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19/01/2019

Le problématique succès de Brut avec les Gilets Jaunes

Face au succès colossal du média en ligne Brut, le rival Konbini s'est mis à couvrir les manifestations des samedis en jaune. La tâche s'annonce ardue pour égaler en popularité Rémy Buisine, journaliste de Brut et demi-Dieu parmi les gilets jaunes qui l'applaudissent à chaque fois qu'ils le voient, le félicitent, disent qu'il est magique et ainsi de suite. Et ce succès avéré (celui de Brut) est un vrai problème, si on y réfléchit un peu.

La popularité de Buisine s'explique, selon les soutiens des gilets par plusieurs qualités que les autres médias n'auraient pas : "il n'est pas planqué", "il dit la vérité sans montage". Fort de cette pureté originelle, Buisine déambule dans les cortèges où tous les gilets jaunes le reconnaissent, l'encouragent, et lui crient leur amour avant même qu'il ne tende son micro. Tant mieux pour lui, mais la liberté de la presse n'est pas grandie pour autant. Au contraire.

"Il n'est pas planqué", disent-ils. Mais, à chaque manifestation, de nombreux journalistes sont insultés, bousculés, tabassés, un certain nombre doivent recourir à des services de protection, sont menacés au seul titre qu'ils appartiennent à tel ou tel titre de presse avec des raccourcis grossiers sur "les médias" ou "les grands médias". Par essence, tous ces journalistes ne sont donc évidemment pas planqués non plus, ils n'ont juste pas la chance d'être Rémy Buisine et n'ont même pas le temps de poser une question ou de filmer quoi que ce soit que leurs logos ont eu sur les manifestants l'effet d'un foulard rouge sur un taureau. 

"Il dit la vérité sans montage", avancent-ils et là on se pince. Comme si filmer en direct, sans commentaire, était l'essence du journaliste. C'est bien évidemment l'inverse. On remet les choses dans un contexte, on pèse, on soupèse on va voir le camp d'en face. Or, Buisine, semaine après semaine ne contredit jamais ses interlocuteurs. Jamais. La semaine dernière, il donnait la parole à Fly Rider, Maxime Nicolle, porte-parole complotiste qui expliquait sa présence par "le fait qu'il y a trop de zones grises dans l'affaire Benalla, dont l'impunité est sans doute liée au fait qu'il est l'amant de Macron" (sic). Buisine ne rebondit pas, il enchaîne. Il n'a pas acquiescé, certes, mais il n'a pas contredit des propos grotesques, comme ceux qui suivirent sur l'immigration. Aujourd'hui, il a donné la parole à des manifestants qui disaient à nouveau littéralement n'importe quoi comme une femme disant "moi, je me bats pour le RIC ce qui implique de sortir de l'Europe car avoir des débats dans son pays implique de quitter l'Europe, malheureusement". Des faux grossiers tout droit sortis d'un tract d'Asselineau. Parlez en aux italiens qui ont le RIC (et un gouvernement de facho) et sont toujours dans l'Europe... Des exemples comme ça, j'en entends 10 par heure. Sur des manifestants qui pestent contre "les députés qui sont à 20 000 euros par mois", et autres âneries poujadistes sur un fantasmé train de vie de l'Etat, fantasme sur les collusions entre pouvoir politique et médias, pouvoir politique et judiciaire... Toutes choses qui ne sont pas des opinions, mais des faux grossiers. Buisine les valide gentiment. Ca interpelle, pour employer une litote.

Par ailleurs, sa caméra colle aux manifestants, il ne demande jamais aux riverains, aux travailleurs du week-end, aux forces de l'ordre, aux passants pas en jaune, ce qu'ils pensent de tout cela. En termes d'objectivité, ça rappelle les films de Leni Riefenstahl sur Hitler. Je ne dis pas que c'est du mauvais ciné, mais il faut reconnaître que c'est orienté et peu hostile au führer.

Le succès de Brut dans les manifs de gilets jaunes est problématique car il ne dit pas absolument pas la vérité, mais reprend mot pour mot ce que les manifestants veulent entendre. Le succès d'audience souligne d'autant plus le fait de boucles de communication fermées ce qui, par principe, n'augure pas d'une reprise des discussions.