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08/03/2015

Chronique de l'incompréhension ordinaire

Singe-Incomprehension.jpgTous les matins cette semaine, ce fut la même scène sous mes fenêtres. Avec une version paroxystique, hier. Des travailleurs très lève tôt, et des voisins exaspérés qui hurlent et menacent d'appeler les flics. Des travailleurs immigrés appelés en nombre pour retaper en un temps record un resto qui fait l'angle de ma rue avec celle du Faubourg Poissonnière. Une nouvelle brique dans la gentryfication du quartier.

Ravalé ou changé de propriétaire, je ne sais, le resto ainsi retapé aura monté ses prix et ne verra sans doute pas sa clientèle s'évaporer, au contraire. A côté de chez moi, le week-end, impensable de rentrer sans réservation dans un des dix ou quinze restos chics qui poussent comme des champignons bios. Ils révèlent mieux encore que des boutiques de fringues le décalage croissant au sein du pays. D'un côté, ceux qui comptent tout, de l'autre ceux qui peuvent rentrer dans ces tavernes sans regarder la carte. Il y a, bien sûr, des tas de strates intermédiaires, allant de ceux qui peuvent rentrer exceptionnellement dans ce genre de gastos, pour une occas, à ceux qui peuvent bosser un peu plus pour se le payer, etc etc... Mais tout, à Paris intra muros, défient de plus en plus les statistiques nationales. Prix de l'immobilier, boutiques de fringues, prix des sorties culturelles et donc des restos, impossible de vivre à Paris sans de nombreuses astuces allant de parents fortunés, à un immobilier modeste (HLM, ILM, loyer de 48, propriétaire débonnaire, bail ancien...) et autres astuces pour vivre différemment (comme mes potes plus jeunes avec qui je sors boire des bières et dont je réalise qu'ils ne mangent jamais dehors. Mais ils ont une sacré descente à jeun). Si la population parisienne est de plus en plus gentryfiée, l'activité ne désemplit pas, au contraire, et il faut donc ramener des bataillons toujours plus nombreux de travailleurs pour faire fonctionner tout cela.

J'en reviens donc à mes travailleurs, ni parisiens ni même français. Ils dorment sans doute dans le camion où entassés dans une pièce proche du chantier que le proprio possède aussi. En les observant, je vois un condensé des crispations présentes dans l'actualité politique. Travailleurs français vs immigrés, coût du travail, capacité à mobiliser beaucoup de monde en peu de temps, donc conditions de travail. Des français accepteraient-ils les délais indécents, un peu fous, exigés de ce propriétaire qui veut rénover ces immenses locaux en un temps record ? Probablement pas. Alors le proprio en remet une louche et ces pauvres hères attaquent le turbin dès 7h du mat', à la masse ou au marteau-piqueur. Les riverains se plaignent, à raison. Ils font arrêter le chantier au motif qu'il est interdit de faire du bruit à cette heure. Les forçats sont exaspérés, mais interdits. Hurler, se plaindre, continuer, c'est attirer la maréchaussée... Au final, tout le monde se retrouve en chien de faïence et l'on pense que ce genre de situation est un cul de sac. Sauf qu'en réalité cette anecdote illustre tristement la crise de responsabilité : et elle incombe à 100% sur le propriétaire véreux, coupable de vouloir aller trop vite, trop fort, pour pouvoir marger davantage avec une nouvelle carte aux prix enflammés. Dans le capitalisme actuel, le principal dérèglement tient à cela : absence de responsabilité et absence de volonté de réfréner l'accélération insane au motif que si on ne le fait pas, un autre prendra sa place. Accélérer pour sauter dans le vide ne m'apparaît pourtant pas le meilleur moyen de remporter une course... 

Commentaires

Appelez au boycott du resto une fois ouvert ! on a bien tenté d'obliger H&M et compagnie à mieux payer leurs producteurs de coton pourquoi ne pas le faire de nos restos bios. Bios du début à la fin ! Côté repas parisien, moi j'en suis aux crêpes à emporter et à manger dehors..le moins cher et le plus nourrissant : 3 euros max pour une crêpe au fromage!
Eh oui, les temps sont durs pour les banlieusards qui se risquent dans la capitale !

Écrit par : marcelline Roux | 09/03/2015

Je vais penser à ce type d'action... Merci Marcelline !

Écrit par : Castor | 09/03/2015

Les commentaires sont fermés.