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14/05/2016

L'introuvable fraternité

recherche-personne.jpgLes valeurs de la devise républicaine ne sont pas égales entre elles... La liberté est poussée sans cesse, au point de devenir notre enivrante obsession moderne. L'égalité vacille, prend l'eau de toutes parts, raison pour laquelle on vocifère et tente de la ramener dans le débat. Pour l'heure sans succès malgré les vociférations de Piketty à Nuit Debout, la liberté défonçant tout sur son passage et comme selon le célèbre théorème d'Isaiah Berlin "l'égalité et le liberté sont deux pôles contraires, dès lors que s'approche de l'un, on s'éloigne de l'autre". Et c'est bien là le drame, à force de s'éloigner de l'égalité, c'est une autre valeur qui écope : la fraternité. 

On pourrait lancer une "Alerte enlèvement" pour la Fraternité. La dernière fois qu'elle fut repérée, tout le monde se moquait d'elle car une ancienne candidate à l'élection présidentielle, affublée d'un boubou bleu électrique qui lui allait comme une soutane à Miley Cirus. Elle avait fait chanter le mot à une foule dubitative, mi télévangéliste mi politicienne à la dérive... 

Cette semaine je suis allé animer la première rencontre des salariés des Petits Frères des Pauvres. Leur délégué général, un homme lumineux qui s'efforce autant que possible de fuir la lumière, m'ouvrait justement à cette dramatique absence dans le débat public. Il ne mit pas longtemps à me convaincre, j'étais déjà enclin à une politique en faveur de la fraternité. D'abord c'est le titre choisi par une cinéaste pour intituler un documentaire qu'elle a produit sur mon frère et moi. Il se trouve que j'ai aussi la chance d'avoir une soeur, mais le film portait sur la relation qui me lie à mon grand frère, qui se trouve être adopté. Hormis une différence de couleur de peau et d'extravagance capillicole, la fraternité au sens large (qui inclurait la sororité) ne connaît pas de variable entre nous trois, ce qui nous rassemble étant bien plus puissant que ce qui nous éloigne. A un niveau individuel, un effort, un élan fraternel, n'a rien d'insurmontable. Sans avoir lu Lévinas, nous sommes tous en capacité de surmonter nos a priori sur ces autres effrayants parce que nous ne les connaissons pas et les envisageons, dès lors, comme des monstres. 

Là où les choses se compliquent, c'est à un niveau collectif. J'entends par collectif le cadre national. A une échelle plus modeste, certaines terres, certains villages ou certaines grosses communes sont-elles assez fraternelles et d'autres fermées ? Ca tient à l'histoire, bien sûr, mais aussi (on y revient) à l'égalité : quand une commune à un PIB plus fort que le reste, une couleur de peau plus homogène que le reste du pays (le blanc) et qu'on leur dit qu'on va ouvrir un centre avec des doublement non comme eux (pauvres et non blancs) qui débarquent, c'est la panique. A mon sens, le moteur de la folie reste donc l'inégalité. Raison pour laquelle le salut par la restauration de l'égalité. Si l'on en croit Robserpierre, elle relie la liberté à la fraternité. Effectivement, impossible d'être frères si l'autre me heurte ou que je guigne quelque chose chez lui. On sait bien qu'il ne faut jamais regarder l'assiette du voisin. Notre hystérie identitaire nous pousse à ne faire que cela. Voilà comment on saccage la fraternité alors même que nous avons tant besoin.  

Avec 5 millions de personnes isolées, des millions de vies pas assez occupées, pas assez remplies, le vide humain de ce pays est plus abyssal qu'une dette que nous ne sommes pas tenus de rembourser toutes affaires cessantes. Les intérêts, certes, pour faire fonctionner le système, mais la dette elle même. Qui croit sérieusement que nous rembourserons les 2 000 milliards de dette ? C'est moins urgent que nous rapprocher les uns des autres. En voilà un chantier sympathique pour 2017 et qui ne sera même pas périmé en 2022.