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15/10/2017

Il faut voir comme on nous parle, des fonctionnaires.

« Les fonctionnaires sont-ils des privilégiés ? » « Les fonctionnaires coûtent-ils trop chers ? » « Les fonctionnaires sont-ils trop nombreux ? », avec une telle façon de poser le débat sur le rôle de la puissance publique, il ne faut pas s’étonner de la désillusion grandissante. Comment peut-on s’attendre à avoir des réponses autres que celles induites par des questionnements étriqués, comptables et déshumanisés ?   

La macronie naissante aux affaires suit ces mêmes questionnements et il ne faut pas être surpris de constater que le pouvoir actuel trouve en effet que les agents publics sont trop nombreux, trop privilégiés et coûtent trop cher. Ça tombe bien, car avant tout examen de ce dont ce pays a besoin, le candidat Macron s’était fixé un cap : réduire de 120 000 unités les effectifs de la fonction publique. Non content de transgresser tel Margaret Thatcher, le chef de l’Etat reprend une antienne qui lui tient à cœur depuis 2015 « le statut de fonctionnaire n’est pas adapté au monde tel qu’il va et ne permet plus de répondre à ces missions ». Devenu Président, il a effectivement montré avec les ordonnances sur la loi travail son ambition de précariser le contrat de travail et rêve d’adapter ses CDI de chantier, ses CDI à durée déterminée, à la fonction publique. La stratégie est implacable : vous diminuez les protections, pressurisez autant que possible les salariés du privé, faites planer des menaces sur les retraites par répartition, et ensuite, vous inverser les termes du débat en demandant comment les fonctionnaires n’osent pas s’aligner sur ce dumping social. Stratégie grossière, mais payante puisqu’effectivement, dès que vous ouvrez un micro, on vous donne à entendre nombre de français se plaignant qu’eux n’ayant pas d’assurance, ils ne voient pas pourquoi les autres en auraient… C’est un peu l’éternel problème de ceux qui ont été bizuté et qui bizutent derrière, ceux qui ont été harcelé qui se montrent harcelant… un cercle vicieux classique ou les martyrisés accusent les autres d’être privilégiés au lieu de se retourner contre leurs bourreaux.

Sur le « trop payé », une étude d’Alternatives Economiques fondée sur des données de l’INSEE et de la DARES montre qu’entre 2000 et fin 2016, les agents de la fonction publique ont perdu 9,2% de leur pouvoir d’achat quand les salariés du privé enregistraient une hausse de 16,8% du leur. Evacuons donc cela poliment.  

Sur le « trop nombreux », je connais peu d’usagers de services publics se plaignant de la rapidité avec laquelle ils sont accueillis aux urgences hospitalières, qui trouvent qu’il y a trop de policiers dans la rue, que les enfants sont trop peu nombreux dans la salle de classe, ceci pour contenter des professeurs désoeuvrés. A vrai dire, je n’en connais même aucun. Et cela ne fera qu’empirer, à cause du problème numéro un soulevé : à force de payer insuffisamment les fonctionnaires, de faire peser davantage de précarité sur leurs perspectives d’évolutions, l’attractivité des métiers décline et il devient plus dur de recruter, notamment des profs et des soignants dans un nombre croissant de zones (là encore, jetons un voile pudique sur le plan d’Edouard Philippe pour lutter contre les déserts médicaux en insistant sur la télémédecine dans des zones qui ne sont même pas équipées en haut débit…).

 

On dit souvent que le pouvoir politique tient à la maîtrise de l’agenda, le fameux « maître des horloges ». Un grand nombre de maux dont nous souffrons aujourd’hui tiennent surtout à l’approche par laquelle nous nous emparons des sujets. D’où l’importance cruciale de réécrire nous même le récit pour ne plus le subir.