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25/06/2016

Zygmunt Bauman pour tous

Zygmunt-Bauman-006.jpgAu lendemain du résultat du Brexit, la maxime de Spinoza est plus que jamais nécessaire "ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre". En l'espèce, ça n'est guère délicat : la résurgence d'un vote de classe et un vote de génération. 70% des séniors votent contre. Ils veulent revenir à avant. 80% des ouvriers votent contre. Ils veulent revenir à avant. Avant quoi ? A Margaret Thatcher ? Posez pas de questions, faites pas semblant de pas comprendre. A avant, quand c'était mieux. Si vous feignez pas de pas comprendre, c'est uniquement parce que vous faites partie des 80% de CSP++ qui ont pu se permettre de voter "Remain" car ça vous va bien l'Europe. 

Dire "c'est un vote de classes" est inéluctable, mais les nouvelles élites refusent de l'admettre car le peuple a voté Farage. Ca n'est pas étonnant, il vote Orban, Fico, Marine le Pen... Quel con, ce peuple. D'ailleurs, c'est ce que disait Brecht, "quand le résultat des élections nous déplaît, changeons le peuple". Beau programme, hein ? Allez, admettons que c'est un peu compliqué à mettre en place... 

Admettons que les choses ont un poil changé depuis que Brecht commentait l'actu. En revanche, un philosophe peut nous aider à éclairer l'actualité d'un oeil nouveau, Zygmunt Bauman. Né en 1925, élevé entre la Pologne et l'Angleterre, cet immense penseur a développé un concept parfaitement adapté à la crise actuelle : la modernité liquide. Notre époque se caractérise par une disparition des frontières et des repères : physiques, mais aussi symboliques, avec les contrats moins fermes et la plus grande volatilité des carrières. Perte de repères religieux avec un effondrement de la pratique globale (même si quelques énervés sont beaucoup plus visibles...). Perte de repères sentimentaux avec l'explosion des divorces, des couples adultères et interdites. Explosions géographiques avec des entreprises qui se délocalisent, des carrières qui se déplacent...

Tous ces changements sont extrêmement anxiogènes pour les classes populaires, qui subissent ces changements sans en voir les profits. Et pour cause, ils sont souvent perdants. Quasi tout le temps. Perte de jobs, angoisse et pression permanente. A contrario, quelques yuppies profitent d'opportunités nouvelles. Erasmus, expats, des potes dans tous les ports et aéroports, des formations, opportunités, des canapés d'accueil. La mondialisation triomphante. L'auteur de ces lignes s'inclut dans le lot de ceux qui profitent joyeusement de tous ces changements. Il est temps de réaliser que pour les quelques gagnants que nous sommes, cette globalisation à marche forcée a fait de nombreux perdants, probablement 90% des habitants d'Europe. Relisons Bauman, cessons de nier la réalité en insultant un peuple "qui n'aurait rien compris" et réfléchissons aux moyens d'infléchir la politique européenne vers une pente progressiste et socialement vertueuse. Vaste chantier...