Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/10/2018

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô camarade Insoumis...

Quel malheur. Jamais il n'a été aussi légitime d'être de gauche face à l'explosion des inégalités, les attaques contre les services publics et les Communs écologiques. C'est pourtant le moment choisi par l'historique gauche radicale pour tourner le dos à son camp et répondre aux sirènes électoralement plus prometteuses du populisme. Au moment où nous devrions plus que jamais nous unir pour faire triompher un programme écologique et social radical, la formation majoritaire tourne le dos au pluralisme démocratique pour emprunter à la dialectique du "eux" contre "nous". A l'heure où la transparence n'est pas une option, mais une nécessité, certains se recroquevillent et répondent aux critiques par des théories alternatives opaques. Quand les contre-pouvoirs sont malmenés par Macron, les Insoumis les enfoncent ; sus aux juges politisés ! Quand les journalistes se plaignent de ne plus pouvoir enquêter librement, les Insoumis les asphyxient en parlant de "radio d'État". A l'heure où nous devrions nous présenter unis pour donner un grand coup de barre à gauche et exiger l'Europe sociale, nous allons nous présenter disséminés et prendre une déculottée mémorable, laissant toute la représentation continentale aux identitaires et aux dévots du libre échange. Merci.   

Camarade insoumis. Je t'appelle camarade et je te tutoie car nous avons la même histoire, les mêmes codes, les mêmes références et surtout le même idéal. Nous avons voté pour le même candidat. Ta colère contre le pouvoir en place, je la comprends et je la partage, mais ta colère paranoïaque contre tout ceux qui ne sont  pas avec toi, je la déplore et elle me navre. Tu te trompes de colère et tu en oublies l'essentiel : la démocratie et le pluralisme. 

Si jamais tu as fait l'effort de lire ces trois paragraphes, je sais que tu es énervé et que tu te dis que j'écris en "social-traître" en "sous-marin hamoniste" ou encore en "apeuré par l'avènement de la vraie gauche". Toutes fariboles et conneries. Je n'ai jamais voté socialiste au premier tour. Jamais. J'ai toujours voulu faire basculer le rapport de force dans une gauche radicale, mais démocrate. C'est quand la balance penche de notre côté que les changements adviennent. Tu peux critiquer 1983, mais les réformes majeures de 81 servent encore aujourd'hui et elles ont été imposé par la démocratie. Idem pour les conquêtes du Front Populaire. Même s'il fut balayé par le mur de l'argent, les congés payés et d'autres avancées majeures restent. Le propre de la gauche n'est pas de régner, mais de changer la vie. La prochaine fois qu'elle reviendra au pouvoir, elle ne devra pas changer seulement la vie des hommes et des femmes, mais aussi changer le système de production pour sauvegarder la présence humaine sur la planète. Tu conviendras que c'est un sacré challenge. Mais penser que confisquer le pouvoir contre tous, contre les vipères lubriques libérales, les médias stipendiés, la justice aux ordres, les opposants, accélérera les choses, tu te trompes. Car la colère, même mu par un élan social, ne s'arrête jamais. Il reste toujours des ennemis du peuple, du vrai peuple. On commence par Bolloré et Pouyanné, les patrons de banque et Christophe Barbier. Ca défoule, mais ça ne s'arrête plus. Et jusqu'ou ? Jusqu'à Clémentine Autain qui est dans tes rangs et qui désapprouve la ligne du parti sur les migrants ? C'est sans fin... 

Camarade insoumis, je partage ta colère contre les progressistes. Je me souviens d'Obama disant à ses compatriotes en surpoids de manger de la roquette de Whole Foods à 5$... Il aurait pu multiplier par 300% les taxes sur la junk food et encourager le bio en démultipliant les aides. Il aurait pu. Il a préféré faire la leçon aux pauvres. C'est Macron et le "costard pour bosser" ou son "traverser la rue" ad nauseam... C'est Renzi qui parlaient des "dinosaures qui ne comprenaient rien à la modernité". Tous progressistes renversés par des identitaires. Evidemment, c'est tentant de vouloir les renverser avec le bien. Pensez, une "dictature éclairée" par le peuple. 

Alors évidemment, il n'y a pas de dictature dans le programme "l'avenir en commun", au contraire, il y a une Constituante pour un 6ème République. Mais quand on aime la République au point d'en vouloir une nouvelle, on accepte ses règles. On accepte les juges qui ont détruit la candidature de celui qui serait président, sinon, François Fillon. On accepte les enquêtes, les critiques. On répond aux questions sans renvoyer de contre feux. Bien sûr Mélenchon a été plus rudoyé que Benalla par les juges. Oui, les comptes de LFI ont été plus disséqués avec zèle que ceux d'En Marche ! Ca n'exempte pas LFI, ni Mélenchon...  

Camarade Insoumis, partout dans le monde, la démocratie déçoit car elle est trop faible. Face à un capitalisme financier à la fois écocidaire et kleptocrate, incapable de cesser de détruire la planète et de réguler les inégalités, la démocratie est plus que ballotée en ce moment. Mais tu te trompes si tu crois que le populisme triomphera des marchés. Trump, Bolsonaro sont applaudis par lesdits marchés qui s'en accommodent très bien. Les populismes sociaux n'apportent pas grand chose en termes de progrès sociaux et économiques. Correa en Equateur fut l'un des rares contre-exemples auquel je peux penser, mais tu ne le mets pas en avant. Quand on te parle du Venezuela, tu te cabres et tu rugis. Je te le concède, on parle beaucoup trop du Venezuela par rapport à son poids dans le monde. Trop par rapport à l'atroce Arabie Saoudite, à la Chine anti droits de l'homme, à l'Ethiopie, trop par rapport à la Pologne et la Hongrie à qui nous, européens, n'avons pas du dire stop. D'accord. Mais pour que le tumulte cesse autour du Venezuela, il suffirait que Mélenchon prononce une évidence "oui, Maduro est un dictateur à cause de qui des millions de personnes ont faim, ne peuvent se soigner, et fuient le pays". Point. Il ne peut pas. Et cette impossibilité entraîne mon incapacité à le soutenir. Et je ne suis pas seul, nous sommes des millions à être terrifiés par cette incapacité à reconnaître la supériorité de la démocratie sur le reste.

Ô rage partagée, Ô désespoir avancée, camarade Insoumis, nous partageons cela. L'avenir, s'il doit être écrit en commun, ne peut l'être sans pluralisme, sans démocratie. Etymologiquement, tu refuses toute forme d'autorité. L'heure est venue de défier celle de ton chef pour qu'on puisse causer avenir de la gauche.