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10/06/2019

Réforme de l'assurance chômage : le macronisme mis à nu

Depuis deux ans que nous sommes entrés en Macronie, on s'est habitués à des expressions telles que "Start Up nation", clivage entre "gagnants et perdants de la mondialisations" ou encore "président des ultra riches" pour caractériser la politique présidentielle. Mais, plus que tout autre, encore plus que la flat tax ou la suppression de l'ISF, la réforme de l'assurance chômage qui va être votée ces jours-ci incarne la vision la plus pure du macronisme : les pauvres le sont par leur faute et il faut donner à ceux qui veulent créer la possibilité du mouvement. 

La réforme se singularise par deux mesures qui ne peuvent qu'aggraver les inégalités face à l'emploi dans ce pays. D'un côté, au lieu d'avoir dû travailler un minimum de 4 mois sur les vingt huit derniers mois, les chercheurs d'emplois devront désormais avoir travaillé six mois au cours des vingt quatre derniers pour avoir le droit aux allocations. Un passage de 1 jour sur 7 à 1 jour sur 4, soit un bond considérable ! Pas besoin d'avoir fait une longue ethnographie à Pôle Emploi pour comprendre que ceux qui vont se retrouver radiés (et donc, évidemment, faire baisser les statistiques du chômage / là où il y a de la gêne y a pas de plaisir) sont déjà les plus éloignés de l'emploi. Les plus de 50 ans, en premier lieu, pour qui on voit mal comment le fait de se retrouver dans une précarité accrue sera un facteur positif pour retourner vers l'emploi... 

De l'autre, on va mettre 280 millions (280, putain...) pour permettre aux démissionnaires ayant déjà beaucoup cotisés de bénéficier de l'assurance chômage. Une espèce de extension/généralisation de la rupture conventionnelle. En somme, on va permettre à tous ceux qui sont en "bore out" et autres extension du domaine de l'ennui, d'aller monter leur start up en leur accordant des droits auxquels ils n'avaient naguère pas accès. Il suffit de s'être baladé (hélas...) une fois à Vivatech ou de lire des bios de start uppeurs pour voir que la majorité d'entre eux se sont lancés soit pendant leurs études (merci papa, merci maman pour me permettre le début sans fonds) soit suite à une rupture conventionnelle. Je ne veux pas jouer les schtroumpfs grognons, on peut se féliciter du dynamisme de créations d'entreprises, mais pas forcément sur fonds publics, ou alors très plafonnés.

Si on prend les premier(e)s, celles et ceux qui vont être victimes du durcissement, il s'agit de travailleurs(euses) majoritairement peu qualifié(e)s et donc peu rémunéré(e)s, à qui on va enlever quelques centaines d'euros vitaux. En perdant leurs droits, l'accès au RSA n'étant pas automatique, on expose ces personnes à une confrontation du jour au lendemain avec la très grande précarité. De l'autre, les démissionnaires qui vont réclamer d'accéder aux allocations, sont, eux (elles), majoritairement, très qualifié(e)s et plus rémunéré(e)s. Ils (elles) mettront en avant le fait qu'ils (elles) ne toucheront que 57% de leur dernier salaire brut ou 70% nets. Mais on peut garder son mouchoir pour ne pas pleurer. Les salariés qui passent de 3 000 euros à temps plein à 2 100 euros d'assurés avec 100% de leurs temps pour monter un food truck sans gluten ou une plate forme d'échange de lave vaisselle entre particulier sont-ils vraiment à plaindre ? De qui se moque-t-on ? Des électeurs, et on a bien raison, puisqu'ils ont voté pour cette injustice folle... 

Les ordres de grandeur sont à vomir. D'un côté, on va mettre une pression insupportable sur les plus précaires pour économiser quelques dizaines de millions d'euros. De l'autre, on offre une prébende de 300 millions, 300 millions soit exactement le montant pour lequel le MEDEF réclame depuis des années la mort du régime de l'intermittence (ils prétendent, même si leurs chiffres varient, que l'ensemble des intermittents seraient déficitaires à l'assurance chômage de 300 millions), une exception politique qui nous vaut d'avoir la culture vivante la plus dynamique au monde pour permettre à ceux qui peuvent déjà monter une entreprise de la monter encore plus facilement ou de se faire quelques mois de farniente moins bien payés mais sans précarité, avant de reprendre un bullshit job bien payé. 

Cette réforme est infâme et ne repose que sur un justificatif que l'on retrouve chez Macron alors qu'il était encore rapporteur de la commission Attali, puis ministre et maintenant Président : il faut encourager le mouvement et la fluidité des entrepreneurs et se montrer plus sévère avec les pauvres qui sont pauvres car ils ne veulent pas réussir.