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10/03/2015

Connais ta ligne rouge toi même

ligne-rouge.jpgCe post n'est pas une leçon de morale. Je n'aime guère ça, ne me sens ni compétent, ni légitime pour cela. J'aime les moralistes quand ils ont du style et du souffle, mais n'est pas Chamfort qui veut, malheureusement pour moi. Ce post, en revanche, parlera de morale personnelle, ou plutôt de sens des responsabilités. Pas que je méfie de la morale, mais le terme est impropre comme d'autres que les spins doctor de l'époque mettent trop en avant. La morale, donc, est à prendre avec des pincettes, car pour faire progresser certaines causes, une absence de morale peut redevenir un atout.  Idem pour "Ethique", que je n'aime guère sorti du champ de la médecine où il est le plus légitime. L'éthique adaptée aux affaires et au business glisse vite, l'éthique n'a pas de prise sur les divers "washing" ; et puis, ceux qui surjouent les chevaliers blancs sont parfois étonnant. Même le MEDEF s'est doté d'un code d'éthique. D'où la double esquive sémantique.

Responsabilité, en revanche, ça me convient. Au sens où l'entendait Ricoeur lorsqu'il expliquait que l'irresponsabilité est anonyme quand la responsabilité est forcément incarnée par quelqu'un. Or, l'époque charrie de la tribune, du livre, de l'argumentaire de retour positif à l'individu. Pas au sens individualiste, mais au sens où chacun doit être un acteur de changement, faute de quoi tous les grands acteurs nationaux ne changeront pas. Cela peut être vu comme un renoncement du politique, la mort des idéaux collectifs. J'entends évidement la résignation et pourtant cette idée de l'exemplarité individuelle me séduit. Dans la limite du possible : on ne peut exiger de tous les leaders écologistes qu'ils ne se déplacent jamais, mais ils peuvent limiter au maximum, encourager les déplacements collectifs... Certains déplacements ne serviront que leur ego ou leur compte en banque, dans ce cas là, il faut savoir refuser. A chacun sa ligne rouge.

La majorité des citoyens ne sont pas confrontés à ces choix, mais ils peuvent le faire via la consommation : Monsanto ou pas ? Une banque fraudeuse ou mutualiste ? Des fringues fabriquées par des adultes ou des enfants, etc etc...

Et puis au delà de cela, nous sommes donc parfois confrontés à des choix professionnels plus ou moins engageants. Sans être PDG, entrepreneur ou autre, nombre d'entre nous sommes exposés à cela : voulons-nous travailler selon ces méthodes, avec ces interlocuteurs pour ces causes ? Parfois, on peut discuter. Depuis cinq ans que je suis en free lance, j'ai relu mon CV pour un client qui me le demandait récemment et je ne vois pas de nom qui me fasse rougir. Je coopère avec nombre de fondations, de départements RSE et autres acteurs de changements, de grandes boîtes. J'ai aussi dirigé des programmes de rencontres économiques au sein desquelles j'ai fait monter sur scène une immense majorité de boîtes et d'assoc très honorables (je regrette Critéo...). Je dis bien "d'assoc très honorables", car je suis d'accord avec le fondateur du groupe SOS, Jean-Marc Borello, "le statut ne fait pas la vertu. Il y a des entreprises de bonne volonté et des associations de malfaiteurs. Voilà, souvent, la plupart du temps, on peut discuter.  

Mais il y aussi les cas où il n'y a rien à négocier, où l'on ne peut être malin et retourner la cause, faire progresser les choses de l'intérieur. Pour le dire autrement il reste des socialistes de gauche (si si) qui se battent pour changer les choses de l'intérieur. Ceux qui viendraient au FN en se jurant de virer les fachos tout en menant leurs carrières se fourvoient -consciemment ou non- ces gens-là ne changeront jamais... Adapté à l'économie, il y a des boîtes qui sont fondamentalement non changeables. Définitivement pourries. Hier l'une d'entre elles m'a fait une proposition indécente à divers titre. Indécente par la rémunération que l'on me proposait au regard du faible investissement en temps de travail que cela exigerait de moi... Indécente également du point de vue du déroulé de l'événement. Un séminaire pour cadre premium d'une très très grosse banque française sur une île au large de Toulon. 

Si j'ai pu retoquer cette proposition indécente, c'est avant tout parce que je peux me le permettre. Sans être Bill Gates je gagne suffisamment bien ma vie pour ne pas compter, ne pas être accablé de dettes ou ne pas avoir un besoin vital de cet argent pour acquérir quelque chose qui me manque. Bien sûr, ladite somme représente plus que ce que je gagne à l'ordinaire et aurait modifié mes revenus de l'année de façon conséquente. Mais le rapport gain contre perte d'estime ne me paraissait justifier un tel dévoiement de mes idées (je m'en voudrais de galvauder "idéaux"). Si j'élargis la réflexion au-delà de mon petit cas, cela me conforte dans l'idée que les responsables politiques, mais aussi de nombre de haut fonctionnaires et autres décideurs, régulateurs et contrôleurs publics doivent être bien payés afin de ne pas céder aux sirènes de la corruption par nécessité. Après, cela n'empêchera jamais certains de céder tout de même par avidité, par complaisance, cynisme ou manque d'idéaux, mais l'on peut déjà se prémunir contre la première catégorie. 

Au final, non seulement je ne regrette pas d'avoir retoqué cette offre, mais surtout je sais qu'elle fera jurisprudence dans ma vie professionnelle. Toute proposition sera toujours jugée à l'aune de nombreux paramètres, je ne ferais pas d'oppositions de principes, mais je sais où se situe ma ligne rouge. Pour éviter les injonctions contradictoires qui abîment profondément ceux qui veulent tout concilier - réussite financière et sens de leur travail - je conseille à tout le monde de trouver sa ligne rouge. 

Commentaires

Bonjour Castor,

Je viens de lire ce post, et bien que je partage comme vous cet esprit de valeurs que tout à chacun devrait pouvoir suivre, une question m'a effleuré à la lecture de ce post. Vous parlez d'une proposition professionnelle que vous avez refusé car vous l'avez jugé indécente au vu du temps de travail. Mais, dans une démarche qui aurait pu être différente, vous auriez pu considérer que cet argent puisque que le considériez immérité aurait pu être utilisé dans un dessein plus "généreux". Vous auriez-vous pu accepter cette offre et en reverser la quasi totalité à une association de votre choix, à une action humanitaire, bref contribuer à aider quelqu'un de votre choix ? Accepter cette rémunération que vous jugiez trop excessive, aurait pu contribuer à une action plus méritée ?

Écrit par : sacha noore | 24/03/2015

Bonjour Sacha, c'est une possibilité et à vrai dire, je n'ai pas de leçons à donner. Disons, que dans les domaines où j'interviens et les propos que je tiens et écris je ne peux me permettre de participer à ce genre de symposiums... Après, je sais que nombre de belles causes ont besoin d'argent et peuvent être moins regardantes sur l'origine des fonds. C'est humain. Mais là, vraiment, je ne pouvais pas...

Écrit par : Castor | 24/03/2015

Je comprends tout à fait et ça n'était pas une critique. Vraiment.
Mais je me suis posée la question dans le sens ou si ces gens ont de l'argent à jeter par les fenêtres, et n'ont pas de démarche constructive, que celui qui est sous la fenêtre ai la possibilité de le faire...
Merci en tous cas d'avoir répondu à mon commentaire !

Écrit par : sacha noore | 24/03/2015

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