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19/02/2018

Lettre à mon ami qui fut la droite

Depuis maintenant cinq ans, j'ai la joie et même le privilège de donner mon cours de rhétorique politique à deux voix. Et quelle voix à mes côtés ! Mon ami de droite. Ex assistant parlementaire, ex membre de cabinet ministériel UMP, aux manettes dans des commissions, conseiller de personnalités politiques, mon ami de droite respire la politique. Une droite érudite et consciente d'elle même. Non pas ataviquement acquise à la haine des impôts ou des fonctionnaires, pas réfractaire au service public par essence, pas uniquement une droite en défense. Non, mon ami croit réellement aux vertus de l'individu et fait la moue devant Bourdieu, il croit en l'égalité des chances plus qu'en l'égalité, aux vertus de la méritocratie, à la liberté individuelle économique, à la concurrence libre et non faussée et autres vertus du marché... Conséquent en diable, il n'a aucune opposition au flux de populations et à la liberté de moeurs tant qu'elle n'est pas ostentatoire. La droite, quoi. Je n'étais d'accord avec lui sur quasiment rien, mais je n'aimais rien qu'être en désaccord avec lui sur quasiment tout. 

Cet ami me quitte. Comme dans toutes les ruptures, celui qui est quitté tente de retenir, mais je ne pouvais rien faire eu égard aux motifs à l'origine de son départ. Mon ami refuse de continuer à incarner la droite, rôle dans lequel il ne s'estime plus légitime. Après avoir regimbé, je suis bien obligé de constater qu'il n'a pas tort. Macron a eu l'immense mérite de clarifier la situation : baisse de l'impôt sur les plus fortunés, baisse du nombre de fonctionnaires et attaques contre eux (salaires, statut, SNCF...) baisse des droits du travail et sur le front régalien, Gérard Collomb se félicitait récemment sur France Inter de ce que l'année 2017 a été marqué par un record d'expulsions de migrants ; +29%. N'en jetez plus : tous les électeurs de gauche ayant choisi Macron et ne regrettant pas leur choix sont bien de droite. Tous les électeurs de droite ayant dédaigné Macron et continuant à ne pas vouloir en faire leur champion sont inquiétants...

Un programme d'inspiration économique thatchérienne, avec un conservateur à l'éducation et un tenant de la ligne dure en matière sécuritaire, tout cela ne suffit pas ? D'un point de vue classique, de Friedman à Hayek, toute la pensée de droite peut pleurer de joie avec le nouveau président. Mais ces classiques ont été battus en brèche par Huntington et son choc des civilisations qui fait des émules un peu partout. A gauche, et c'est heureux, les amateurs d'Huntington comme Valls ou Bouvet sont ridiculisés. Leur défense jusque boutiste d'une "laïcité républicaine intégrale" n'a rien d'intégrale et masque mal une islamophobie pathologique, névrotique qui irrite profondément un électorat de gauche en attente d'un discours sur égalité et discriminations. Problème, le même discours à droite trouve des échos très favorables. On y a l'islamophobie décomplexée. Il suffit de regarder les meilleures ventes en librairie ou en presse. La bataille identitaire, la chimérique castagne gauloise, on adore et tout est prétexte à réinventer des rixes. Comme me disait mon ami : "La jeune droite ne veut plus parler code du travail. Elle veut parler de Mennel pour dire que c'est un scandale qu'une femme voilée apparaisse à la télévision. Je ne serais pas l'avocat de cette droite là ". Alors, rassures-toi mon ami, ça n'est pas toi qui n'est plus de droite, c'est la droite qui se perd. Une page se tourne et je n'ai que modérément envie de lire le chapitre suivant...