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24/11/2018

Ni démocratie, ni impôt : méfiance des jeunes, responsabilité des aînés.

Deux signaux alarmants. D'abord le fait que la démocratie ne soit plus perçue comme "une valeur supérieure à préserver". Ensuite, le non consentement à l'impôt et la justification de « de s’installer à l’étranger pour payer moins d’impôts ». Sur ces deux points fondamentaux, l'un des principaux clivages est générationnel. Les moins de 35 ans ne croient pas à la supériorité ontologique de la démocratie et ne voient pas le fait de payer des impôts comme une contribution citoyenne. Des écarts gigantesques qui excluent l'euphémisation classique type "la jeunesse est radicale par essence". Pour la démocratie, quand plus des deux tiers des septuagénaires et plus la chérissent, c'est moins d'un tiers chez les moins de 35 ans. Moins spectaculaire, mais tout de même effarant, l'impôt rebute 47% de l'ensemble de la population, 59% des jeunes. 

Que devient un pays quand sa future génération active ne se reconnaît plus dans les principaux points du contrat commun ?  Un vaste bordel... En 2017, les jeunes ont voté davantage pour Mélenchon que pour le Pen, mais surtout et de très loin, ils se sont davantage abstenus. Avant d'être chemises brunes ou t-shirt rouges, lesquels rivalisent de démagogie pour récupérer leur colère, ils sont surtout gilets jaunes. Et sont surtout invisibles aux yeux des responsables politiques qui se sont succédés. Pas individuellement, bien sûr. Au contraire ! Pas un Président, un ministre, un sous-secrétaire d'État qui n'ait repris la formule de l'ineffable Jack Lang "et vous, qu'avez-vous fait pour la jeunesse ?", déclaration empreinte de morgue, car il va s'en dire que l'éminence culturelle considère qu'il fut le héraut de la jeunesse des années 80, à qui il apporta les radios libres, la Techno Parade et la fête de la musique. 

Voilà notre projet pour la jeunesse. De l'événementiel, de l'éphémère, des paillettes saupoudrées. Certains s'en saisissent et veulent croire en des lendemains qui chantent, mais de plus en plus, ils n'y croient plus. Dans une rencontre en librairie, j'ai récemment entendu le prix Goncourt Nicolas Mathieu raconter ses déboires lors d'échanges avec des lycéens "ils m'ont accueilli fraîchement. A cet âge, on ne supporte pas qu'on vous dise que l'égalité des chances est une fable". Bien sûr, ils veulent y croire, même si, sans s'en rendre compte, ils habitent un imaginaire inégalitaire au possible. Passions pour les stars pops, les sportifs, les concours de top chefs, top stars, top top top.

Nous sommes responsables de ne rien proposer au nombre croissant de ceux qui ne remporteront pas les concours. De ne plus leur proposer des socles universels solides. Parcoursup est anxiogène au possible. Les malheurs ne datent pas de cet algorithme, mais de quinze années de malthusianisme sur l'enseignement supérieur. Ils voient bien, ces jeunes, qu'ils sont plus nombreux pour moins de postes, la lutte des places est moins fédératrice que celle des classes. Ils voient bien qu'avec 3 millions de chômeurs et 6 millions de personnes qui voudraient travailler plus, contre 300 000 emplois non pourvus le compte n'y est pas et que traverser la rue ne suffira pas. Ils voient bien qu'un mètre carré en métropole entre 3 et 10 SMIC. L'indécence précède l'essence du travail. Ils voient bien que leurs aînés se sont battus pour le principe des soins et des retraites et qu'on leur demande une onéreuse mutuelle pour être soigné vraiment gratuitement et de commencer à cotiser pour une retraite complémentaire passé 30 ans.

Quatre semaines de service universel avec 3 leçons sur la laïcité et le vivre ensemble. Voilà le dessein pour la jeunesse de ce quinquennat qui a missionné le plus zélé de ses collaborateurs - Gabriel Attal- et va chercher plusieurs milliards pour y parvenir. Quatre semaines, c'est plus qu'une nuit de fête de la musique. Mais ça ne changera rien à la gueule de bois générationnelle.