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24/02/2019

L'impôt pour tous : la fausse mauvaise idée.

Ha la garce, ha l'infamie, oser réclamer des malheureux qu'ils payent l'impôt sur le revenu ! Jacqueline Gourault se fait déverser des torrents de boue par des belles âmes depuis sa proposition pour sortir du grand débat. Oser augmenter les impôts de ceux qui n'ont déjà rien, elle n'a rien compris ! Une preuve supplémentaire de la déconnexion de la macronie ! D'ailleurs, voyant l'impopularité d'une telle mesure, Matignon a immédiatement répliqué que cette piste "n'était pas à 'l'étude". Dommage, tant je crois au contraire que c'est une excellente idée... Et je ne suis pas le seul à le croire, de Bayrou à Mélenchon, nombre de responsables politiques se sont prononcés en faveur d'un contrat refondé de l'impôt.

42% des français payent des impôts sur le revenu. Ca n'est pas assez. Car c'est notre impôt le plus juste, le plus équitable : contrairement à la TVA dont l'allocataire du RSA comme le milliardaire s'acquitte de façon égale, 20% sur une canette de soda et 5% sur un livre, l'impôt sur le revenu est progressif. C'est un des rares dans ce cas. Les taxes sur les cigarettes et le pétrole rapportent des fortunes à l'Etat de façon aveugle par rapport aux revenus. A contrario, en instaurant une flat tax pour les profits des entreprises, Macron augmente encore les écarts entre acteurs économiques selon la bonne vieille logique du poker : plus tu gagnes, plus tu gagnes... 

A côté de toutes ces taxes souvent injustes, restent l'impôt sur le revenu reposant sur un motif on ne peut plus louable et juste : la progressivité. Laquelle s'érode puisque tout en bas on ne paye plus et tout en haut on y échappe de plus en plus... Les défauts du système étant connus de tous, l'occasion est belle de le refondre intégralement.  

A côté d'un système d'impôts archi concentré sur les classes moyennes et notamment les classes moyennes supérieures, le discours dominant oublie de dire que la France est également championne d'Europe des niches fiscales, des crédit d'impôts et autres dispositifs incitatifs qui allègent considérablement, au final, la facture desdites classes moyennes supérieures. Avec 100 milliards annuels, les niches fiscales obèrent, entament le budget de l'Etat et le poids des services publics comme jamais. La première d'entre elles, le CICE, ne concernent pas les familles mais les entreprises et la priorité des priorités pour relancer les services publics devrait être d'achever cette hérésie qui n'a empêché aucune délocalisation (son but premier), créer aucun emploi (son but second) et servi à enrichir des actionnaires qui ne sont pas gênés pour licencier quand même (le cas emblématique de Carrefour, 800 millions de CICE en 6 ans, 4 000 licenciements, l'indécence absolue). Comme cela n'a pas l'air d'être au programme, Macron ayant même décider d'accélérer les effets de cette mesure, retournons à l'impôt sur le revenu.

Depuis 30 ans, face à des problèmes sociaux grossissants, les gouvernements successifs se sont défaussés de leurs responsabilités. Le meilleur exemple étant l'école où, classement PISA après classement PISA la France dégringole pour être une des écoles les plus inégalitaires de l'OCDE. Or, au moment où l'on s'alarmait de cela, les responsables successifs ont encouragé le recours aux devoirs à la maison (type Acadomia) les stages pendant les vacances, les prépas privées et autres dispositifs pour lesquelles de confortables niches fiscales permettent aux parents de déduire 60% du coût de la formation. Mais les parents éligibles à l'impôt sur le revenu, donc 42% d'entre eux, et pour déduire plusieurs milliers d'euros de cours, il vaut mieux même faire partie des 10% les plus fortunés. En somme on a jeté du sel sur la plaie puisqu'on permet aux plus privilégiés de se protéger plus facilement contre l'échec scolaire de leurs enfants... Pas sûr que les promoteurs de l'impôt progressif avaient pensé à ça. 

Idem pour la transition écologique. Guère compliqué d'acquérir un véhicule neuf, un chauffage vert et autres quand on est très incité par les milliers d'euros de crédit d'impôt. Pas donné à tout le monde.

Les emplois à domicile, permettant de travailler à des horaires étendus et à la carte, idem. Chaque fois, pour que les classes moyennes supérieures puissent avoir davantage de service privé, le public leur accorde des ristournes. Ca n'était pas, encore une fois, l'esprit des fondateurs de la progressivité fiscale.

Durant la campagne de 2017, la France Insoumise avait fait beaucoup de pédagogie sur cette question, en montrant tout ce que nous gagnerions à passer de 5 à 14 tranches. 14 avec des tranches plus basses qu'actuellement, ce qu'on peut complètement faire sans dégrader le pouvoir d'achat des plus fragiles, voire en l'augmentant. En augmentant les prestations sociales, le SMIC, les bas salaires. Et en remontant, on limite les mécanismes de baisse du total d'impôt.

La proposition de Gourault avait ce mérite de dire à l'ensemble des français(es) : en vous acquittant de quelques euros, vous payez à hauteur de vos facultés respectives, l'entrée dans une communauté qui, en retour, vous garantit éducation, santé, retraite, sécurité... C'est la base du contrat Républicain. Mais pour ce faire, il faut accepter de tout remettre à plat, de plafonner toutes ces incitations à acheter des apparts Pinel, de Robbien et autres ministres du logement... Limiter les investissements exonérés dans des oeuvres d'arts, des emplois bidons et autres ristournes de service privé sur le dos de l'argent public... L'impôt pour tous, oui, mais à hauteur de leurs moyens, voilà une contribution qui permettrait de sortir par le haut de ce grand débat.