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18/12/2016

Les éditocrates imposent-ils leur radicalité ?

82% des ouvriers sont opposés au programme de François Fillon. J'aimerai beaucoup pouvoir sonder l'approbation dudit programme auprès des éditorialistes, lesquels sont beaucoup moins chagrinés à l'idée de voir notre modèle social disparaître. Si cela leur pose souci, ils le masquent très bien. Destruction sans précédent de notre Sécurité Sociale euphémisé en "halte à la bobologie" par Fillon défendant son projet. Le commentaire reprend le propos du châtelain de la Sarthe avec flegme. Sans méchanceté, sans entrain démesuré, mais avec constance et sans distance.

Comme si cela les amusaient, comme s'ils s'enivraient de l'idée de radicalité. C'est tellement plus amusant à commenter que la pondération, la modération. Enfin ! Dans un pays dit impossible à "réformer en profondeur", enfin un type qui accepte de changer le train train. Enfin un truc drôle à raconter pour changer de nos habituels dialogues sur les retraites ou le coût du travail. On le sait, la droite française est bien plus modérée que ses homologues européennes. Reconnaissons que personne ne nous a, pour l'heure, imposé la purge sociale Thatchérienne, les fils barbelés aux frontières à la Hongroise, ou le retraite à 67 ans. Pas encore. Chirac et Sarkozy ont tonné fort en campagne, mais arrivés au pouvoir les mots furent plus dur que les coups portés au système social. Quand Sarkozy a fait passer sa réforme des retraites, celle-ci n'avait pas le 1/4 de l'ambition promise par François Fillon et elle a vu une opposition très vigoureuse dans la rue pendant des mois. Elle est passée, mais ce fut dur. Les lois libérales El Khomri et Macron, toutes deux appuyant fortement les dérégulations, facilitant les licenciements, protégeant les secrets d'affaires, sont passées. Mais à quel prix : les deux fois, le gouvernement dut recourir au 49-3 et l'hostilité que ces textes ont suscité chez les syndicats ont sans doute au raison des possibilités pour Hollande de se représenter en 2017, braquant irrémédiablement et définitivement les classes populaires contre lui. Et ces textes, tout violents socialement qu'ils sont, ne contiennent pas le 1/10ème de la potion que le docteur Fillon veut faire ingurgiter au peuple français.

Pour justifier la suppression de 500 000 fonctionnaires, l'argument qui tourne en boucle depuis quelques semaines est qu'ils étaient moins nombreux il y a 25 ans. Presque 1 million de moins nous apprend-t-on. Je m'étonne tout de même que la réponse la plus élémentaire ne soit jamais apporté en contradiction : en 1990, nous étions 58 millions de français. Nous sommes désormais plus de 65 millions. En ratio de fonctionnaires par habitant, nous sommes au quasi identique depuis 25 ans et certainement pas en inflation folle, comme le prétend la droite. Par ailleurs, tous les pays occidentaux connaissent des problématiques similaires : avec l'allongement de l'espérance de vie, le nombre de personnes très âgées et vulnérables augmente. Dans un pays qui a fait le choix de faire porter ces risques par la solidarité nationale, le fait de privatiser cela revient à une rupture du contrat social. 

Pour justifier l'abandon de notre sécurité sociale, les équipes de Fillon avancent des chimériques histoires de comptes à l'équilibre alors que le bilan du quinquennat Touraine, tout sauf collectiviste, les a remis d'aplomb avec forces coupes. 82% des ouvriers sont opposés au programme de Fillon précisément pour cela, parce que les coupes sanitaires ne sont pas compensés et on ne peut pas raconter des carabistouilles comme ça ; tout le monde voit bien que c'est une régression, un modèle où l'on vit moins bien. C'est déjà cela qui a bloqué le pays en 1995 et là encore (cinquième fois...) les réformes de Juppé étaient une litote de celles qui se trament aujourd'hui et qui ont d'ailleurs disparu du site de campagne du candidat investi par LR....

Au final, le début de campagne bringuebalant, les trous d'air de l'équipe Fillon sont liés à cela : tant que le candidat parlait avec ses pairs et des éditocrates qui, intellectuellement conçoivent tout à fait des réformes qui se sont faites ailleurs, tout allait bien. C'est assez logique : François Lenglet comme Arnaud Leparmentier rêvent de voir la France vivre sous un code du travail allemand. Les questions sont donc à l'avenant, biaisées en diable : ils nous expliquent que grâce à des réformes "courageuses", le pays a retrouvé le "plein emploi" et des "comptes sociaux positifs". Les "" sont là parce que le "courage" s'appelle en réalité de la soumission libérale, le "plein emploi" un système de comptage inique où les chômeurs sont radiés et les pauvres plus nombreux qu'en France et les "comptes sociaux positifs" ne servent pas la population allemande et l'on peut dès lors se demander ce qu'ils ont de positif. 

Ce qui nous arrive en ce moment c'est le "débat liquide" pour reprendre la dialectique de Zygmunt Bauman : nos commentateurs parlent hors sol, ne voient que ce qui les excitent dans les pays étrangers en termes de détricotage du code du travail, au mépris du pays réel et solide. Ce qui se passe dans les urnes depuis quelques mois, c'est le ras le bol de ceux qui vivent les réformes dans leur chair, qui sont touchés concrètement, durement, par ce que les concepteurs desdites réformes n'ont fait qu'imaginer sans jamais en être affecté. La revanche des urnes n'est, de ce point de vue, pas prête de s'éteindre. 

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