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28/02/2015

Repenser le travail pour relancer l'emploi

Bonheur-travail.jpgLes deux sujets sont trop souvent séparés séparément, le second prenant toute la lumière politique et médiatique. Le premier ne revient sur le devant de la scène que lorsqu'un épisode de crise folle vient briser la routine. Avec des millions de chômeurs, quelle indécence de parler de la qualité de vie au travail : on parle de privilégiés qui ont un emploi, comment osent-ils se plaindre ? ! Ce genre de discours se fracassent une fois de temps en temps sur un épisode comme les multiples suicides chez Orange et alors, certains responsables prennent conscience de ce que l'on ne peut traiter par le mépris cette problématique et s'en remettre à la vieille logique de "l'armée de réserve" sur laquelle alertait Marx : en gros, tant qu'il y a une cohorte de plus malheureux que soit, on peut faire du dumping et d'autres accepteront toujours un boulot pour survivre.

La logique, humainement honteuse, est aussi une aberration économique. Dans l'excellent documentaire sur l'emploi libéré d'Arte (visible jusqu'au 2 ou 3 mars sur ce lien)   on peut voir que toutes les entreprises qui ont eu le courage d'aborder à fond cette question de la liberté au travail et pas d'en faire une espèce de gimmick pour aller glaner quelques joujous de reconnaissance extérieure façon "trophée great place to work" en ont tiré des bénéfices bien plus grands. Dans le cas de Harley, l'histoire bégaye de façon malheureuse et ce sont les actionnaires seuls qui tirent tous les profits d'une nouvelle méthode. Dans tous les autres, ces approches qui réinventent toutes quelque part l'autogestion chère à Lipp crée des centaines, des milliers d'emplois. Les deux batailles ne sont donc pas antagonistes, loin s'en faut, mais doivent au contraire s'envisager conjointement. 

La France est parfaitement outillée pour aller vers cette révolution de la libération du travail, casser l'aliénation de petits chefs qui régissent des milliers de barrières pour les 2 à 3% de branleurs, pénalisant ainsi 98% de bosseurs. Une santé gratuite, des transports et infrastructures efficaces (permet aux salariés de s'autonomiser) une éducation initiale forte, manque évidemment une formation tout au long de sa vie efficace. Reste évidement une conviction forte que ça marche. Là, c'est moins gagné. Quand on reprend notre même école, qui encourage la compétition, la domination du bon en maths, multiplie (malgré elle, hein) les humiliations ordinaires, les germes des cohortes de petits chefs sont malheureusement fortement ancrés en nous. Il faut nous en débarrasser sans vergogne pour avancer enfin. 

24/02/2015

L'imaginaire néfaste de Macron

shutterstock-92-2c6df094301-original.jpgJ'avais commencé cette note deux heures avant que l'atrocité de Charlie ne survienne. Evidemment, tout s'est arrêté et je n'avais pas vraiment le coeur à écrire mon dégoût pour notre ministre de l'économie, enseveli d'un coup d'un seul par l'infinie tristesse qui m'animait. Un mois et demi plus tard, je retrouve cette ébauche alors que la situation a bougé depuis, au-delà de mes craintes avec le passage en force du premier ministre pour sauver la soldat Macron.

Nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises, puisque le conseil du PS ce soir doit décréter des sanctions contre les hérétiques qui ont osé s'opposer à ce projet de loi. Pire, à l'avenir, ce crétin de Luc Carvounas (sénateur afilié à Valls) voudrait que désormais les parlementaires s'engagent à voter tous les textes par avance. Notamment celui à venir sur le dialogue social qui s'annonce nauséabond. Avant que le pire ne soit certain, revenons sur le passé. 

Avec un amendement voté en loucedé et condamnant les attaques au "secret des affaires", un texte censé préserver l'espionnage industriel mais contre lesquels les journalistes furent vent debout, un texte dégageant purement et simplement l'obligation de négocier des licenciements devant les prud'hommes (un administrateur suffira) la protection de toute fortune des entrepreneurs en cas de faillite... Tiens, arrêtons nous sur celle-là : ils veulent, ils clament, ils brâment qu'ils aiment le risque, les entrepreneurs, mais pas au point de perdre des billes. On privatise les profits, on socialise les pertes. Voilà l'esprit Macron résumé en une formule. Macron the american. Lorsqu'il déclarait à Elkabach "je veux que les jeunes français aient envie de devenir milliardaires, il n'était ni de gauche, ni de droite (ils n'oseraient pas) : mais bien yankee". Et c'est là le drame, Macron fait sauter des digues invisibles, des digues culturelles. Pour lui les chômeurs doivent se bouger et quand on veut, on peut parvenir au sommet. Une autre passée inaperçu, mais alors que JJ Bourdin lui demandait s'il était riche, il a répondu "malheureusement non". Bah voyons coco, qui a gagné 2 millions en 2 ans et plafonne depuis à un poisseux 15 000 balles par mois. Il n'est pas riche, il survit... 

Voilà la nouvelle gauche, qui ne vaut pas mieux en l'espèce que Copé et son "si on garde les tocards qui se contentent de 5 000 balles par mois, on y arrivera pas". Cette gauche ne représente qu'elle même, 5% aux primaires dont sans doute un certain nombre de militants UMP zélés et apeurés par l'arrivée de Montebourg ou Aubry. Voilà où nous sommes tombés en deux ans et demi. Et les auteurs de ce hold up idéologique vont désormais braquer la majorité de gauche en disant : vous signez notre loi de suppressions des seuils sociaux refusée par tous les syndicats (comme la loi Macron) où on vous dégage. En même temps, c'est pas comme si on ignorait depuis longtemps que le principe de minorité agissante était fort opérant...

18/02/2015

Sauver les médias, un impératif démocratique

9782021219555.jpg"Dans quelle démocratie vivons-nous pour nous réjouir du sauvetage de Libération par un spéculateur immobilier et un opérateur téléphonique ?". Il est parfois sain de se poser ce genre de questions, non pour des impératifs moraux ou éthiques, mais bien démocratiques. La déliquescence des modèles économiques des médias nous mènent actuellement vers une dérive bien inquiétante. L'avantage de ce court livre de Julia Cagé est de démonter de nombreux mythes : non, Internet n'a pas crée assez d'emplois pour compenser la perte des anciens titres. Non, la presse papier n'allait pas bien jusqu'à l'arrivée d'Internet, la crise est bien plus ancienne. Les titres morts dans les années 80 et 90 étaient légions, 2000 a franchement accéléré la cadence, certes, mais de façon moins dramatique que ce que profèrent les patrons de presse classique confrontés à des échecs désobligeants.

Enfin, les masses journalistiques. La population ne décroit pas vraiment encore, mais augmente beaucoup moins vite que depuis 50, 40 ou même 20 ans. Encore une dizaine d'années avec tous ces plans sociaux à l'oeuvre et pas suffisamment compensés par les nouveaux médias et nous aurons une inquiétante baisse du nombre de journalistes. Inquiétante dans la mesure où une société ultra informative, permanente et tout canaux, a besoin de main d'oeuvre. Si celle-ci fait défaut, ce sera soit des robots, soit des amateurs avec des risques de corruption majeurs... Dernier problème justement soulevé par Cagé, la chute drastique de la part des journalistes parmi les cadres et les professions intellectuelles. En clair, la profession journalistique s'est clairement précarisée. 

La réponse de l'époque ce sont Bezos, Niel, Pigasse, Murdoch, les Frères Koch, Drahi ou Ledoux. Une cohorte de nababs porteurs d'intérêts particuliers quand tout le monde peut s'accorder sur le besoin de fournir une information soucieuse de l'intérêt général. Equation insolvable. Les modernistes diront que ces titres peuvent mourir et seront remplacés par du online. Or, 80% du contenu des blogs et sites d'infos internet proviennent de sites classiques. Et c'est la meilleure partie... A part Mediapart et une poignée de titres, quelles infos de qualités naissent uniquement sur le web ? Quelle journalisme d'investigation en ligne à part le site cité ci-dessus ? Peu ou pas...

Cagé propose des sociétés de presse, des fondations, des alternatives à la SCOP toutes solutions valables et qui méritent d'être discutées. Imparfaites ? Et alors. Il est urgent d'ouvrir le débat sur les détenteurs et producteurs de l'information dans ce pays.