Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/03/2015

Qui pour lancer la détox ?

detox.jpgAvec le Petit Journal, vous ne savez jamais sur quel pied danser : critique, complicité, critique complice... Dans une édition de cette semaine, ils ont donc montré, hasard calendaire, ce qui se passait dans les rédactions d'I-Télé et de BFM le jour d'un crash aérien. On peut revoir le truc .

Je me souviens qu'un de mes premiers conseils à mes étudiants en journalisme sur leur revue de presse était "évitez les faits divers, ce qui inclut accidents, crash ou avalanche". Je n'irai pas jusqu'à dire que cette catastrophe aérienne n'est pas une information, mais quasi. L'annonce en elle même en est une. Mais chaque jour, sur le globe, en de nombreux points, on compte 150 morts accidentels, victime, des tragédies anonymes. L'autre info surviendra 24h après, ce pilote qui a sciemment planté le truc. Hormis cela, rien. Nibe. Et pourtant, on voit bien dans le reportage les deux ruches. Des tas de cerveaux qui s'affairent pour rien ; se font des croches pattes pour attraper des images, courent pour gratter un avion pour filmer une montagne et arriver avant les autres sur une carcasse d'avion. Tous convoquent les mêmes experts qui, par définition, sont ceux qui peuvent se libérer en un rien de temps pour aller raconter des conneries dans le poste : des tocards. Sérieusement, qui a envie de venir parler à la TV pour parler d'un sujet dont il ne sait rien et en parler à flux tendu ? Des crétins.... Mais des crétins en quête de gloire, on arrive presque à les comprendre. Les journalistes qui les mettent en avant, en revanche, je m'interroge... On voit dans l'émission certaines stars de la profession revenir pour ne pas se faire piquer la place et broder pendant des heures sur des infos qu'ils n'ont pas. Que ces chaînes ferment...

Je pense qu'il faut diffuser cette émission dans les écoles de journalisme. Dans les écoles tout court, montrer l'hystérie vaine du scoop, de l'info qui n'en est plus et apprendre à éteindre le poste.

Alors, vous me demanderez, "mais pourquoi t'as regardé ça ?". Et beh j'étais tout seul, cramé, et j'ai lâchement mis le Replay pour comprendre l'époque, quoi. Bah j'aurais pas dû, ça m'a déprimé... Heureusement qu'on m'a offert un bon livre, ça va m'aider pour la détox... 

17/03/2015

Le livre de sa mère

cvt_Une-petite-femme_5310.jpegEn ce moment j'ai beaucoup de boulot et d'insomnies. Voilà, avec ça je dois pouvoir participer au concours de Zeugma inauguré par le Masque et la Plume. Je ne m'en plains pas, c'est bien pratique pour lire. Avant l'ouverture des bureaux, ce sont des heures comptent triple comme on dit au Scrabble. On peut prendre de longues coulées de lecture sans être emmerdé par un mail stipulant "urgent" un SMS comminatoire ou un appel de quelqu'un qui s'ennuie en se rendant à un rendez-vous à la Défense et qui voulait bacouaner sur l'actualité. 

Hier j'ai fini le très beau livre d'Alexakis 'la clarinette" où il parle de sa relation avec un Jean-Marc Roberts mourant et de l'impossibilité de remplacer son éditeur et ami. Et, hasard de la vie, j'étais passé ce week-end chez mon père qui m'a confié comme une relique "une petite femme" de Jean-Marc Roberts. Le livre de sa mère à plusieurs titres. D'abord parce que le récit du livre retrace leur relation à tous les deux. On y croise un Paris qui n'existe plus, interlope, où les putes parlent latin et philosophent avec des profs de khâgne, le Paris de Combescot ou de Gary, un Paris qui m'est très familier bien que je ne l'ai pas connu. Et dans lequel je me suis joyeusement plongé à l'heure où Paris s'éveille comme chantait Dutronc. 

La relation de Roberts à sa mère est singulière, mais j'imagine que c'est bien tautologique de dire cela. Sa mère n'a jamais supporté qu'on supplante son clan. Elle n'accepte pas que "La Maillant" lui ai piqué sa carrière et ne comprend pas que "ton Modiano" (Roberts était son éditeur) ait plus de succès que son fils. Comment est-ce que la chair de sa chair peut être supplanté par un grand échalas à moitié bredouille ? Non mais franchement. Le père est absent, leur relation est baroque. Indéscotchables l'un de l'autre, même si elle est toujours en vadrouille et qu'il quittera le domicile avant 18 ans. Mais il l'appellera tous les jours. Tous les matins. "Tu peux quitter une femme, mais on ne quitte pas sa mère. Et puis, nous ne sommes pas tout à fait une mère et un fils comme les autres, tu le sais bien le Gros" lui a-t-elle lancé le jour de son envol du cocon. 

C'est aussi le livre de sa mère que j'ai lu, dans le sens où l'exemplaire que je tenais dans mes mains comportait un envoi d'une page pleine, de l'auteur (décédé en 2013) à sa mère où il lui dit qu'il sait qu'elle n'aime pas ce texte, mais qu'il lui offre quand même. Comment la mère s'est-elle délestée du livre de son fils, comment est-il arrivé, il y a longtemps (donc bien avant la mort de Roberts), chez ce bouquiniste où mon père l'a exhumé et acheté ? Ce sont le genre de petits mystères, d'histoires dans l'histoires comme les notes et grifouillis, les pages cornées ou les numéros de téléphone inscrits dans les marges que l'ont trouve dans les livres d'occasions. Toutes ces petites histoires dans l'histoire littéraire qui renforcent encore mon amour indépassable pour le livre papier (même si je reconnais d'immense vertus au numérique quand on part pour un long voyage, hein). 

15/03/2015

L'insécure cultureux

bouvet.jpgOn est jamais déçu avec Laurent Bouvet. Il y a chez ce politiste une constance dans le filandreux, une capacité à prendre ses propres maux pour des réalités nationales assez délectables si on les prend au second degré, mais assez déplorable en termes d'idées. Heureusement, à part Brice Couturier sur France Culture et son cercle de thuriféraires de la Gauche Populaire, plus personne ne prend Laurent Bouvet pour un penseur. Et sûrement pas un penseur de gauche. 

Un peu d'histoire personnelle s'impose. De même que la haine des élites chez Eric Zemmour s'explique en grande partie par son double échec à l'ENA, la haine du progressisme chez Laurent Bouvet peut s'entendre par le fait qu'il fut évincé (selon lui) par les règles paritaires pour les législatives de 2002. Alors, le brillant (selon lui, toujours) directeur des études du PS n'avait pas obtenu son investiture électorale et en avait tiré une tribune mémorable. Mémorable au sens où j'ai rarement lu quelque chose d'aussi déplorable (lire à ce propos l'article de Libé, à l'époque). Où comment ériger sa propre médiocrité en dogme, ne pas se poser les bonnes questions sur sa prestation et estimer qu'on a été écarté par "des meufs et des arabes". Bah voyons... Sauf que chez Bouvet, cela vire à l'obsession et depuis 15 ans il n'a cesse de nous expliquer que cela vaut pour tout le pays : la gauche va dans le mur à force de promouvoir la diversité et la parité. Il le réexplique dans son dernier essai, hilarante (involontairement) radioscopie de la gauche au pouvoir. Vous avez aimé "mon curé chez les nudistes" ? Vous adorerez "mon facho chez les socialos". 

Dans l'insécurité culturelle, il y a 5 lignes brillantes, mais c'est une citation de Régis Debray sur la frontière... Sinon, le petit Bouvet fonde la majorité de son analyse sur... des sondages. Bravo la science ! Il trouve des sondages disant que les musulmans de gauche n'aiment pas la politique actuelle, n'aiment pas les lois progressistes du mariage pour tous et Bouvet en conclut que le progressisme est une impasse. Il écrit dans ce que je peine à qualifier d'analyser des choses comme "la promotion de la diversité n'est pas une défense de l'égalité" et on revient au problème précédent... Cher Laurent, s'il faut prendre le taureau par les cornes, c'est que des discriminations viennent se sédimenter sur des inégalités déjà fortes et que ça crispe toute la société. Le nier comme vous le faites, c'est s'enfoncer dans un aveuglement coupable. On peut aussi lire "le multiculturalisme n'est pas une politique" et si on ne peut qu'abonder, on se pince en revanche à l'idée que ceci concerne la France : où sommes nous lancés dans une apologie du multiculralisme ? Quels faits concrets plaident pour cela ? Mystère... 

Le reste de la thèse de Bouvet c'est donc qu'on a oublié de protéger le bon peuple de gauche, le laissant filer au FN. Non pas par défaite économique (la production, le partage, les inégalités, sont des sujets qui intéressent assez peu Bouvet, en fait... On ne trouve pas de chiffre dans son livre qui ne soit autre chose que des sondages ou des résultats électoraux. Chacun son truc) mais par "sentiment d'insécurité culturelle". Voilà d'après l'auteur notre relâchement coupable à tous : nous avons laissé le bon peuple s'enfoncer, non pas dans une crise économique, mais dans une crise culturelle. D'une, il oublie que les populations récemment immigrés, reléguées dans les banlieues (il dit qu'on en fait trop pour eux et pas assez pour le péri-urbain, digérant mal les thèses de Guilluy) vivent avec violence cette même insécurité culturelle doublée d'une insécurité économique manifeste. De deux, il nie que l'insécurité qu'il qualifie de culturelle est en réalité économique : c'est une modernité liquide où les barrières sont floues et profite aux gagnants de la mondialisation. C'est la seule jolie phrase du livre et il l'attribue à Debray, sans voir que ce dernier l'a gentiment emprunté au maître : Zygmunt Bauman. L'auteur de "la modernité liquide", "la vie liquide" et autres livres où il ne confond pas causes et conséquences, mécanismes de domination et tentatives de compensation. Bref, pour comprendre l'insécurité culturelle, il faut lire Bauman et laisser Laurent Bouvet résoudre ses propres turpitudes d'insécurité culturelle, car à l'évidence le pauvre garçon voit bien qu'il est à la ramasse dans le débat à gauche et ça le rend malade, mais pas encore au point de faire son coming out frontiste, alors même que son dernier livre en a toutes les idées.