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11/10/2017

Désintermédiation et irresponsabilité

"Désolé Vincent, je ne peux te donner de date pour ton paiement, ça passe par la Pologne et je n'ai pas la maîtrise de leur agenda". Voilà comment une cliente, appartenant à un (très) grand groupe m'a écrit pour s'excuser des délais interminables de règlement de leur part. Comble de l'ironie, la même semaine, j'ai animé un débat pour un  tout petit groupement régional d'acteurs engagés dans l'insertion de publics éloignés de l'emploi et suis reparti le soir même avec une enveloppe (avec un chèque, hein, les bonnes manières de Balkany sont si peu partagées en ce bas monde...). Deux visions du monde, deux conceptions de l'économie, deux conceptions de la responsabilité, aussi.

Outre qu'elle est écologiquement suicidaire (ce qui devrait déjà clore toute ode à la globalisation des échanges), l'économie désintermédiée est inhumaine, littéralement. On parle beaucoup des dangers de la robotique, mais nous nous infligeons volontairement un système déshumanisé au sens où l'on ne connaît pas les personnes avec qui l'on collabore. Quand on commence à ne plus vous donner de numéro de téléphone pour joindre un service client, quand on vous enjoint à déposer votre plainte chez "contact@..." ça risque de grincer. 

Récemment, un ami s'est fait pirater son compte Uber. Vous me direz, et vous aurez raison, qu'il n'avait qu'à pas utiliser ce service qui resquille le fisc et précarise ceux qui travaillent par l'intermédiaire de son service. D'accord, mais je n'avais pas le coeur de lui dire alors qu'il regardait sur son téléphone des courses se déclencher dans des destinations exotiques qui le faisait rêver autant que les montants débités de son compte le faisait enrager. Impossible de joindre un conseiller, impossible de faire aboutir sa plainte jusqu'à ce qu'il trouve le contact du directeur de la communication et pourrisse sa boîte mail. Là, comme par magie, son compte bancaire était renfloué et son application restaurée.

Encore plus récemment, une grève aérienne m'a obligé à repousser mon séjour de 24h à l'étranger. Impossible de joindre un conseiller en France, impossible d'expliquer ce que la mésaventure entraînait, professionnellement. On ne parle pas d'un cyclone faisant des millions de victimes, nous étions moins de 200 dans ce vol. 200, pour une compagnie de cette taille, c'est un détail... qu'elle refuse de traiter directement. Etant relativement opiniâtre comme garçon, j'ai moi aussi pourri les serveurs mails, trouvé les contacts des directeurs de clientèle et me suis fait rembourser copieusement. Mais que d'énergie dilapidée, quelle amertume, quelle type de relations déplorables. 

Les mêmes avanies arrivent dans plus en plus d'entreprises et de services que l'on louent tant que ça se passe bien, mais qui montrent leurs limites et leur inhumanité dès que l'accident survient (salut à toi, Airbnb). Pour les services, c'est déjà dramatique, mais pour l'alimentation, c'est criminel. Comment arrive-t-on à avoir du cheval dans les lasagnes de boeuf, du Fipronil dans les oeufs, des pesticides dans les salades et ainsi de suite ad nauseam ? Actuellement ont lieu les états généraux de l'alimentation, voilà un chantier majeur. J'entends ce matin qu'Hulot veut taxer les terres libres pour les promoteurs et inciter les agriculteurs à les reprendre. Nous ne pouvons nous offrir le luxe de cinq ans de patience, cinq ans de jachère politique. S'il y parvient, il mettra l'aiguillon dans le bon sens : celui de la responsabilité. Il y a deux ans, le maire de Mouans Sartoux (10 000 habitants) a refusé de vendre ses terres aux promoteurs de villa pour les transformer en terres agricoles. Résultat ? 1 200 repas par jour à la crèche et l'école primaire de la ville, servis à 80% grâce à la production de ces terres, où l'on produit une agriculture bio. La responsabilité est une question de volonté, la base fait parfois son travail, espérons que cela fasse trickle up.