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04/09/2017

Stakhanov au pays des médias

Les grands fauves des affaires et de la politique ne sont pas les seuls à soumettre leurs corps à rude épreuve par amour du travail bien fait. Dans les médias aussi, le culte de Stakhanov fait des émules. Bizzarement, plus ils apparaissent, plus on les porte au pinacle. A la rentrée, l'un deux bat des records : 5h d'antenne par jour, de direct. En cette rentrée Yves Calvi sera à l'antenne 5h par jour. 3 sur RTL le matin, 2 sur CNews le soir. 5h pendant lesquelles il évoquera forcément des rapports, des livres, des films, des récits produits, crées ou vécus par ses invités et dont il ne saura rien d'autre que les quelques lignes de fiche rédigées par ses équipes. Passer du terrorisme aux ordonnances sur le travail, de la rentrée des classes à l'ouragan Harvey en passant par le foot et le météo. Toujours un bon mot, toujours une anecdote, Calvi pilote ses émissions à l'aveugle. Il est en pilote automatique. Et pour cause... Il ne connaît qu'une route idéologique qu'il pourrait emprunter les yeux fermés s'il n'y avait les caméras.

Ces reliquats du monde d'avant, ces passionnés de la "performance" dopée flinguent tout. Eux-mêmes bien sûr, mais c'est leur choix, mais aussi leur entourage et parfois plus. Cet été, un reportage accablant dans le Monde avait montré que les pénuries d'effectifs dans les cabinets ministériels menait au burn out généralisé, aux gaffes sur gaffes. Jupiter dormant 3h, tout le monde est prié de s'aligner. Dommage pour Jupiter qui perd 20 points en trois mois, appuyés qu'il est par une administration qui n'y voit plus assez clair pour déminer cette stupide décision sur les APL. Plutôt que de se remettre en cause, il en remet une louche. Y a des analystes pour ça, mais Macron quand il entend analyste, répond "financier". Pathologique...

Dans l'entreprise, le triomphe de l'entreprise libérée et autonome n'est pas pour demain. Des amis m'ont ainsi rapporté qu'un très grand patron, fier comme un paon d'une recrue arrivant pour le seconder voulait organiser la présentation aux équipes hier à 8h30. Il s'est heureusement trouvé quelque lucide conseiller pour déciller le roi patron : à cette heure là, l'écrasante majorité de vos salariés mènent leurs enfants à l'école, majesté, c'est le premier jour de classe, quoi. Dé-co-nnec-tés. Salariés en souffrance, en partance ou en méfiance permanente pour les plus téméraires, ce type management mille fois dénoncé n'a sans doute pas encore fait assez de dégâts pour que les obstinés entendent...

Dans les médias, le mal sur les collaborateurs est moins évident. Ils vivent leurs vies dans leurs rédactions respectives et ne subissent les foudres du cumulard que la moitié, voire le tiers du temps... Au moins ont-ils pour eux la satisfaction du travail bien fait. seuls les plus narcissiques pleurent l'absence de leur bouille à l'antenne, mais au fond, ils savent bien qu'ils font bien plus tourner la roue de l'actualité que le ventriloque amélioré qu'est le présentateur. Problème, ce dernier détient également le privilège exorbitant de l'horloge. C'est lui qui dicte quand et comment on passe tel ou tel sujet et quels invités en plateau. Le vrai drame de ces émissions qu'on ne veut plus voir est le rapport au temps dont les producteurs disposent pour les préparer.

Pris par l'urgence vous avez des réflexes grégaires. Education ? Polony. Sécurité ? Bauer. Economie ? Cohen (Daniel ou Elie selon le niveau de libéralisme envisagé). Laïcité ? Fourest... Tout le monde est perdant, fors les animateurs. Les médias sont de moins crédibles, de moins en moins appréciés par le public selon les baromètres annuels qui se suivent et se ressemblent tristement. Les "experts" en prennent pour leur grade aussi. Dans la vague dégagiste qui s'est levée chaque année Christophe Barbier a vu son écharpe rouge trempée... Imperturbable, Calvi et consorts semblent épargnés par ce naufrage d'estime dont ils sont en partie responsable à cause du conformisme et de l'uniformité qu'ils mettent à l'antenne. Au fond, ça n'est pas si surprenant que les moins affectés par une forte vague soient des plantes vertes...