22/01/2017
Raison avec Macron plutôt que tort avec Mélenchon ? Try harder, guys
Suite au flop annoncée de la primaire PS (Camba peut parader ce soir, faire le fiérot, moins de 2 millions d'électeurs ça fait la moitié du camp d'en face), le ton change, chez les éditorialistes. Lesquels prennent un plaisir évident à décrire une bataille entre deux lignes politiques :la radicalité sociale et écologique de Mélenchon et le mondialisme ouvert et dérégulé mais joyeux de Macron. Reprenant le triptyque "lèche, lâche, lynche", ce combat leur permet de passer à une 4ème étape, on élude. Le PS n'existe même plus, pour le récit médiatique que cette primaire fait mourir d'ennui. On peut les comprendre, puisque le vainqueur est promis à être très loin des autres, à quoi bon s'attarder. On ne sera évidemment pas étonné que le traitement soit ultra favorable à la ligne de Macron.
Candidat chouchou des médias puisque nouvelle bouille, moeurs nouvelles avec une femme de vingt ans son aînée, Macron accumule les soutiens qui vont bientôt se transformer en baisers de la mort. Pour faire la couv' de Match, du Monde, de l'Express (ad lib, ad nauseam) le soutien de Pierre Gattaz et d'Alain Minc (officiel depuis hier) sont des bons points, mais à moyen terme, ça patine, ça coince. La dernière fois que le Paris d'affaires a connu un tel emballement, c'était pour Balladur. C'est la même France de yuppies moisis, aveugles à la souffrance sociale, qui soutient Macron. Après, je me garderai bien de prédire à Manu le même sort qu'à Doudou, je ne prends pas mes rêves pour des réalités. Balladur est un communicant déplorable, un tribun plus que médiocre et au fond, il y avait un hiatus entre la personnalité et le programme, la forme et le fond. Macron n'a pas ce problème. Avec ses costards cintrés et son envie débordante de pouvoir, il incarne bien le libéralisme décomplexé qu'il revendique à corps et à cris (de fin de meetings). Bien que ça me navre et me désespère sur le niveau de conscience politique des français, ce programme ringard et rétrograde, ripoliné et lavé à grands coups de modernité entreprenariale peut l'emporter.
Ce qui m'intéresse, c'est le champ sémantique emprunté par les commentateurs pour arbitrer ce match dans le match de la présidentielle. Ils ne dissèquent pas deux lignes (chiant, pas vendeur), n'analysent pas la force des propositions sur l'emploi, les révolutions énergétiques, agricoles ou écologiques (pas un clic pour ça), non, ils déplacent le match sur le terrain boueux du "réalisme". Boueux, car en trente secondes, à l'emporte pièce, l'aplomb et l'audace l'emporte. Avec des commentateurs qui sont tous répartis entre sociaux libéraux et libéraux pas sociaux, le truc est vite vu : la France a un problème de compétitivité, de coût du travail, les impôts sont trop hauts, la dette est un boulet, 57% de dette publique, bla bla bla...
Le cercle éclairé de la raison, celui là même qui se plante systématiquement depuis 2005 avec le référendum, nous explique ce qu'il faut voter, ce qu'il faut penser et ce qui est raisonnable, nous dit donc de voter Macron. Malins, les participants du cercle voient bien la vague populaire qui porte Mélenchon et la maladresse qu'il y aurait à regarder avec dédain, mépris ou violence, le programme de Mélenchon. Non, ils gardent leurs philippiques pour Le Pen. Pour Mélenchon, la nouvelle attitude consiste à le trouver sympathique, patelin, plein de belles utopies, mais... Pas réaliste. Sans autre forme de procès, une sorte de mauvais remix de Sartre et Aron. En même temps, en retenant cette comparaison, les faits sont têtus : Nicolas Baverez comme avocat de Raymond Aron, ça vous en dit long sur le camp de la raison... Le piège rhétorique est grossier, ne nous laissons pas intimider pour si peu. On disait la même chose de Correa, ça ne l'a pas empêché d'emporter la présidentielle et de changer le visage de l'Equateur. Si, se puede, bordel !
19:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
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