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15/04/2017

Des institutions moisies au secours du candidat à l'avenant ?

Dans la dernière ligne droite avant le premier tour, le trouillomètre grimpe en flèche. La question sera de savoir parmi toutes les menaces brandies, laquelle peut vraiment inquiéter les électeurs. Or, il y a une différence sociologique fondamentale entre ceux qui causent et ceux qui regardent ou écoutent. La litanie actuelle sur "le cauchemar fiscal", ou "l'apocalypse financière" est sans doute une préoccupation personnelle pour 70 à 80% des commentateurs, qui se sentent directement saisis d'effroi par le programme de Mélenchon, mais chez l'ensemble des français ? Dans un pays où 50% de français ne payent pas l'impôt sur le revenu, ou 5% des français gagnent plus de 4 000 euros, la majorité de nos compatriotes ne voient pas bien la catastrophe à venir. Ca n'est pas comme si nous étions en pleine corne d'abondance, en opulence sans fin où nous aurions tout à perdre.

Notre pays n'a jamais été aussi riche et n'a jamais compté autant de pauvres, cherchez l'erreur. Bien sûr, pour ceux qui viennent d'acheter une maison, un appartement, un pavillon, en se mettant un crédit ras la gorge, la possibilité de connaître une hausse d'impôts, même marginal, est cataclysmique. Mais en masse, ça ne représentera pas grand monde. Les petits salaires voient bien qu'il ne leur arrivera rien, seules les classes moyennes très supérieures redoutent l'arrivée de Mélenchon. Insuffisant pour contraindre la poussée radicale. Au contraire, les attaques des économistes libéraux sont contre-productives : ils nous alertent sur une crispation, voire une panique sur les marchés. Qui peut sincèrement penser, alors que les plus pauvres ne se sont toujours pas remis du choc violent de 2008, que les démunis seront soudainement plein d'empathie pour les marchés ? Sérieusement... "Pitié pour nos marchés", voilà ce que les opposants à Mélenchon répètent en boucle sans entendre le grotesque de leurs propos.

Seconde menace brandie, l'international. En la matière, la nuance passe mal à l'écran, donc on y va à fond : Mélenchon est l'ami de Poutine (dont il dénonce les politiques anti libertés actuelles et l'emprisonnement arbitraire de candidats comme Navalny) de Castro et de Chavez dont il adorerait toutes les décisions... Et surtout "il n'aime pas l'Europe". Cet argument, répété en boucle, est mon favori. Comme Hamon répondait à Gattaz à propos de l'ineptie qui consiste à "aimer l'entreprise" sans regarder de plus près si elle défiscalise, optimise, pressurise ou au contraire, forme, partage, est centrée sur un objet social vertueux. Il en va de même pour l'Union Européenne "aimer Schaüble ? Aimer l'humiliation des grecs, des espagnols, des portugais ? Aimer le dumping fiscal et social sans précédent de ces vingt dernières années sous couvert de chantage à la délocalisation en Asie ?". Bon, bah, si c'est cela, je n'ai aucun, mais alors aucun souci à me qualifier d'anti européen. Nous étions déjà 55% à dire "NON" à cette vision de l'Europe, en 2005. Et en 2008, on nous a enfumé et forcé à avaler le texte quand même. Dans ces conditions de viol démocratique répétés, aimer l'Europe relève du masochisme. Au-delà de la question continentale, les attaques sur les unions douteuses arrivent trop tard : historiquement, la France s'alignait plus volontiers sur les USA que la Russie, mais le coup du grand méchant Poutine passe modérément quand un coup d'oeil à l'ouest nous fait miroiter un fou furieux comme Donald Trump dont rien ne garantit qu'il ne se lancera pas dans une surenchère nucléaire avec la Corée du Nord... 

Reste une troisième menace, beaucoup plus souterraine, pernicieuse, sibylline. Pas moins efficace, pour autant : la menace institutionnelle. Avec toute l'amitié que j'ai pour le candidat à hologramme et si grande soit ma confiance dans le fait qu'il peut accéder à l'Elysée, il est littéralement impossible d'escompter que nous ayons une majorité de députés issus des rangs de la France Insoumise en juin prochain. Point commun avec le FN. Dans une moindre mesure, En Marche ! souffrirait également de cela. Le seul candidat qui peut assurer à 100% que son élection à la présidence sera suivie d'une majorité parlementaire est François Fillon. Et s'éviter un chaos institutionnel peut pour le coup infléchir nombre d'électeurs. Une majorité d'électeurs considèrent que "droite" et "gauche" sont des concepts dépassés, d'où l'absence d'utilisation de ces marqueurs dans la campagne de Mélenchon (qui se reconnaît comme un homme de gauche) de Le Pen (qui ne peut échapper à sa filiation à l'extrême droite) et de Macron (qui reconnaît que "c'est compliqué"). Fillon, lui, martèle qu'il incarne la droite et le centre. Il y a de quoi se pincer, mais d'un strict point de vue factuel, ça n'est pas faux. C'est lui. Or, chacun est à même de comprendre que si Macron passe, il ira peut être chercher une majorité, mais c'est pas acquis. Si Mélenchon ou le Pen l'emportent ils ne pourront en obtenir une. Alors, reste ce fameux article 16 qui permet au Président de la République, en cas de danger pour le pays, de s'asseoir sur le Parlement pour faire passer ces grandes mesures. Un autoritarisme en phase avec les aspirations d'un électorat d'extrême droite, avide de renverser la table. Mais à gauche ? Le surmoi léniniste assumant le besoin d'un chef unique guidant le peuple n'est pas si fort. Et c'est heureux. Le surmoi libertaire détournera sans doute des urnes nombre d'électeurs en dernière minute. Benoît Hamon offre de ce point de vue un ralliement programmatiquement acceptable. Personnellement, cela ne changera rien à mon vote. Je doute qu'un ex ministre et sénateur socialiste soit soudainement pris de vélléités autoritaristes. Sans passé militaire, sans lien avec les milices armés, Mélenchon est un pacifiste. Amnesty International montre bien que des 11 candidats à la présidentielle il est même celui qui garantirait le plus les libertés publiques. Il faut alors imaginer un long grognement de bête blessée d'un homme porté au pouvoir par la volonté du peuple et bloqué dans son entreprise de transformation par une autre volonté populaire, fragmenté en 577 choix. Allez donc comprendre nos institutions. Plus que huit jours...