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02/04/2018

Train or cigarettes, choisir son combat face à Bruxelles

La semaine dernière, le très droitier dirigeant autrichien Sebastian Kurz a annoncé la fin de l'interdiction de fumer dans les cafés et restaurants pour son pays. Un superbe bras d'honneur à l'Union Européenne. La version viennoise du pompidolien "cessez d'emmerder les français". Une éructation facile sur les petits tracas du quotidien. Cette décision d'apparence anodine est très intéressante, symboliquement ; elle démontre très bien les limites des menaces européennes. Car que va t'il se passer comme sanctions contre Vienne ? Rien. Qui peut imaginer une seconde des remontrances contre un bon élève de la classe ? Soyons sérieux, si Athènes se permettait cela, on causerait, mais là, pas de souci. Il en irait de même pour les 3% ou les 60% de dette publique, mais Kurz n'a pas de souci avec ces injonctions là. Lui, ce qu'il veut, c'est s'acheter du volontarisme au petit pied, donner des coups de menton symbolique. Il dit à ses administrés "vous avez vu, les emmerdements technocratiques, c'est fini".

Et effectivement, les pluies de sauterelles et autres torrents de boue n'arriveront pas. Comme le chaos n'est pas venu avec le Brexit... Les menaces aveugles n'engagent que ceux qui les croient aveuglément. Il s'agit de tigres de papier devant lesquels nous reculons. Kurz les a défié avec succès sur une cause mineure et minable. Le courage serait de faire la même chose sur le service public ferroviaire. On nous dit que la mise en concurrence des lignes est inéluctable car cela a été voté en 2015 et il faut avancer un calendrier. Sinon quoi ? Des hordes de fonctionnaires continentaux vont venir organiser le débrayage ? Jean-Claude Juncker va convoquer Guillaume Pépy. Ca n'est guère sérieux...

Prenons deux exemples dans le milieu culturel. Le prix unique du livre, qui empêche Amazon, la FNAC et autres de vendre des livres avec des prix inférieurs à celui des petites librairies indépendantes. Une hérésie pour Bruxelles, car c'est une entrave à la libre concurrence. Régulièrement, la Commission a tenté de revenir sur cette exception. Sans succès. Au final, la France a de très loin le plus gros maillage de librairies d'Europe quand elles ferment partout ailleurs. Merci qui de s'opposer aux injonctions ineptes ?

Deuxième exemple : l'intermittence. Depuis les années 90, on ne compte plus le nombre de fois où l'Europe a adressé des menaces très explicites contre "ce chômage maquillé". Tous les gouvernements successifs se sont opposés à ce chiffon rouge car tous les élus locaux faisaient savoir que, sans l'intermittence, pas de festivals locaux, pas de ce fourmillement de créations qui elles pour le coup, font vraiment ruisseler une vie économique locale. Résidences, festivals, rencontres et concerts, sont autant d'occasions de ramener sur des territoires parfois délaissés par des entreprises des cafés, des restaurants, des hôtels, même le plus obtus des libéraux peut comprendre cela...

Pour la mise en concurrence de la SNCF, c'est la même histoire. Les menaces continentales ne tiennent pas. La SNCF fut fondée en 1937 parce que toutes les compagnies privées (au premier rang desquelles la Banque Rothschild) avaient fait faillite... Le ferroviaire nécessite des investissement lourds qui le rende soit minimal, soit structurellement déficitaire. C'est ainsi qu'aux US, la ligne NYC/Boston fonctionne très bien (forcément, comme pour Paris/Lyon, même un dirigeant de club de foot n'arriverait pas à perdre d'argent là dessus) et le reste ne s'est jamais développé. C'est un choix de société que le service public de la mobilité. Un choix de société n'a pas à être rentable. La sécurité sociale n'est pas rentable, l'éducation nationale non plus : essayez la mortalité pour tous et l'ignorance, connards... Ne pas être titulaire de son permis vous enlève 50% de chances de trouver un emploi, signe que la mobilité est primordiale dans une économie où les emplois de proximité sont de plus en plus rares. Alors veut-on une mobilité pour tous, peu chère, universelle et peu polluante ou cette horreur individualiste, ultra polluante et chère qu'est la bagnole ? C'est un choix de société qui me paraît aussi emballant que de pouvoir fumer aux terrasses de cafés... Nous valons mieux que ça.