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16/04/2015

Chronique d'un quiproquo médiatique ordinaire

9782021123623.jpgIl y a des livres faits pour passer à la télé et à la radio. Des livres creux, mais où l'auteur a rodé son storytelling avec les trois mêmes anecdotes, exemples et blagues pour faire le tour des plateaux. Alors, à chaque fois, pour le spectateur ou auditeur gogo, la déception est immense en ouvrant le livre. Avec "la démocratie contre les experts" de l'historien Paulin Ismard, c'est le phénomène inverse qui est à l'oeuvre et c'est étonnant. "Inverse" j'exagère, mais disons que l'éditeur a bien piégé les médias. Comme le souligne mal le titre, l'essai traite de la Grèce Antique. C'est tout. Dans l'introduction, l'auteur glisse une demie phrase laissant entendre que les problématiques soulevées dans son livre sont "ô combien contemporaines".

Pour autant, par la suite, le livre parle de Platon, de Protagoras, d'Ulysse ou de Nicomachos... Rien, depuis l'introduction jusqu'à la conclusion, ne parle de l'actualité. Aucune référence ou facilité comparative, jusqu'à la conclusion où Ismard lui même reconnaît que le parallèle est branlant... "l'analogie, assurément boiteuse, a pour vertu de faire apparaître, par contraste avec notre propre condition politique, une double dimension constitutive de l'esclavage public des cités grecques. Elle relève tout d'abord le contrôle direct que la communauté dans son ensemble entendait exercer sur plusieurs domaines relevant pleinement de sa souveraineté (la force publique, la monnaie, les écritures civiques) et qu'il était impensable de confier à des citoyens, fussent-ils experts". Voilà. Pour ces quelques phrases et un délire d'une page à peine où Ismard imagine que nos experts de la BCE et autres archives nationales étaient des experts, ces quelques paragraphes, insignifiants à l'aune du livre, sont repris intégralement en quatrième de couverture et j'imagine sur le communiqué de presse. Ce que lisent les journalistes, pris en flagrant délit de non lecture comme Taddéï qui reçoit Paulin pour parler de la démocratie aujourd'hui. L'émission est bavarde et assez mauvaise. Laurent Joffrin et Nicolas Bouzou débit des conneries avec une régularité helvétique. Cherchant un contrepoint, Taddéï consulte Ismard et cherche à lui faire dire que "les élites" d'aujourd'hui devraient s'inspirer d'Athènes. Refus d'Ismard, cheval têtu qui demande une redéfinition "d'élite" l'animateur mal à l'aise ne parvient pas à ses fins... Le procédé s'est même reproduit sur France Culture (!) à midi... Si vous ne voulez pas parler de la Grèce, n'invitez pas un historien spécialiste de la Grèce Antique, auteur d'un excellent livre, érudit et élégant, mais qui ne nous éclaire pas forcément sur l'actualité. Je serai tenté de dire qu'on s'en fout, voire que c'est mieux ainsi eu égard à la surenchère de projecteurs braqués sur notre petit présent...

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