arts scéniques..."

Écrit par : Hayshida | 09/10/2014

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