Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/02/2018

Merci Aurore Bergé !

Rapporteure d'une mission parlementaire sur les relations entre écoles et parents d'élèves, Aurore Bergé a martelé le fond de la pensée lors de sa tournée médiatique : les profs sont déconnectés de la réalité, c'est pour cela que l'école peine autant. En lisant cela, j'avais vraiment envie de remercier la députée, que j'ai eu l'heur de rencontrer à quelques reprises, pour donner ainsi la plus belle illustration de ce qu'est le macronisme : un populisme d'en haut.

Le populisme apporte de mauvaises réponses à de bonnes questions, pour reprendre la formule de Laurent Fabius à l'encontre de Jean-Marie le Pen. En l'espèce, Bergé nous explique que les profs n'habitent pas à proximité des écoles où ils enseignent, comprenez par là, des écoles défavorisées. Rien de neuf, hélas. Dans "autoportrait du professeur en territoire difficile" le romancier et professeur Aymeric Patricot avait magnifiquement exprimé ce décalage face à sa première classe, en zone prioritaire. Il était même allé plus loin, en évoquant sa stupeur à constater que les profs étaient quasiment les seuls blancs de l'établissement. Là où Bergé tacle la "déconnexion" des profs, comprenez par là des bobos déconnectés de la réalité difficile, il faut évidemment lire l'inverse. Le procès en privilège professoral ne résiste pas deux secondes à l'analyse chiffrée : il n'y a pas de profession aussi mal payée en France, par rapport à leur niveau d'études. Du scandaleux niveau de rémunération de nos professeur(e)s des écoles à l'indigent salaire des profs du supérieur, on trouve un second degré un tout petit moins mis à mal, mais loin des bons élèves de l'OCDE, tout de même. Trouvez moi des profs qui peuvent facilement se loger sans recours au parc social, dans Paris et grandes villes ? Soyons sérieux... Si c'est le cas c'est qu'ils/elles sont héritier(e)s ou avec un(e) conjoint(e) extrêmement bien payée... Je tiens les fiches de paye de nombreux amis profs à dispo et j'engage Aurore à se substituer à Stéphane Plaza et à trouver un bel appartement dans des quartiers gentrifiés. Et surtout bonne chance... Je jetterai un voile pudique sur l'argument du "temps de travail" avant de m'énerver à un niveau que désavouerai mon cardiologue... 

Bergé ne comprend pas que le problème est inverse : ce sont dans les établissements que les élèves "décrochent" de la réalité, mais par le bas et malgré eux. Patricot montrait bien la difficulté pour des profs, ex bons élèves, à enseigner à des élèves en difficulté et leur montrer toute la joie qu'il y a à s'insérer par l'école, s'ouvrir des possibles. Justement parce que le prof a perdu du prestige social, il est complexe de s'adresser aux jeunes en proie à des difficultés sociales qui voient des modèles de réussite plus rémunérateurs. Le problème c'est qu'on manque de profs, qu'on a trop taillé dans les TZR (titulaires sur zone de remplacement) ces profs prêts à relayer les absences de leurs collègues. A tout manager comme une boîte, on a appliqué un ratio de remplaçants beaucoup trop faibles. Mais l'absence pendant un mois d'un prof de français est autrement plus préjudiciable que l'absence d'un marketeux ou d'un contrôleur de gestion... Des associations de parents en Seine Saint-Denis ont porté plainte contre l'Etat pour discriminations car leurs enfants ont en moyenne trois mois de cours en moins que les élèves de Paris intra muros. Comment, dans des conditions de travail aussi dures et inégales, ose-t-on charger les profs à qui on devrait, d'office, donner la médaille du mérite ?

Comble du populisme d'en haut, Bergé propose aux professeurs de renouer avec les parents en leur proposant d'amener "un plat de chez eux" pour les valoriser. Y a bon Banania, amène donc ton Mafé poulet ou tes boulettes, qu'on puisse dire qu'on a une France ouverte (la même Bergé est un soutien indéfectible de Gérard Collomb...) et n'oublie pas de voter LREM à la prochaine comme une dinde vote pour le doublement de Thanksgiving. Disant cela, la députée suppute insidieusement que le prof est un amateur de steak tartare ou de quinoa et qui ne voudrait pas aller au devant de cultures différentes. Si ça n'était aussi grave, aussi important, on en rirait.