15/09/2015
Une gauche raisonnable dans une époque qui ne l'est pas
Les éditorialistes n'ont pas profité de leurs vacances d'été pour changer de vision du monde. La crise boursière en Chine, la récession au Japon et au Brésil, la croissance américaine qui ne crée pas d'emplois, tout cela ne les a pas détourné de leur obsession : il faut réduire les déficits publics pour relancer la croissance. Et donc, mobiliser en cela des partis "réalistes", des gauches "raisonnables", des gauches de droite, quoi.
Nos amis publicistes, de Leparmentier à Beytout, clament que toute voix dissonante à la BCE, toute voix à gauche de Junker ou de Macron, n'est pas réaliste. Depuis deux ans, les électeurs les détrompent à chaque fois, avec Podemos, Syriza, le SNP, et désormais Corbyn. A chaque fois, le verdict est le même : pauvres électeurs, ils ne comprennent pas l'erreur qu'ils viennent de commettre. Ils ont voté pour le pire. Jamais nos amis libellistes ne se posent la question des racines de ces votes. Peut être que les jobs à 0 heures au Royaume Uni, à 1 euro en Allemagne, la loi Macron chez nous, tous détricotages de notre modèle social, de nos conceptions de l'Etat social, toutes mesures absolument inassociables à autre chose qu'à Reagan, toutes ces mesures ont fini par désespérer la gauche. Qui veut tourner le dos et tuer la social libéralisme, cet oxymore abscon politiquement et pourtant toujours fièrement arboré.
Ce qui est intéressant, dans l'opposition rhétorique des Chiens de Garde, c'est qu'ils anglent tous leurs attaques sur les questions identitaires. Forcément, leur doctrine économique et sociale est si émolliente, si évanescente, qu'ils n'ont rien à opposer fors un chimérique "pas réaliste" qui passe de moins en moins dans l'opinion publique. Alors, on exhibe un tweet antisémite d'un conseiller de Podemos, un ami peu fréquentable de Tsipras et désormais des soutiens trop ouvertement pro palestiniens de Corbyn. Comprenez par là, des amis pareils sont forcément symboliques d'une décadence morale et donc politique de ces partis. Personnellement, je ne connais pas lesdits conseillers, lesdits soutiens, mais je m'amuse de les voir exhumer à chaque fois par des chroniqueurs tout à coup pugnace. Que ne mettent-ils cette énergie investigatrice à disserter sur les raisons d'un désamour profond et durable entre les électeurs européens et les "progressistes", ce faux nez d'une droite honteuse. Well done Corbyn, quand on voit l'indécence de la City, on comprend que c'est ton heure. D'ailleurs, il ne s'est même pas présenté mais a été poussé par ses camarades qui ont estimé que son programme de lutte contre l'hyperprofit incarne l'époque. Espérons que cette lucidité se répandra bientôt dans la presse.
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