25/11/2014
J'ai pas fait sciences-po, mais je ne m'excuse pas...
Qu'on ne se méprenne pas, j'aime Sciences-Po (comme l'autre aime l'entreprise). Quitte à choisir une business school, autant en prendre une dotée d'une ambition d'enseignement des humanités avec de nombreux universitaires de haut vol et un respect pour les sciences humaines, une activité de recherche et des publications de qualité. Maintenant, ça reste une business school. Avec une pensée mainstream, une génuflexion permanente devant les dogmes de croissance, de LOLF et autres rationalisations des comptes publics. Bien sûr, sciences-po, c'est la crème de la gauche chic, du Monde, une croissance responsable et humaniste, vertueuse et heureuse et autres oripeaux du capitalisme en velours côtelé.
C'est donc crucial pour la France d'avoir sciences-po, ça permet d'avoir des managers moins obtus que leurs collègues d'HEC. Et puis sciences-po à l'autre immense mérite d'avoir définitivement acté l'incapacité de l'Etat à reproduire des égaux et a donc mis le paquet sur les programmes de compensation sociale avec un taux de boursier plus de trois fois supérieur à celui de l'école de Jouy en Josas. Voilà, donc sciences-po, merci.
Mais le problème est l'image qu'on de sciences-po un grand nombre de recruteurs français. Ils sont victimes d'une intoxication culturelle ; il en va de celle-ci comme de l'intoxication alimentaire, c'est jamais vraiment totalement ta faute, mais tu aurais pu faire un gaffe... A 8 jours d'intervalles, j'ai vu passer des annonces pour des postes demandant quoi ? De l'organisation, de la synthèse et une capacité à écrire. Chaque fois, les recruteurs précisaient bien "profil type sciences-po". Mais comment peut-on encore associer une qualité aussi universelle que le fait de bien écrire à un diplôme ? On aime que les médecins et les avocats aient un diplôme, les boulangers et les plombiers aussi, mais on les juge sur pièce (je confie mon évier à un type qu'on m'a recommandé, je ne m'allonge pas sur un billard quand je suis pas sûr des parchemins de celui ou celle qui tient le bistouri). Ecrire ? Modiano, Le Clézio, Céline Minard, Marie n'Diaye n'ont pas fait sciences-po. Eric Zemmour, si... Voilà voilà.
On vante beaucoup les mérites d'ouverture intellectuelle des jeunes sciences-pistes. A tort. Comme des bons étudiants de business schools, ils débitent des slides et lisent un livre par mois les bons mois. Ce sont des as de la synthèse convenue, des phrases toutes faites. Bien sûr, chaque année, sciences-po produit une fournée de bonnes plumes, de têtes pensantes, parmi les effectifs pléthoriques de l'institution, il y a ce qui faut, mais de manière globale, quand je me suis retrouvé devant un amphi de sciences-pistes, leur curiosité m'a moins frappé qu'à Paris 8...
Il faut dépolluer nos imaginaires segmentants : à quoi bon se plaindre qu'on cherche à nous faire rentrer dans des cases si c'est pour perpétuer la mauvaise tradition en associant le beau style à une seule école ? Nous sommes en train de dépasser la Chine en matière de mandarinat, pas de quoi pavoiser...
11:16 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
bravo, cher castor, pour ce billet juste et courageux! Prenez-vous des droits d'auteur pour la réutlisation de votre belle formule : dépolluer nos imagnaires segmentants ? Ce pourrait être un vrai programme culturel !
Écrit par : marcelline roux | 25/11/2014
Je vous l'offre bien volontiers chère Marcelline !
Écrit par : Castor | 25/11/2014
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