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31/03/2019

L'insoutenable rhétorique du mouvement comme progrès

Pris isolément, l'argument est d'une faiblesse désarmante : "choisissez-vous de ne rien faire ou voulez-vous aller de l'avant ?". La malhonnêteté la dispute au sophisme puisqu'on dira aux tenants du statu quo qu'ils se félicitent donc de l'ensemble des maux actuels. Ne rien faire face au dérèglement climatique, c'est être complice. Ne pas agir face à l'explosion des inégalités, quelle sècheresse de coeur... Ad nauseam.  

Dans une chronique savoureuse, l'humoriste Thomas VDB avait repéré cette ineptie idéologique dès le lancement d'En Marche. Sur le site internet crée par les équipes du ministre-candidat, on appâtait le chaland électeur avec un test (véridique...) proposant des questions types : "je marche ou je reste assis dans rien faire".  Si jamais vous répondez "je reste assis sans rien faire", le site vous relançait avec "saviez-vous qu'il y a en France 30 000 enfants SDF ?". Et face à ce chiffre insoutenable pour la 5ème économie du monde, le site vous demandait "alors, je me mets en marche ou je regarde les autres marcher ?". En cours de rhétorique, mes étudiant(e)s peuvent parfois se livrer à ce genre de facilités lors d'un débat, mais ils ne peuvent répéter la supercherie bien longtemps, car il se trouve toujours heureusement quelqu'un(e) en face pour répliquer "face aux dérèglements engendrés par un modèle, la solution ne peut pas être d'appliquer ce modèle en plus fort". S'il faut parfois pédaler plus fort pour conserver l'équilibre sur un vélo, l'argument cesse d'être opportun dès lors que l'on fait face à un précipice. En l'espèce, la priorité n'est pas d'accélérer, mais de changer de direction.  

Il y a une forme de lobotomie généralisée et de syndrome de l'autruche qui entraîne les marcheurs actuels qui se sont donc mis "en mouvement" il y a 3 ans contre des nouvelles scandaleuses et qui ne voient pas que leurs décisions, leurs actes, ne font qu'empirer lesdites catastrophes... Comment ceux qui s'émeuvent que "la gauche a abandonné l'égalité" justifie t'il des immondices comme l'abandon de l'ISF, la flat tax, le plafonnement de l'imposition des banquiers et autres ? Comment ceux qui se moquent d'une droite qui aurait oublié la mort de la liberté conçoivent-ils les entraves à la liberté d'informer, de manifester ? Ils ne font pas leur examen de conscience, ils avancent...  Le titre du livre et film de Guy Debord (et plus long palindrome que je connaisse) prend tout son sens avec le macronisme : "In girum imus nocte et consumimur igni" soit "nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes consommés par le feu". 2 ans après le début du quinquennat, le cheminement fait penser à une vaste politique de terre brulée sans fin avec moins de moins de troupes, mais de plus en plus d'ardeur à défendre ce progressisme qui ressemble à s'y méprendre à du "après nous le déluge". 

Les têtes de liste LREM pour les européennes n'ont que le mouvement à la bouche. Nathalie Loiseau nous dit "l'Europe a trop échoué, c'est pourquoi nous avons besoin de l'Europe". Sans reprendre les bases de ce que pourrait être un fédéralisme qui rassemble les peuples et le continent : un fédéralisme avec du protectionnisme écologique et solidaire pour éviter le dumping social et l'agriculture low cost... Pascal Canfin lui, s'embarrasse encore moins : le mouvement est sa seule finalité politique. "Est-ce que le gouvernement fait bien en matière écologique ? Non. Mais je préfère me mettre en action que critiquer et ne rien faire". C'est au fond la planche de salut du macronisme qui fut celle du Sarkozysme hier : moquer l'esprit critique et légitimer l'action.  

Zygmunt Bauman rappelle dans L'éthique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?, que le propre du capitalisme, c'est le mouvement. On relance sans cesse une nouvelle histoire, une nouvelle envie et on ringardise l'immobilisme, synonyme de mort. La question écologique fait tout voler en éclats puisque, précisément, le mouvement non contrôlé, non maîtrisé, non régulé au maximum, c'est la mort de la planète. Changer 70 ans de libido mondiale pour la croissance et le mouvement ne peut se faire en un jour, bien sûr. Mais s'entêter dans la féliciter du mouvement, c'est boire de la vodka et accélérer au volant d'une voiture dont les roues avant sont déjà au dessus du vide...   

 

 

Commentaires

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" Ad nauseam." : c'est souvent le Dimanche que Castor est pris de nausée , et même avant d'avoir déjeuné ; un apéro prématuré ,avec des boissons basiques ?
Qu'il le dise en latin incite à le lui pardonner ...

Écrit par : Léo | 31/03/2019

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Peut-être a-t-il , à la messe , abusé d'une eau bénite polluée ?

Écrit par : Bénédicte | 31/03/2019

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Un teste bien envoyé mais qui me déçoit un peu : le titre semblait annoncer une réflexion sur "Les illusions du progrès " et il se contente d'une critique , certes , pertinente , mais peu novatrice , du mouvement des "marcheurs".
J'attendais de la science politique et je découvre de la politique

Écrit par : Jacques Aubin | 31/03/2019

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"Peut-être a-t-il , à la messe , abusé d'une eau bénite polluée ?" ( Bénédicte )
Il est question de vodka à la fin de l'article .

Écrit par : Barbara | 31/03/2019

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"Peut-être a-t-il , à la messe , abusé d'une eau bénite polluée ?" ( Bénédicte )
Il est question de vodka à la fin de l'article .

Écrit par : Barbara | 31/03/2019

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Bis repetita ....Sans doute avez-vous , vous aussi , abusé de la vodka ou plutôt de l'eau)-de-vie bretonne qui coule à flot dans les bars de Brest .

Écrit par : Pépé Castor | 31/03/2019

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"des questions types : "je marche ou je reste assis dans rien faire" ( Castor )
On peut beaucoup et bien faire tout en restant assis , par exemple devant un écran d'ordinateur .
Nombre d'écrivains , non des moindres , écrivaient allongés sur leur lit ou dans l'herbe tendre .

Écrit par : J Mentor | 31/03/2019

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"Je hais le mouvement qui déplace les lignes,"
( Charles Baudelaire)

Écrit par : Cluny | 31/03/2019

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Dans le jardin qui m'est cher , les sportifs du dimanche pratiquent le " mouvement" ,mais en rond , comme les aiguilles d'une montre ou le pauvre cheval qui actionne la meule

Écrit par : Rosa du Luxembourg | 31/03/2019

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Castor et Hollande , même combat ! tout contre Macron et tout pour Marine !
La politique du pire telle celle de certains socialistes allemands au début des années 30 ...

Écrit par : Léo | 01/04/2019

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--Un certain " 0" a fait son entrée au gouvernement , la veille du poisson d'avril ! j'attends avec impatience le Canard de mercredi : " Histoire d'O " , " France année zéro" , " pour faire court " etc.

Ce sympathique Zéro a tenu la comptabilité de la campagne des Marcheurs .

Écrit par : Jacques Aubin | 01/04/2019

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---Une suggestion de lecture pour mon compatriote Mentor : CORENTINE de Roselyne Bachelot , biographie un peu romancée de sa grand-mère bretonne qui vient de paraître .

Enfance dans une famille misérable de votre paroisse du centre Bretagne , puis débuts de " bonne", à 12 ans , dans plusieurs familles bourgeoises parisiennes , et enfin travail d'esclave dans une usine d'armement à Nantes pendant la 1ère guerre mondiale ( elle y fut protégée par un vieux militant CGT ...)

Authentique et émouvant sans misérabilisme ...

Écrit par : Barbara | 01/04/2019

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J'avais remarqué la sortie de ce livre , mais je ne l'ai pas acheté , craignant le pire ( un coup de com' )
Puisque vous en dites du bien , je cours l'acheter ...

Écrit par : J Mentor | 01/04/2019

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Je viens de lire " Corentine" ; j'avais tort de craindre le pire ; c'est effectivement"authentique et émouvant sans misérabilisme "...
L'évocation de la vie quotidienne dans ma paroisse au début du XXème siècle est strictement conforme à ce que je tiens de mes parents ; celle des bonnes "placées" très jeunes à Paris correspond aussi à ce qui m'a été dit par celles d'entre elles , revenues au pays, que j'ai connues enfant .

Écrit par : J Mentor | 02/04/2019

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-----Bien que je ne sois pas née dans l'une de vos paroisses bretonnes , chers Mentor et Barbara ( nul n'est parfait ...) , j'ai lu CORENTINE et avec plaisir .

Une des pensionnaires de notre Douceur angevine , parmi les plus âgées , originaire de Carhaix , a ,elle aussi , été" placée" à Paris , plus récemment , au lendemain de la dernière guerre ; selon ses dires , la situation avait peu évolué ; les patronnes et patrons étaient aussi odieux que ceux de la " Belle Epoque " .

Les plus durs étaient non les grands mais les petits bourgeois , comme c'est encore souvent le cas .

Écrit par : Mémé Octogénie | 02/04/2019

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En Algérie aussi , comme dans les autres " colonies" , les
" petits blancs " des villes étaient souvent plus durs avec leurs bonnes que les grands " colons" , d'ailleurs peu nombreux .
Quand on est assez peu différent des plus petits que soi , on a tendance à s'en distinguer par la façon dont on les traite et dont on parle d'eux .

Écrit par : Lulu Charia | 02/04/2019

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Deux situations pour moi insupportables : :obéir et commander .
De tous les chefs , les petits sont les pires .

Écrit par : Ravachol | 03/04/2019

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Deux façons insidieuses de commander , d'imposer : enseigner , militer ; bonne conscience garantie ...

Écrit par : Euphémie | 05/04/2019

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J'ai eu l'occasion , professionnellement , de fréquenter des militants associatifs , petits et grands ; ils étaient souvent peu enclins à respecter la liberté d'autrui , et en même temps, bien entendu , très vertueux .
J'en ai gardé une sainte horreur et , dès que cela m'est possible , j'écrase avec allégresse de tels tyrans bardés de bonne conscience .

Écrit par : J Mentor | 05/04/2019

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L'humanitaire " bénévole " pratiqué à un haut niveau peut être juteux , jusqu'à déboucher sur un portefeuille ministériel , puis une brillante carrière dans le secteur privé .

Pour qui sait lire un budget d'association , il est intéressant de voir quelle y est la part des dépenses de personnel et autres avantages ( voyages , bouffes aux frais de la princesse ...)
Il faut se munir d'une loupe car ces dépenses ne sont pas toujours visibles au premier regard .

Écrit par : Léo | 05/04/2019

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--Deux secteurs intéressants à observer de ce point de vue : le sport et la formation dite continue .

Écrit par : Sidonie | 05/04/2019

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La " formation dite continue" marche particulièrement bien , au bénéfice des " formateurs" quand elle a une teinture " développement personnel" : être mieux dans sa peau etc .
Un public captif : les innombrables frustrés à la recherche d'un mieux être de pacotille .
Le tout abondamment financé par les pouvoirs publics et les entreprises ; un marché en pleine expansion ...

Écrit par : Barbara | 05/04/2019

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Retour à CORENTINE : j'ai été soutenu à mes débuts à Paris ( 1951 ) par une vieille " bonne" , originaire de ma paroisse , placée à Paris dans les années 1910 , mais qui avait été plus chanceuse que la grand-mère de Roselyne Bachelot .
Elle servait dans une famille de la grande bourgeoisie éclairée ( ça arrive) qui résidait dans un des rares immeubles de top niveau de la rue de Rennes ( Madame trouvait de très mauvais goût le 16 ème et le 8 ème )
Les domestiques de l'immeuble disposaient tous d' une chambre dans le genre des studios d'aujourd'hui , dans un pavillon de la cour qui leur était affecté .

Le patron : un politicien radical , libre-penseur et un peu fantasque , d'une exquise politesse . Madame , plus à gauche que son époux , suivait de près les activités de Jaurès pour qui elle avait plus que de l'admiration ; elle se faisait accompagner à la Chambre et aux meetings par ma compatriote -appelons-la Virginie - qui , elle était catho et dévote ...

Vite promue " gouvernante" , Virginie régnait sur la maisonnée , allant même jusqu'à surveiller les devoirs et leçons des enfants , dont l'aîné a fait depuis une belle carrière politique .
Ma compatriote protégeait certaines " bonnes" venues de chez nous et , à l'occasion , des étudiants fauchés qu'elle gavait de nourtiture ( ce qui m'a permis d'échapper plus d'une fois à la cantine universitaire .

Je ne pense pas qu'elle aie croisé le chemin de Corentine , arrivée à Paris bien avant elle .

Écrit par : J Mentor | 05/04/2019

Merci

Écrit par : Julius | 07/04/2019

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Deux grandes dames : Corentine et Roselyne ; merci , cher Mentor .

Écrit par : Mémé Octogénie | 14/04/2019

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