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12/08/2016

Relançons l'ostracisme

AGMA_Ostrakon_Cimon.jpgDe retour de Grèce, la nostalgie me guette. Pas seulement pour la mer translucide, les couchers de soleil à la plage et la nourriture. Non, après une longue visite du Musée de l'Acropole, hier, je songe qu'avant quelques conflits malheureux qui l'ont fait basculer en arrière, politiquement, la Grèce avait vraiment tout compris il y a plus de 2000 ans.  

Bon, évidemment, elle n'avait pas tout compris. Plus de la moitié de l'humanité était privée d'expression politique et c'est bien évidemment déplorable. Mais certains pays ne sont guère plus avancés en 2016, donc ne soyons pas trop durs avec les Anciens et rendons hommage à ce qu'ils avaient compris avant tout le monde : les vertus de l'ostracisme.

Le mot est resté avec, hélas, une connotation extrêmement négative. Hélas, car à la base, c'est plutôt fort sympathique, l'ostracisme. Il s'agit d'une procédure collective et pas d'une dérive individualiste et autoritaire. Lorsque l'Ecclésia (assemblée des citoyens) estimait que quelqu'un dérivait/abusait ce qui pouvait prendre différentes formes allant d'un abus matériel à un excès d'autorité, elle (l'assemblée) votait son Ostracisme et inscrivait le nom du malfaisant sur un tesson de céramique. Sans attendre une décision d'une autre cour de justice, ledit contrevenant était politiquement exclu de la Cité pour dix ans. La pratique est tombée en désuétude. Ne serait-il pas de la réhabiliter ?   

Récemment, un politique nous a montré la voie à suivre. Albert Rivera, le chef de file du parti des centristes radicaux (on dirait un oxymore) de Ciudadanos en Espagne, a passé un compromis avec le Parti Populaire empreint de philosophie de l'ostracisme. Il ne brigue aucun poste au gouvernement et refuse d'y entrer, mais apporte le soutien de ses députés à la condition sine qua non que le PP prenne des mesures drastiques d'exclusions de tous ses représentants (et ils sont légions) ayant eu maille à partir avec la justice pour des faits de corruption. C'est dit sans violence, mais sans négociation possible. Or, nos démocraties pâtissent fortement de toutes ces tergiversations, de ces hésitations et de ses faiblesses collectives fassent à l'exigence de droiture. Lorsqu'il fut condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, Alain Juppé a écopé de dix ans d'inéligibilité en première instance. La peine prévue par la procédure d'ostracisme. Une sentence amplement justifiée au regard de ce que l'on trouvait dans les attendus du verdict : un véritable système mafieux, une gabegie colossale, des détournements d'agents publics et des centaines de postes donnés à des incompétents. La collectivité réagissait justement. Six mois plus tard, la peine était ramenée à dix huit mois parce que, quand même, "le meilleur d'entre nous" faut pas déconner. Désormais, l'homme incarne même le sursaut moral face à Sarkozy pour la primaire LR... Inutile de dire que l'Ex, avec sa douzaine de plaintes déposées contre lui dont certaines très sérieuses (le financement de la campagne de 2012 et l'argent de Khadafi, principalement) ne devrait plus être chez nous et nous pourrions (enfin, eux quoi) choisir entre Fillon, NKM et Le Maire. Ca n'est pas enthousiasmant et transportant, mais bon, c'est le problème de la droite, au moins serions nous en démocratie. 

Nous attendons trop souvent que les casseroles aient dépassé la taille de la cuisine pour agir, comme Cahuzac ou Claude Guéant, récemment condamné à cinq ans d'interdiction de toutes fonctions publiques, une fois qu'il s'est déjà retiré de la vie publique. Hormis cela, les très grillés restent quand même dans le jeu : Balkany, Copé, mais aussi Emmauelli, Cambadélis et Harlem Désir qui ont écopé de peine ridiculement courtes au regard des faits qui leur sont reprochés. 

On ne demande pas de rouvrir Cayenne, de jeter des pierres en hurlant "honte à vous", mais juste ce que nos amis Grecs avaient compris il y a plus de deux mille ans, déjà : quand la conquête du pouvoir motive plus que son exercice, quand l'appât des avantages allèche plus que la possibilité d'agir pour le collectif, il faut que ce dernier se défende. Méditons ça. In Plutarque we trust.