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20/08/2016

Le CCIF et le PIR, alliés objectifs du gaucho-lepénisme qui vient

1ecouve.jpgLe collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et le Parti des Indigènes de la République (PIR) ont gagné : grâce à eux, les chevènementistes de gauche et d'extrême droite se donnent publiquement l'accolade. Le 16 août, au creux de l'été, Florian Philippot a régalé les 90 000 personnes qui le suivent sur Twitter, en reproduisant le tweet de Laurent Bouvet appelant à cracher sur le CCIF. La boucle est bouclée, l'alliance gaucho-lepéniste pour 2017 est scellée. 

Est-ce si surprenant ? Philippot a fait ses classes chez Chevènement. La plupart des cadres du Printemps Républicain, le groupuscule de Bouvet, sont issus de son autre mouvement la "gauche populaire", lui-même composé de nombre d'ex chevènementistes. Voilà les limites de la gauche incantatoire, avec cette notion trop malléable de "République", quand on y accole la tentation souverainiste sans nous dire qui prend le dessus. On nous dit que Chevènement est populaire dans le "monde arabe" (pardon, c'est une commodité) car il était opposé à la guerre en Irak, en 2003. Mais Jean-Marie le Pen aussi était opposé, comme sa fille est opposée à une intervention en Syrie au nom de la souveraineté populaire. Sur l'Europe, pas grandes différences entre le lion de Belfort et le n°2 du FN. Idem sur les questions de laïcité, d'inégalités ("il faut les réduire", avec ça...) et de discriminations ("c'est de conneries, penser à consolider le point précédent et tout ira bien"). La différence sémantique entre les deux, la dernière digue, est celle de "la préférence nationale" que l'on ne retrouve tout de même pas chez le Che. Pour le reste, ses premières sorties en tant que putatif Président de la Fondation pour les oeuvres de l'islam, montrent une conception de la laïcité parfaitement FN-compatible : demander aux musulmans de rester "discrets", c'est créer un distinguo entre Français au nom même de la République. Car on ne demande pas aux filles en string de se montrer plus discrètes, aux crétins en skate d'adopter une déambulation urbaine moins exubérante... Non non, seuls les mahométans sont visés par le trouble à l'ordre public...

Politiquement, ce rapprochement est d'ores et déjà, hélas, une réalité. Le politologue Pascal Perrineau, peu susceptible de positions radicales, incarnation la plus absolue de la pondération scientifique, avait défini ce concept une première fois en 1995. Après deux septennats de Mitterrand, un certain nombre d'électeurs de gauche préféraient aller vers le FN plutôt que de continuer à voter pour un parti qui, au pouvoir, ne les avait pas suffisamment défendus à leurs yeux. Dans Le sens du peuple, notre brave Laurent Bouvet reprend mot pour mot ces thèses : la gauche a trahi en se perdant dans des combats inutiles - droit des femmes, des homosexuels, des immigrés - et n'a pas ramené l'égalité dans le pays. En réponse à cette trahison pour les basanés, mieux vaut la peste brune, en somme. Début 2016, Perrineau montre que ce courant est toujours vivace 20 ans plus tard au point que 13% des électeurs de gauche votent aujourd'hui FN et 11% envisageraient de le faire... Beurk. 2017 s'annonce glaçant : la Sociale, voilà qui effraie les bons bourgeois, en revanche la Marine et son manoir de St Cloud, pas de soucis...

Alors que la résurgence du gaucho lepénisme se muscle et que la présidentielle approche, le moins que l'on puisse faire est d'essayer de comprendre ce qui motive cette force. Pourquoi tant de haine de soi, à gauche ? A cause des idiots utiles cités au début qui leur ouvrent un boulevard avec un discours de haine itou. D'où vient-elle cette colère du CCIF et du PIR ? La réponse primaire, pas entièrement fausse, mais beaucoup trop courte, réside dans la trahison (une de plus) de Hollande sur ces thèmes : exit la promesse de lutter contre le contrôle au faciès, exit le droit de votes des étrangers ou encore l'indifférence de l'exécutif dans la mort manifestement due à des violences policières d'Adama Traoré... Ajoutez à cela une absence de lutte contre les inégalités scolaires dans les quartiers dits ZUS et la même apathie sur le front de l'emploi et vous comprenez le ressentiment d'une partie de la gauche qui s'était déplacée en 2012 pour élire un homme qui manifestement ne les considère pas politiquement. Les élections, depuis, ont montré que la leçon a été retenue et que l'abstention dans les mêmes quartiers a remonté en flèche.

Mais après tout cette colère n'est pas illégitime et ne nécessiterait pas l'opprobre de nos amis chevènementistes de gauche ou d'extrême droite. Le problème, c'est que ces pseudo hérauts de la lutte des opprimés sont de dangereux extrémistes qui ne se cachent même pas mais profitent de l'irrationalité du débat identitaire actuel pour attirer les énervés de tous poils. Ainsi de Marwan Muhammad, directeur exécutif du CCIF, qui déclarait à l'été 2016 sur LCI et tranquillement, sans montage ou coupes abusives, qu'il dîne régulièrement avec des salafistes. Quelques secondes après, il explique que les propos de l'imam de Brest sur la "musique vous transformant en porc" ne posent pas de problèmes. Il ajoute que la burqa non plus ne pose pas de problème pour la République, que les femmes sont toujours libres de porter ce qu'elles veulent ; ajoute qu'il n'est pas choqué que l'on refuse de saluer les femmes... Ad nauseam. Aucun défenseur de l'égalité ne peut entendre de telles saloperies sans frissonner. Comme les propos antisémites et homophobes d'Houria Bouteldja, porte-parole du PIR. Et il se trouve encore trop de voix pour cautionner ces propos venimeux, comme ceux de Tariq Ramadan prétendant que le but de la France est de "normaliser l'homosexualité dans les écoles". Avec des idiots utiles pareils, le FN n'a pas besoin d'alliés, il engrange des recrues sans bouger... Ajoutez à cela qu'Edwy Plenel, le fin limier des abus de pouvoir en matière de surveillance ou d'escroqueries fiscales s'est lancé dans un combat aveugle, se rêvant en nouveau Zola, sans réfléchir à son J'accuse....

Quand je lis tous mes amis engagés pour l'égalité des chances, la lutte contre les discriminations, la France fraternelle et solidaire, relayer des propos de tous ces énergumènes, je frissonne car je sens le renforcement de l'axe gaucho lepéniste. Il n'est pas trop tard pour lâcher ces compagnons infréquentables avant l'heure des choix électoraux.