Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/10/2019

Société de vigilance ? Chiche !

Depuis dix jours, jour après jour, déclaration après déclaration, sortie (de route) après sortie d'élus, la France ébahie découvre la liste des signaux faibles de terrorisme dormant auxquels elle doit être attentive. Conversion à l'islam, pour une députée Modem, port du voile pour un député RN, refus de serrer la main à une fille de CP pour un néo nazi... oups, pardon, pour Jean-Michel Blanquer. En à peine huit jours, la célérité de la surenchère a explosé les bornes déjà franchies lors du débat sur l'Identité Nationale. On peut sans doute spoiler la suite des débats : personnes non blanches et non jaunes (eux, c'est nos amis, s'en souvenir) = signal faible de danger... 

C'est tellement grotesque que ça en serait franchement drôle, si ça ne causait pas des tas de victimes collatérales, avec une hausse des discriminations à l'embauche, au logement, corollaire de ce genre de débats... Ca avait été le cas en 2008, ça sera le cas cette année. Quelle merveilleux argument civique : en refusant de louer votre logement à un français aux traits un peu trop maghrébins à votre goût, vous n'êtes plus un gros con raciste, mais un bienveillant et vigilant citoyen engagé dans la lutte contre le terrorisme. 

La semaine dernière, Eric Ciotti a dit que le terrorisme avait tué 267 personnes en France. Je n'ai pas de raison de penser qu'un citoyen scrupuleux comme Ciotti voit le chiffre à la baisse. 267 victimes, donc. C'est beaucoup. C'est trop, évidemment. C'est beaucoup trop. Mais cela vaut-il de fracturer le pays en nous montant les uns contre les autres pour une vigilance pour laquelle nous sommes, au fond, impuissants ? Il y a un certain nombre de pieds nickelés parmi les aspirants terroristes, certes. Le loupé des bonbonnes de gaz devant Notre Dame rappelle une certaine impréparation et une vigilance d'un cafetier. OK. Mais le Bataclan, les terrasses, Saint Denis, Trèbes, Nice, Saint Etienne du Rouvray ? De nombreux messages envoyés par messageries cryptés, sur des groupes fermés, toutes choses qui ne peuvent être détectées que par des professionnels. Nous, pauvres amateurs, ne pourrons sans doute pas grand chose... Les radicalisations forcenées, évidentes, au grand jour, se font dans une certaine communauté, pas au grand jour. Quand c'est le cas, tout l'arsenal législatif, règlementaire existe déjà pour licencier, mettre sous contrôle... faux débat.

267 morts en cinq ans (depuis Charlie Hebdo) pour le terrorisme. 267 féminicides sont perpétrés en deux ans, environ. Sur ce sujet, la vigilance de tous est plus aisée. Rarement les passages à l'acte sont immédiats. Il y a nombre de signaux faibles. Nombre de personnes au courant, dans l'entourage, à la médecine du travail, chez l'employeur, à la police... Ces signaux sont souvent ignorés comme l'avait prouvé l'enregistrement du Président Macron se rendant dans un centre d'écoute où une victime avait été renvoyé sans ménagement par l'écoutant policier qui ne voyait pas de "vrai" danger. Là dessus, on voit bien les encouragements qu'il y aurait à exiger des Pandores qu'ils prennent au sérieux ce sujet pour que les plaintes affluent et qu'elles soient suivies d'effet pour sauver des vies. L'égalité f/h étant censément la grande cause du quinquennat, on en vient à se demander si, quand on nous parle de vigilance, on ne se fout pas un tout petit de nous en désignant des boucs émissaires aisés quand nous pourrions regarder plus près de nous.