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12/04/2018

Refus de débattre ?

Le magazine culturel progressiste The Atlantic a tenté un pari : recruter un chroniqueur conservateur, Kevin Williamson, pour mieux refléter ce que vivent les Etats-Unis de Donald Trump. Après quelques semaines de courriers d'insultes, la direction de la rédaction a pris la seule mesure qui s'imposait pour ne pas fâcher son lectorat : licencier leur plume au motif que "les mauvaises idées ne méritent pas d'être débattues". Au-delà du cas anecdotique, on peut y lire une crispation actuelle sur l'idée de ne pas vouloir débattre.

Puisque Zuckerberg a passé un grand oral plus crispé que celui de Sciences Po, une petite pensée pour les réseaux sociaux qui ont sans doute joué un rôle dans la montée en chaleur du débat public. On a beaucoup glosé pendant l'audition au Sénat sur les "bulles de filtres". Incontestablement, notre prisme quotidien s'est rétréci, nos biais de confirmations nous poussant à recevoir des informations qui nous plaisent. Nul doute que mon fil Facebook sera très majoritairement railleur et taquin à propos de l'intervention de Macron chez Jean-Pierre Poujade sur TF1. A contrario, mes quelques contacts élus En Marche verront sans doute affluer les messages d'auto célébration, se flattant de ce que le Président aura remis les zadistes, les étudiants et les grévistes à leur place...

Personnellement, je me fais une règle d'or de ne pas virer, cacher, bloquer des contacts aux opinions plus que discrépantes, hormis quelques exceptions injurieuses. J'ai un bon ami Manif Pour Tous qui, inévitablement, tacle toutes mes publications ayant trait à la laïcité. Et quelques autres. Mais même avec toute bonne volonté, on n'est loin d'un fil reflétant la diversité des opinions. Dominique Cardon explique dans "à quoi rêve les algorithmes" qu'il faut faire l'effort de s'abonner à des publications différentes, des influenceurs, commentateurs pensant différemment de soi. Je me souviens d'un professeur de culture générale m'incitant à exercer ma "plasticité cérébrale", ce que je fis en lisant Bourdieu et Hayek, Piketty et Friedman... Après, je ne m'inflige pas non plus les oeuvres complètes de Raymond Aron, mais j'essaye de m'ouvrir. Tout le monde ne fera pas cet effort, c'est évident.

Dès lors, la situation passe par les médias eux mêmes qui doivent s'ouvrir davantage comme tentait de le faire naguère Frédéric Tadei dont l'émission a été, hélas, arrêté. Il ouvrait ses débats à des vues éminement contradictoires et c'était le propre d'un débat sain. Après tout, sur France Culture, Brice Couturier ou Arnaud Leparmentier au Monde apporte des vues divergentes de la ligne globale et c'est salutaire. On ne peut refermer sa ligne au point de ne prêcher qu'à des convaincus. Ayant un ami travaillant au Média, l'organe de la France Insoumise par complètement attaché à la France Insoumise mais pas réellement extérieur non plus... Aude Lancelin présentait une invitée en ces termes "vous enseignez le management. C'est courageux de venir ici car nous savons que le management est l'autre nom du néo libéralisme et conduit à des drames humain"... Engageant pour le reste de l'émission... 

Hier, je dînais avec un penseur américain de passage à Paris qui me disait que NPR, le France Culture américain, était devenu inécoutable car ils passent leur temps à critiquer au napalm sans chercher à comprendre. On ne peut être tombés unanimement sur Manuel Valls qui refusait de chercher à expliquer les motivations des terroristes et dans le même temps, comme The Atlantic, refuser de débattre des idées du trumpisme. Je ne saurais donner de l'argent à Valeurs Actuelles en m'abonnant, mais je crois que je vais faire l'effort d'aller lire davantage ce que dit Laurent Wauquiez, pour me préparer à de futurs débats...