24/11/2014
Un Arif inaudible
Le télescopage des deux informations a de quoi interpeller. Au Portugal, l'ex premier ministre socialiste José Socrates a été arrêté pour corruption. L'opinion publique réclame du sang. Le pays entier réclame justice. Chez nous le secrétaire d'Etat Kader Arif a démissionné suite à un soupçon de délit de favoritisme. Bon, je sais que votre première réaction sera l'étonnement : Kader Arif était secrétaire d'Etat ? Ouais, aux anciens combattants. Inutile de préciser que passé le 11 novembre du centenaire, son importance protocolaire devenait aussi indispensable que des bretelles à un lapin. Il n'empêche, un membre du gouvernement a dû démissionner pour des question d'éthique et tout le monde s'en fout.
Reprenons : un membre d'importance modeste dans le dispositif démissionne de lui même pour un soupçon de délit de favoritisme avec une boîte gérée par son frère, à qui il aurait donné sans appel d'offres un contrat de 50 000 euros. Véniel, comparé à ce que nous avons vécu avec Cahuzac et Thévenoud. Une broutille, une anecdote. Mieux, il a démissionné de lui même sans être poussé vers la sortie, c'est donc que c'est le métier qui rentre. Aussi, on pourrait peut être féliciter les socialistes pour leur bonne gestion de l'éviction ?
C'est dans doute ce qu'ont décidé de faire éditorialistes et commentateurs qui n'ont pas eu un mot dans leurs émissions du week-end sur ce sujet. Hier, comme souvent, je me suis cogné toutes les émissions avec interviews politiques du week-end. La dette, les sifflets reçus par Alain Juppé, la suppression de la pub à la Grenoble, mais pas un mot sur Kader Arif. Ce matin dans la revue de presse du week-end de France Inter, pas un mot itou. Ca s'appelle mettre la poussière sous le tapis, au nom sans doute de ce qu'évoquer des affaires de favoritisme ou de corruption "fait le jeu du Front National" selon l'expression consacrée. Ceci sans voir que le FN est bien plus pourri que les autres avec près de 15% de ses élus condamnés par la justice, contre 2% pour le PS ou 3% pour l'UMP (étude européenne dont il faudrait que je retrouve le lien). Des précautions hygiénistes superfétatoires dans la mesure où cela ne restaure pas ce qui nous manque. La commission Sauvé mise en place par Martin Hirsch proposait de résoudre cette question des conflits d'intérêts. Mais elle reste lettre morte et surtout pas poursuivie. Je sais bien qu'il est délicat de scier la branche sur laquelle nous sommes assis, toutefois on pourrait espérer qu'un sursaut Républicain pousse Hollande a dire "la fin de mon mandat sera marquée par une refonte des institutions et des lois sur la transparence de la vie politique". Ca ne coûterait pas grand chose, en plus. Ca nous éviterait d'avoir à expliquer comment Dassault a pu donner 50 millions en petites coupures sur 25 ans... Il serait en taule, point barre et exclu de toute vie publique. Mais nous préférons une taiseuse réaction. Rarement l'expression "silence assourdissant" a aussi bien porté son nom...
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