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15/08/2017

Les coiffeurs Afro de Château d'Eau ne prennent pas de vacances

De retour à Paris après quinze jours d'absence, je retrouve mon quartier entièrement déserté. Entièrement ? Pas tout à fait. Quelques coiffeurs afro résistent encore et toujours à l'impériale gentrification du quartier... Lequel, fors cet îlot, ce cesse jamais de devenir une caricature de lui même. En quinze jours à peine, j'ai pu constater au moins trois nouvelles ouvertures ; une boutique "d'asian food" (vive le globish : pourquoi continuer à servir des planches quand on peut s'offrir du "snacking"?), une nouvelle pâtisserie sans gluten (fallait-il vraiment préciser ?) et encore un bar à salades, qui jouxte un bar à porridge, lui même non loin d'un bar à smoothies... Tous ces commerces, comme tous les bars à cocktails qui ont récemment poussé dans le coin, sont fermés. Les propriétaires alignent leur rythme d'ouverture sur celui des riverains. 

Les coiffeurs de Château d'Eau n'ont pas cette latitude. Qu'il pleuve ou qu'il neige (ce qui finira par arriver à Paris en août, au rythme dérégulé où vont les choses), ils sont là, battant le pavé dans l'attente de clientes. On en vient à croire qu'ils sont physiquement là pour s'opposer à l'arrivée de financiers désireux de transformer leurs échoppes en distillerie ou en sandwicherie spécialisée dans les rutabagas... Tels les gardes de la Nuit de Games of Throne, ils veillent pour nous protéger tous de l'hiver progressiste. 

Au-delà des coiffeurs, force est de constater que je n'ai pas eu beaucoup d'interactions avec des commerçants blancs, depuis mon retour. Fils de marxistes, je suis d'un naturel color blind et pense systématiquement le monde en termes de classes sociales plutôt que de couleur de peau, mais là force est de reconnaître que c'est quasi du 100% : du chauffeur de taxi qui m'a ramené sur Paris aux caissiers de Monoprix, aux serveurs des cafés où je suis passé, pas un blanc. En ce 15 août, tout est fermé, fors les coiffeurs afro, les salons de massages chinois et les épiceries arabes du coin. Tous commerces vides hormis les proches des commerçants qui passent. Dimanche, le seul endroit animé du quartier était le café du centre culturel de la communauté hindoue et mauritienne où quelques dizaines de migrants récents s'étaient donné rendez-vous. Vertigineux contraste chromatique.

Alors, bien sûr, les non blancs ne sont pas les seuls à ne pas partir en vacances. 40% des français n'ont pas la chance de bénéficier de congés payés, faute de ressources. Dans le lot, il y a évidemment des millions de blancs précaires. Mais à la différence des français de première ou deuxième génération, ceux qui sont dans le pays depuis plus longtemps ont bien souvent (pas toujours, je suis au courant) de la famille pouvant les accueillir dans une maison, à la campagne, près de la mer ou dans les montagnes. Pas forcément des vacances fastueuses, mais s'aérer et se changer les idées (je suis à deux doigts de reproduire les paroles des "vacances au bord de la mer" de Michel Jonasz et puis non). Les conséquences psychologiques de l'absence de vacances se font sentir dans les couples, dans les rapports au travail et voilà donc encore une inégalité de plus qui pèsera en septembre. Il semble à Aznavour que la misère est moins pénible au soleil, il me semble qu'elle est plus pénible et surtout plus inacceptable quand elle se niche dans un îlot de prospérité comme Paris.