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03/12/2015

L'insurrection aurait-elle lieu ?

What-If.jpgEt si. Je sais qu'avec cette formule on met Paris en bouteille et moult autre miracles, mais à force de regarder, hébétés, le grand torrent de l'actualité sans jamais mettre de conditionnel, on perd le sens commun. Et si nous étions gouvernés actuellement par une formation se revendiquant comme de droite. Oublions les programmes, les lois, tout ce qui en ce moment nous déchire pour savoir si Macron est plus à droite que tel ou tel hiérarque de l'UMP. Revenons-en aux symboles, aux sigles, à ce qui nous aide à éructer ou exulter, en bons électeurs binaires. Et donc, nous sommes dirigés par un exécutif de droite lorsque survient le drame du 13 novembre.

Tout le monde aurait pleuré de la même manière, salué le travail des soignants, des pompiers, des policiers, du RAID et du GIGN. Tous, nous nous serions recueillis et aurions souhaités que l'on puisse faire union nationale, mettre la campagne des Régionales entre parenthèses, et aussi, pourquoi pas, tout le monde aurait applaudi aux frappes sur Rakka. Non que ça soit forcément intelligent, mais il faut bien prouver à la nation en larmes que le crime ne reste pas impuni (même si, par définition avec des kamikazes, les assassins sont morts...). Tout cela ne changerait probablement pas. Certes. Mais le reste ? Car si la droite est au pouvoir, la gauche est dans l'opposition. C'est tautologique, mais important à rappeler pour que nous prenions la mesure de la déviance à l'oeuvre. Depuis 3 semaines, la surenchère sécuritaire, folle, avec hier un renforcement de l'Etat d'urgence fou (géolocalisation de toutes les voitures de locations, conservations de toutes les fadettes téléphoniques pendant 2 ans, armer les polices municipales) et toutes mesures sorties des programmes des Républicains d'Outre Atlantique avec le succès que l'on sait (30 000 morts par balles chaque année, et encore 14 dans une fusillade hier, en Californie, devant un rassemblement de fonctionnaires...) sans que personne ne s'en émeuve...

Le père d'un ami, maire sans étiquette d'un village de 760 habitants en Normandie a vu ses voisins lui rendre visite au lendemain des attentas pour demander si la mairie allait recruter des vigiles, faire venir des CRS pour protéger l'entrée du bar PMU et de l'église du coin. Inutile de préciser que le plus gros larcin que le bourg ait eu à déplorer ces dernières années était l'incendie d'une poubelle. Mais la psychose s'est tellement répandue à travers le pays qu'eux aussi étaient prêts à accepter tout et n'importe quoi.

"N'importe quoi", c'est amalgamer. On montre les blacks blocks qui ont saccagé la Place de la République, dimanche. Mais ces connards sont connus, ils sont suivis, fichés et surveillés par les polices du monde entier. Ils avaient foutu le boxon et déploré un mort dans leurs rangs lors de la tenue du G8, à Gênes. Evidemment, on peut et on doit s'en prendre plus sévèrement à eux. Est-ce que l'Etat d'urgence l'a permis ? Manifestement (si j'ose dire...) non... En revanche, on a perquisitionné des fermiers bios, des militants écologistes pacifistes et autres partisans d'un monde plus vert. Ca lutte contre le terrorisme ou ça se fait plaisir ? Je pencherais volontiers pour la seconde option... Mais, Madame Michu, le problème du terrorisme c'est "le fondamentalisme islamiste". Ha... Mais aux USA hier les tireurs se réclamaient du christianisme et... "TA GUEULE" répond l'Etat d'urgence. Dis pas de conneries. L'ennemi c'est le fondamentalisme islamiste qui pousse (sic...) chez les migrants et dans les mosquées salafistes. Peu importe que tout porte à croire que tous les fous furieux se sont radicalisés en prison ou en partant en Syrie par révolte alors qu'ils avaient grandi dans des classes moyennes ou supérieurs. On s'en fout, on sait pas faire, alors que fermer les mosquées, on sait. D'où la fermeture de celle de Lagny, hier. Le bon peuple est content, on peut dire que c'est une banlieue populaire. Pensez, on a trouvé un pistolet, c'est donc qu'on a visé juste. Mais je croyais que les terroristes avaient des armes de guerre et un arsenal de film d'apocalypse ? Un petit dealer de rue peut avoir un pistolet, vous êtes sûrs que ? TA GUEULE, on a trouvé les fondamentalistes, on te dit....

Comment, collectivement, pouvons nous accepter un tel renoncement aux libertés les plus élémentaires pour aucune sécurité supplémentaire ? Si je reviens au titre de ma note de blog, je veux croire que si l'UMP prenait les mesures folles et haineuses décrétées sans dialogue par le gouvernement, nous nous soulèverions plus. Mais je n'en suis, hélas, pas sûr. Cela parce que dans le combat culturel et idéologique, la rhétorique sécuritaire est un tsunami. 

Interrogé sur la sécurité, François Bayrou avançait ce raisonnement pour le moins sophiste "estimez-vous qu'on a perdu en liberté, depuis qu'on doit enlever nos ceintures, nos chaussures et autres dans les aéroports ? Et bien non, c'est une concession à la sécurité". Ha bon ? Et l'avion russe qui a explosé en plein vol au dessus de l'Egypte et dont les analyses de boîtes noires indiquent clairement qu'il n'a pas été abattu mais implosé suite à des bombes présentes à bord ? Et ce débile léger (au sens clinique) Richard Reed, qui avait réussi à glisser des explosifs dans ses semelles et monter à bord d'un avion malgré tout ? Evidemment que face à des forcenés prêt à tout, à mourir en supposés martyrs, on ne peut opposer des décrets sans cesse plus pousser, cher François Bayrou. Faut-il mettre des portiques à l'entrée des crèches, des marchés, des FNAC, fouiller tout ceux qui se rendent au spectacle et passer au détecteur de métaux les passagers des TER ? Cela ne peut pas tenir. Notre aversion légitime pour l'horreur ne doit pas nous faire perdre de vue que l'histoire n'est pas linéaire et que nous ne pouvons pas tout maîtriser, hélas. Notre réaction me fait penser à celle du fou qui plante des drapeaux partout pour éloigner les girafes, un passant s'avance et lui demande pourquoi il fait ça. Renseigné, il dit au fou "mais il n'y a pas de girafe, ici. Il n'y en a jamais eu". Ce à quoi le fou répond "forcément, puisque je plante des drapeaux...". Si ça n'était ce qui se passe aujourd'hui, cela me ferait sourire, mais cela me fait pleurer : nous acceptons de remettre notre destin à des fous en espérant qu'ils évitent le pire et lorsque celui se produira, nous accepterons pire encore.